L archevêque, l hérétique et la comète (première partie) - article ; n°14 ; vol.7, pg 113-128
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L'archevêque, l'hérétique et la comète (première partie) - article ; n°14 ; vol.7, pg 113-128

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Description

Médiévales - Année 1988 - Volume 7 - Numéro 14 - Pages 113-128
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1988
Nombre de lectures 20
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gilles Bounoure
L'archevêque, l'hérétique et la comète (première partie)
In: Médiévales, N°14, 1988. pp. 113-128.
Citer ce document / Cite this document :
Bounoure Gilles. L'archevêque, l'hérétique et la comète (première partie). In: Médiévales, N°14, 1988. pp. 113-128.
doi : 10.3406/medi.1988.1106
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medi_0751-2708_1988_num_7_14_1106Gilles BOUNOURE
L'ARCHEVÊQUE, L'HÉRÉTIQUE ET LA COMÈTE
(Première partie)
«Je serais fort d'avis qu'on examinât premièrement s'il est vrai que
les années qui ont suivi de près les comètes aient toujours été remar
quables par des événements plus tragiques que ceux que l'on voit arriver
dans d'autres temps. Si l'on trouvait que la chose fût ainsi, on pousserait
les recherches plus loin, et l'on examinerait quelle peut être la cause de
la liaison de ces événements tragiques avec les comètes. Si l'on trouvait
que la chose fût autrement, on tâcherait de désabuser le monde de ses
fausses imaginations sur ce point-là, et l'on ne ferait pas plus de cas de
la fausseté, sous prétexte qu'elle est répandue par tout le monde, que si
elle n'était que la maladie de deux ou trois personnes ». C'est à la r
igueur bien cartésienne de ce dilemme que Bayle1 doit d'avoir comme
éteint les comètes au ciel de l'histoire humaine pour les faire briller dans
celui des seuls astronomes : l'année même où il publiait ces réflexions,
Halley pouvait observer la comète qui reçut son nom, avant d'en calcul
er les éléments orbitaux.
Les lumières des philosophes ont certes contribué à « désabuser le
monde sur ce point-là », mais les comètes n'ont point tout à fait fini d'ani
mer la vie des sociétés : à preuve « l'événement scientifique » et commerc
ial qu'a provoqué, au début de 1986, le « retour » de la comète de Halley,
largement célébré par la presse2. Et s'il n'y eut pas de terreurs compar
ables à celles qui marquèrent jusqu'au précédent passage de 19 103, c'est
1. Lettre sur la Comète, 1682. N.B. : les notes ont été limitées aux références et r
emarques indispensables. L'hérésie évoquée ici peut encore prêter à des développements his-
toriographiques instructifs et amusants. Échantillons à chercher dans F. Vernet : Diction
naire de Théol. Cath., t. V, 1905, p. 134-137, où Éon est «entouré d'une lumière fantas
tique», ce qui eût bien servi ma thèse si l'auteur n'avait pas été victime d'une « illusion
diabolique ». A. Borst : Die Katharer, 1953, et sa « trahison » française Les Cathares, 1974,
p. 13 : traité d'Hugues de Rouen « en forme de dialogue », faux; saint Bernard à Toulouse
en 1147, faux; etc. P. Levot et A. de La borderie (Éon en partageux quarante-huitard :
cf. note 82). H. Maisonneuve (Éon-Jerry Lewis au concile de Reims), etc.
2. Un bon exemple est le supplément de 52 pages à Libération, 20 déc. 1985.
3. Les usines Michelin vendaient alors jusqu'en Italie des bouteilles d'air comprimé
à respirer « quand la terre serait envahie des miasmes pestiférés de la Comète de Halley»»,
Carrière délia Sera, 17 mai 1910. 114
surtout que les «principaux artisans » de l'événement de 1986 ont été
«les scientifiques eux-mêmes, qui donnent en spectacle leur quête
d'informations nouvelles », en même temps qu'ils affichent des « dis
cours rassurants4». À cet égard, ce «business astronomique5» qu'a
sous-tendu un credo scientiste, ne renseignera pas moins les futurs his
toriens des mentalités que les « fausses imaginations » offertes par les
