Kofman lectrice de Rousseau : la tenue à distance - article ; n°1 ; vol.3, pg 71-85
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1997 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 71-85
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 24
Langue Français

Extrait

Marie-Blanche Tahon
Kofman lectrice de Rousseau : la tenue à distance
In: Les Cahiers du GRIF, Hors-Série N. 3, 1997. Sarah Kofman. pp. 71-85.
Citer ce document / Cite this document :
Tahon Marie-Blanche. Kofman lectrice de Rousseau : la tenue à distance. In: Les Cahiers du GRIF, Hors-Série N. 3, 1997.
Sarah Kofman. pp. 71-85.
doi : 10.3406/grif.1997.1921
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1997_hos_3_1_1921Kofman lectrice de Rousseau :
la tenue à distance
Marie-Blanche Tahon
L'influence du travail de Sarah Kofman a été et reste importante pour mon
propre travail : penser les conditions qui rendent possible la reconnaissance
de la citoyenneté des femmes. Elle m'a incitée à réfléchir moins en termes
d'exclusion des femmes que de tenue à distance. En effet, brandir l'exclusion
rend malaisée l'explication de l'inclusion - or, aujourd'hui, dans les démocrat
ies libérales, les femmes sont formellement incluses au politique ; leur est
reconnue la plénitude des droits civiques et civils. Surtout, la tenue à distance
est un concept heuristiquement susceptible d'asseoir une recherche histori-
cisée sur la non-inclusion : il ne suffit pas d'enregistrer que les femmes étaient
laissées en dehors du politique, encore faut-il saisir en quoi cette tenue à
distance permettait - permet - une représentation de la politique, fournit à la
politique des mots pour exprimer son élaboration chaotique.
Rousseau peut sans doute être tenu pour celui - en tout cas l'un de ceux,
et non des moindres - qui exprime le plus clairement l'instrumentalisation
des femmes lors de l'élaboration de la politique dans la modernité démocrat
ique. Aussi le texte que lui consacre Kofman - « L'ombre de la clôture » dans
Le respect des femmes (1982) - a-t-il particulièrement retenu mon attention.
L'examen des textes de Rousseau constitue peut-être un « cas » dans l'uvre
de Kofman. On sait, et elle le dit au cours de son entretien avec Joke
Les Cahiers du Grif 71 Hermsen (1992), que ce n'est pas le thème de « la femme » qu'elle cherche à
traiter mais, nuance-t-elle, « la femme » est plutôt « une trace » qu'elle suit
« dans les systèmes philosophiques pour y détecter en quelque sorte leur
tache aveugle, souvent le point faible du système et qui éclaire les véritables
enjeux de ce système ». Cette lecture tire sa jubilation notamment du constat
qu'« à chaque fois qu'un philosophe introduit la question des femmes, c'est
toujours avec une gêne ou une réticence extrême ». Or, avec Rousseau, il n'en
va pas de même.: « Des femmes, chez Rousseau, il n'est question que de ça
[...]. Il ne pense qu'à elles » (1982 ; 61). Est-ce à ce renversement qu'il doit d'être
traité non en philosophe mais en littérateur (1982; 19) ? Plus, est suggéré un
lien (1982; 18), avec les restrictions d'usage sur la traduction mimétique, entre
« un tel appel massif et répété au respect des femmes » - puisque tel est l'objet
du livre - et « l'autobiographie », « l'économie sexuelle de Rousseau », « ce
qu'on pourrait appeler, dit-elle, le "cas Rousseau" ».
Faut-il ici rappeler la fin du parcours (1982; 147) ? « Être une femme, tel
est peut-être la crainte, le désir le plus profond de Rousseau. Non pas une
femme frivole qui écrit, tient la plume ou le pinceau, une femme-homme : cela
Rousseau l'a été. Mais une vraie femme, une mère. » Ce que le cheminement
de lecture a méticuleusement mis à jour. La sentence n'est pourtant énoncée
qu'aux toutes dernières lignes (1982 ; 149-150) : « En s'efforçant de devenir la
mère à laquelle il s'était identifié, il n'a pu devenir qu'une contrefaçon, un
simulacre de mère. Comme Pygmalion, H aurait aimé pour réparer la mère
morte, donner âme et vie à une pierre. Il a pu seulement fabriquer douloureu
sement des pierres fictives, symboliques. Il n'a pu être un utérus mais seule
