L appropriation du rap et du reggae - article ; n°1 ; vol.77, pg 109-126
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Description

Communications - Année 2005 - Volume 77 - Numéro 1 - Pages 109-126
Cet article s'applique à rendre compte des processus qui ont conduit de jeunes musiciens italiens et français à se présenter comme les porte-parole de causes fortement centrées sur l'histoire des configurations locales au sein desquelles ils sont nés. L'analyse relève toutefois dans quelle mesure ces vocations militantes résultent de processus d'identification à la musique rap ou reggae. C'est ainsi la tentative d'appropriation de ces modèles transnationaux à l'origine jamaïcains et new- yorkais qui favorise la promotion de dialectes régionaux ou bien encore d'un « fil rouge de la mémoire communiste ».
This article endeavours to delineate the processes that led young Italian and French musicians to present themselves as the advocates of causes linked to the history of the local settings within which they were born. This analysis highlights how these militant vocations originally sprang from processes of identification with rap or reggae music. Thus, it is this very attempt to appropriate transnational models, originally hailing from as far afield as Jamaica or New York, which have fostered the promotion of regional dialects or drawn out the red thread of communist memory.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2005
Nombre de lectures 32
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christophe Traïni
L'appropriation du rap et du reggae
In: Communications, 77, 2005. pp. 109-126.
Résumé
Cet article s'applique à rendre compte des processus qui ont conduit de jeunes musiciens italiens et français à se présenter
comme les porte-parole de causes fortement centrées sur l'histoire des configurations locales au sein desquelles ils sont nés.
L'analyse relève toutefois dans quelle mesure ces vocations militantes résultent de processus d'identification à la musique rap ou
reggae. C'est ainsi la tentative d'appropriation de ces modèles transnationaux à l'origine jamaïcains et new- yorkais qui favorise
la promotion de dialectes régionaux ou bien encore d'un « fil rouge de la mémoire communiste ».
Abstract
This article endeavours to delineate the processes that led young Italian and French musicians to present themselves as the
advocates of causes linked to the history of the local settings within which they were born. This analysis highlights how these
militant vocations originally sprang from processes of identification with rap or reggae music. Thus, it is this very attempt to
appropriate transnational models, originally hailing from as far afield as Jamaica or New York, which have fostered the promotion
of regional dialects or drawn out "the red thread of communist memory".
Citer ce document / Cite this document :
Traïni Christophe. L'appropriation du rap et du reggae. In: Communications, 77, 2005. pp. 109-126.
doi : 10.3406/comm.2005.2265
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2005_num_77_1_2265Christophe Traïni
L'appropriation du rap et du reggae
Néo- communisme et ethno -régionalisme
à l'heure de la mondialisation
Gomme chacun sait, le succès actuel du terme « mondialisation » doit
beaucoup à son caractère flou et étonnamment extensible. Parmi les mult
iples acceptions attribuées à cette notion censée résumer à elle seule l'esprit
du temps, il est devenu d'usage de désigner des actions sociales qui — par-
delà les grandes distances géographiques qui les séparent - s'avéreraient
de plus en plus interdépendantes. La mondialisation désignerait ainsi la
facilité avec laquelle les individus peuvent désormais mutuellement
s'influencer en nouant des relations d'un bout à l'autre de la planète. Dans
le domaine culturel, la musique constitue incontestablement l'un des vec
teurs les plus manifestes de ce phénomène croissant. Ainsi, la diffusion du
reggae et du rap à l'échelle planétaire apparaît d'autant plus remarquable
que ces styles musicaux très particuliers furent à l'origine forgés au sein
d'espaces-temps clairement circonscrits : la Jamaïque des années 60 pour
le premier, certains quartiers new-yorkais des années 80 pour le second.
Nous nous proposons ici de rendre compte des processus et procédures à
travers lesquels de jeunes Italiens et Français se sont approprié ces modèles
désormais transnationaux. Soulignons d'emblée que lesdits modèles, loin
de se limiter à de simples genres musicaux, sont perçus et décrits comme
des formes d'engagement pleines d'exigences et de responsabilités.