siècles passés : au prochain retour de la comète, a-t-on supposé, «les
spéculations d'aujourd'hui seront sans doute rangées au placard des i
llusions perdues6 ». Bayle ne disait-il pas déjà : « les savants sont quel
quefois une aussi méchante caution que le peuple »?
Du point de vue de l'histoire des idées, Bayle témoigne encore d'un
temps où «on s'est vu réduit à la nécessité de croire ce que tout le
monde croyait, de peur de passer^pour un factieux, qui veut lui seul en
savoir plus que tous les autres et contredire la vénérable Antiquité ; si
bien qu'il y a eu du mérite à n'examiner plus rien et à s'en rapporter à
la Tradition ». Dans un article fameux, L. Febvre attirait l'attention sur
la « révolution mentale » qui nous sépare du XVIIe siècle et de ses procès
de sorcellerie : « De ces révolutions de l'esprit qui se font sans bruit et
qu'aucun historien ne s'avise d'enregistrer7 ». Les gens de ce temps-là,
et leurs croyances, ajoutait-il, « on ne s'en débarrasse pas en disant "des
sots" ». Et cela ne vaudrait-il pas a fortiori pour les âges antérieurs? S'il
prétend analyser le rôle historique de ces « grands préjugés qui s'élèvent
de la multitude », pour parler comme Bayle, l'historien des mentalités
est ainsi contraint à une démarche paradoxale : user d'une critique par
principe défiante, sinon méprisante, à l'égard de la Tradition, de
l'Autorité et de ces « cent mille esprits vulgaires qui se suivent comme
des moutons », pour expliquer l'objet même de sa défiance, les « fausses
imaginations » ou les « opinions fausses » « qu'il est facile de persuader
au peuple ». C'est donc avec et contre Bayle qu'il lui faudra examiner
en particulier le rôle historique des comètes dans les sociétés humaines,
admettre qu'il y eut un temps où « les années qui ont suivi de près les
comètes » semblèrent tragiques à ceux qui les vivaient, pour espérer
comprendre, sans invectives pour la « sottise » des « âges préscientifî-
ques », quelle pût être alors « la cause de la liaison de ces événements
tragiques avec les comètes » : c'est un des préjugés, et une des ambitions
de cette étude.
L'archevêque dont il s'agit ici est connu : c'est Hugues d'Amiens,
attesté dès 1113, et investi du siège de Rouen depuis son sacre le 14
septembre 1130 jusqu'à sa mort le 11 novembre 11648. De ses œuvres,
constituées pour l'essentiel de commentaires théologiques, subsiste en
particulier un traité en trois livres Sur l'Église et ses ministres, plus
4. Libération, toc. cit., p. 3 et 10.
5. Ibld., p. 8.
6.p. 3.
7. Annales, III, 1948 : Au cœur religieux du xvw siècle, éd. de 1983, p. 401-41 1, ici 410..
8. Histoire Ut t. de ta France, t. XII, p. 647 sq., Gallla Chr. nova, XI, p. 43 sq. IÎ5
apologétique, et qui seul a retenu l'intérêt des historiens. Intitulé par ses
premiers éditeurs Contre les hérétiques de son temps, il est fréquemment
invoqué par les spécialistes des hérésies médiévales, qui en déplorent
cependant l'imprécision historique, ou n'y voient qu'une «ennuyeuse
polémique9». De fait, dans ce traité non daté, de quels hérétiques
s'agit-il ? L'époque d'Hugues d'Amiens en est pleine : c'est en Allemag
ne, aux Pays-Bas, en Italie, en Champagne, en Bretagne, en Provence,
en Languedoc que « surgissent les faux prophètes », comme disent
évangéliquement les chroniqueurs, au cours des deux tiers de siècle que
vécut au moins ce prélat. Mais aucun nom, aucun lieu, aucun détail
caractéristique n'abaissent son oeuvre au rang, sans doute méprisable
pour un théologien, d'une chronique, à nos yeux plus utile. Faut -il pré
ciser qu'il en va de même de la plupart des traités rédigés en ce temps,
et dans cet esprit, non pas contre les hérétiques qui n'auraient pas lu ces
écrits, mais en réaction à leur existence? On discute toujours, et assez
futilement, depuis Mabillon, de l'identité des hérétiques qu'évoque saint
Bernard dans ses Sermons10. Ainsi du traité d'Hugues d'Amiens, et de
bien d'autres11.
Signifïcativemen

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