ment un hystérique: cela coule de source et était finalement très judicieux. <»*
« Cela était finalement très judicieux » est la proposition sur, laquelle se
clôt la lecture inscrite sous L'ombre de la clôture. Elle est destinée à qualifier
l'uvre de Rousseau mais ne peut-on aussi y voir la trace d'une qualification
de sa lecture par Kofman elle-même j? On ne peut en effet manquer d'enre
gistrer la note appelée par « hystérique » dans la phrase :« Il n'est pas un
utérus mais seulement un hystérique.» » Cette note « Cette somatisation
hystérique ne signifie pas que Rousseau était hystérique.. Pas plus que son
"cas" ne relève d'une simple paranoïa: Les Dialogues* avec le dédoublement
en Rousseau et en Jean-Jacquesw suffisent à compliquer quelque peu le
problème. Peut-être Rousseau n'est-il classable dans aucune catégorie de la
psychiatrie classique ou de la psychanalyse, est-il un cas inédit, atopique. Ce
72 Les Cahiers du Grif .
,
devrait empêcher de faire de ses textes une lecture psychanalytique qui
simple. » - ne constitue-t-elle pas une tenue à distance de la lecture kofma-
nienne et ne contient-elle pas une invite à poursuivre la lecture interminable
de l'uvre de Rousseau ?..
Il me plaît de le croire pour la saisir. Elle n'aboutira certes pas à faire de
Rousseau un philogyne. Quel serait l'intérêt i D'autant que Kofman elle-même
fait cette mise en garde, qui est aussi une mise en réserve l : « Le phallocra-
tisme de Rousseau [est] aussi, comme toujours un féminisme. » Mais j'aime à
penser que le dévoilement magistral des fondements de la misogynie de
Rousseau qu'effectue Kofman dans L'ombre de la clôture fournit aussi un matér
iau qui conforterait l'hypothèse selon laquelle Rousseau, quel que soit le
genre de ses écrits, serait celui qui ~ je suis tentée de dire le philosophe - fait
émerger la femme au tournant de la modernité démocratique. Il donne à voir,
clairement, l'incontournable recours à la femme pour élaborer la figure du
citoyen. Ses manigances peuvent ne pas seulement être rapportées au cas d'un
fils malheureux, au cas de Jean-Jacques. Elles illustrent aussi comment un
philosophe qui a ouvert la boîte de Pandore de la modernité démocratique s'y
prend pour tenir les femmes à distance de l'« égaliberté » - pour reprendre le
mot de Balibar (1992), Élaboration d'une tenue à distance des femmes de
l'égaliberté qui relèverait moins d'une misogynie, d'un phallocratisme, que des
limites dans lesquelles s'oriente l'aventure démocratique, des limites qui sont
aussi des conditions instituantes de cette aventure. Rousseau n'est-il pas celui
qui est acculé à avouer, dans Du contrat social (1966 ; 108) ; « S'il y avait un
peuple de dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si
parfait ne convient pas aux hommes », alors qu'il tente de bricoler, pour les
humains, le régime qui se rapproche le plus de celui qui ne serait assumable
que par des dieux. .
Femme , . .
Il n'est sans doute pas inutile ici, avant de m'engager plus avant dans la
lecture de Rousseau, de justifier mon utilisation de « femme » au singulier.
Cet usage suscite, en effet, aussitôt des réticences - a-t-on assez répété que
« la » femme n'existe pas - et un discours féministe l'a censuré, l'a rendu
impraticable, en le renvoyant à « l'essentialisme ». Je ne suis pas insensible à
Les Cahiers du Grif 73 ce positionnement mais suis pourtant amenée à user de « femme » au singul
ier, parce que ce terme permet d'inscrire le questionnement en termes de
figure dans le champ de la philosophie politique 2. Terme (au) singulier non en
ce qu'il exprime quelque chose d'immuable, d'ahistorique, de donné, mais en
ce qu'il est un « construit pour ». En l'occurrence, un construit pour rendre
représentable la politique. Il se fait que ce syntagme peut aussi être employé
au pluriel. Il renvoie alors à un groupe sociologisé à partir de caractères
sexuels différents de ceux de l'autre groupe, numériquement pas plus
nombreux, mais qui, lui, n'est pas sociologisé par ses caractères sexuels. Au
nom de quoi la diff&#

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