Le premier cas concerne les membres du groupe romain AK47 (Avtomat
Kalashnikov , le 47 désignant l'année d'homologation de ce fameux fusil
d'assaut soviétique) issus d'une première formation musicale intitulée
Onda Rossa Posse qui donna également naissance au groupe de rap Assalti
Frontali (Assauts frontaux). Comme leurs noms de scène l'indiquent
(King, Kid, mais surtout Castro X, Militant La Havane, Vent rouge), ces
jeunes Italiens entendent se charger d'une vocation éminemment polit
ique : lutter « contre la tentative de refoulement de la culture commun
iste » (dl3). Ainsi, bien plus que simple performance musicale, leur rap
relèverait d'une volonté « de réactiver ce fil rouge chéri [...] qui lie entre
109 Christophe Traïni
eux les générations et les parcours, les expériences et les luttes, les sent
iments et la mémoire de chaque prolétaire » (d6 et dl4). Loin d'être isolés
sur la scène italienne, ces groupes de rap ont contribué, avec d'autres
(Bisca 99 Posse, Lion Horse Posse, AMNK, Disastro, etc.), à créer un
mouvement musical explicitement affilié à ces sociabilités militantes que
constituent les Centres sociaux occupés de la péninsule italienne.
C'est d'ailleurs au sein des Centres sociaux occupés que nous avons ren
contré le deuxième groupe qui retiendra notre attention : les Sud Sound
System, originaires des Pouilles, région de l'extrême sud de la péninsule.
Ce groupe musical de Lecce se réclame plutôt du reggae et de l'un de ses
principaux dérivés, le raggamuffin, né dans le cadre des « sound systems »,
ces sessions improvisées au cours desquelles les DJ jamaïcains opérèrent la
synthèse entre la prosodie rap et l'art de manipuler des disques sur les pla
tines. Les membres des Sud Sound System revendiquent le fait de chanter
en dialecte afin de restaurer la dignité des terroni - les « culs-terreux »
d'origine méridionale -, trop souvent stigmatisés dans leur pays. C'est dans
le cadre de cette entreprise militante visant à récuser la dépréciation
pluriséculaire de leur culture méridionale qu'ils se proposent de (réconcil
ier tradition et modernité. Ainsi définissent-ils leur musique comme du
« tarantamuffin », mélange de raggamuffin et de tarantisme. Au-delà de
leur seul nom, les Sud Sound System présentent des similitudes frappantes
avec le troisième cas que nous étudierons ici, les Massilia Sound System.
Originaires du sud de la France, les membres de ce dernier groupe
s'appliquent à mettre en scène « la fierté d'être marseillais ». De ce fait,
les paroles de leurs chansons mobilisent très souvent des expressions
populaires typiquement marseillaises : « couillon », « fada », « pébrons »,
« boulègue », « collègue », « on met le ôai », etc. Bien plus, leurs propos
sont émaillés de nombreuses références aussi bien à la langue provençale
- l'un de leurs albums s'intitule Parla Patois - qu'à la cause occitane,
dont ils sont devenus des porte-parole reconnus, au point d'ailleurs de se
produire lors de la Sainte-Estelle, fête traditionnelle du Félibrige. Alors
même qu'aucun de leurs parents ou même de leurs grands -parents ne
parlaient effectivement le provençal, les membres du Massilia affirment
en faire usage afin de « défendre notre langue ». De plus, là où les Italiens
se réclament du « tarantamuffin », les Massilia Sound System proclament
œuvrer à l'édification d'un « troubamuffin », mélange des savoir-faire
artistiques des troubadours de langue d'oc et de raggamuffin. Cette heu
reuse synthèse est présentée comme une contribution au nécessaire com
bat contre « le centralisme culturel [...], cet adversaire de la France, qui
est dans toutes les têtes et non pas seulement à Paris » (d2).
Les nombreuses similitudes entre les Sud Sound System et les Massilia
Sound System devront retenir plus particulièrement notre attention pour
deux raisons complémentaires. D'abord parce que l'enquête révèle qu'elles
110 L'appropriation du rap et du reggae
ne sont pas le fait d'une simple imitation directe : les discours des jeunes
Français et Italiens se sont construits simultanément mais de manière
indépendante. Ensuite parce que l'on ne peut négliger l'importance des
contrastes entre les deux contextes italien et français du point de vue non
seulement de la stigmatisation des Méridionaux, mais encore de celui de
l'histoire et du statut des dialectes et des langues régionales. Ainsi, à la
différence de leurs homologues marseillais, les musiciens de Lecce
s'expriment-ils quotidiennement entre eux en utilisant le dialecte de leur
région. Autant dire que l'origine des similitudes relevées entre les deux grou
pes doit être recherchée du côté non pas de l'histoire du Salento et de l'Occi-
tanie, mais des modalités communes selon lesquelles les jeunes en question
se sont approprié les mêmes modèles transnationaux. C'est pourquoi il
convient d'analyser au plus près les caractéristiques de leur personnalisat
ion, c

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