L attente dans le christianisme : le Purgatoire - article ; n°1 ; vol.70, pg 295-301
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L'attente dans le christianisme : le Purgatoire - article ; n°1 ; vol.70, pg 295-301

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Description

Communications - Année 2000 - Volume 70 - Numéro 1 - Pages 295-301
7 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2000
Nombre de lectures 7
Langue Français

Extrait

J. Le Goff
L'attente dans le christianisme : le Purgatoire
In: Communications, 70, 2000. pp. 295-301.
Citer ce document / Cite this document :
Le Goff J. L'attente dans le christianisme : le Purgatoire. In: Communications, 70, 2000. pp. 295-301.
doi : 10.3406/comm.2000.2075
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2000_num_70_1_2075Jacques Le Goff
L'attente dans le christianisme :
le Purgatoire
L'attente a sans doute été introduite dans la pensée religieuse méditer
ranéenne et occidentale par le judaïsme ancien, pré-chrétien.
Elle s'ordonne autour de la notion de messie. Le messie est un person
nage incarnant « la croyance essentiellement religieuse en la venue d'un
rédempteur qui mettra fin à l'ordre actuel des choses soit de manière
universelle, soit pour un groupe isolé, et qui instaurera un ordre nouveau
fait de justice et de bonheur » (H. Cohn cité par H. Desroche, article
« Messianisme », Encyclopaedia Universalis, vol. 16, 1971^ col. 846).
L'étymologie de messie en hébreu - tout comme sa traduction en grec :
christos (Christ) — confère à ces mots le sens de « oint ». L'onction est le
signe et l'instrument de la vocation de Vattendu. Elle a privilégié de
grands personnages : rois et fils de roi, fils de Dieu, à commencer chez
les Hébreux par le roi oint David et sa descendance, puis chez les chrétiens
par Jésus-Christ, fils de Dieu oint par le Saint-Esprit guidant la main de
Jean-Baptiste.
Le messie se distingue du prophète, qui lui aussi annonce une venue,
en ce sens qu'il n'est pas comme lui envoyé par une puissance supérieure
(Dieu ou un dieu en général), mais que sa liaison avec cette puissance est
native : la meilleure incarnation est celle de fils de Dieu ou du dieu.
Après le personnage messianique, la période attendue a accaparé
l'attention de certains milieux religieux du Proche-Orient. Elle a été l'objet
chez certains groupes juifs, à partir du IIe siècle avant l'ère chrétienne,
d'une littérature consacrée à la description de la venue et de la mise en
place du nouvel ordre et de la nouvelle société terrestres attendus. Cette
littérature dévoilait (du grec apokaluptein : « lever le voile ») les événe
ments de cette venue bouleversante : on l'a donc appelée « apocalypti
que ». Elle aboutit à une image assez consensuelle selon laquelle l'instau
ration du nouvel ordre juste et heureux serait précédée par une phase très
violente de guerres, d'agressions, de massacres dont le chef et l'instigateur
295 Jacques Le Goff
serait un homme abominable - « diabolique », diront les Chrétiens -,
PAnti-Christ, un Anti-messie. Cette conception, préparée par certaines
prophéties de Daniel (chap. 7), aboutit dans le christianisme au livre de
l'Apocalypse, écrit vers 95 de l'ère chrétienne par un visionnaire en qui
on a de façon erronée vu l'apôtre Jean.
Cette attente apocalyptique se référait à un double horizon : le retour
au Paradis terrestre primitif et l'anticipation de la cité céleste. Elle accor
dait une importance particulière à la période située entre la mort de
l'Anti-Christ et la fin des temps, la fin de l'histoire, marquée par le
Jugement dernier, appelée dans l'Apocalypse de Jean le Millenium,
c'est-à-dire une période non chiffrée, très longue, et pour saint Augustin
Millenium désignait la « plénitude des temps », le nombre mille signifiant
la totalité. Ce Millenium inspira chez les premiers chrétiens - et encore
par bouffées pendant l'Antiquité tardive et le Moyen Âge — la croyance
en un millénarisme, l'attente millénariste se confondant avec l'attente
apocalyptique.
Le christianisme enseigna donc une double attente : d'une part celle
du Millenium et d'autre part celle du Jugement dernier et du salut éternel.
Le rompit avec l'attente du Messie professée par les Juifs.
Les chrétiens assimilant le Messie à Jésus, le Messie était venu et n'était
plus à attendre.
Saint Augustin critiqua vivement le millénarisme et, après lui, l'attente
eschatologique chrétienne se concentra dans l'attente du Jugement der
nier. Cette attente posait plusieurs problèmes, notamment celui de sa
durée et celui du temps s'écoulant entre le présent et le Jugement dernier,
entre la mort individuelle et ce Jugement. La tendance dominante dans
le christianisme primitif et récurrente au cours du Moyen Âge était que
le Jugement était proche et proche le Royaume annoncé par le Christ et
destiné aux élus.- L'Apocalypse (22,20) avertissait : « le garant de ces
révélations l'affirme : Oui, mon retour est proche ! Amen, viens, Seigneur
Jésus ». Augustin pensait que la durée de l'attente était imprévisible,
inchiffrable, mais qu'elle serait probablement assez longue. Sur ce qui se
passerait pour les morts, il hésitait et restait dans le vague.
Le système orthodoxe chrétien de PAu-Delà ne comprenait alors que
deux destinations : l'Enfer et le Paradis. Les réflexions sur la période
intermédiaire entre la mort et le salut des élus conduisit à envisager un
nouvel Au-Delà, intermédiaire entre la mort et la résurrection, un Au-Delà
d'attente : le Purgatoire. Ce fut un basculement de l'attente de la terre
vers l'Au-Delà. L'Au-Delà cessait d'être pour tous un lieu d'attente inerte
et sans durée, comparable au sheol juif.
La lente élaboration du Purgatoire se fit, comme l'ont montré Claude
Carozzi et Peter Brown, sous l'influence de l'approfondissement de deux
296 L'attente dans le christianisme : le Purgatoire
croyances et de deux dévotions : la pénitence des humains et la miséri
corde de Dieu.
Se forma donc dans le haut Moyen Âge la conception de péchés légers
(peccata levia) qui, n'étant pas mortels, ne devaient pas condamner à
l'Enfer. Le problème fut le sort des chrétiens morts sans péchés mortels
non confessés et lavés par la pénitence. -
Entre le Ve et le IXe siècle s'est peu à peu constituée une eschatologie
individuelle en fonction du problème pénitentiel. Ce n'est plus seul
ement l'adhésion initiale et le passage par le rite d'initiation qui déter
minent le salut personnel, la vie entière de l'homme est prise en compte
dans un processus pénitentiel continu, et qui se prolonge après la mort.
Une véritable obsession pénitentielle semble avoir vu progressivement
le jour à partir au moins du IV siècle (Cl. Carozzi).
De son côté, le Dieu chrétien évolue d'abord sur le modèle de l'empereur
de l'Antiquité tardive, dispensateur de grâces et d'amnistie, puis, « modelé
sur le pouvoir de l'abbé dans un grand monastère - le Christ cesse d'être
Empereur » (P. Brown). Il devient un père miséricordieux.
Mais de ces péchés menus (minuta) ou légers (levia) qu'on appelle bien
tôt venialia - véniels, c'est-à-dire rachetables -, comment se débarrasser ?
D'une seule façon possible : par un surcroît, un ajout de pénitence, qui en
assurera le rachat et permettra mieux à Dieu d'exercer sa miséricorde. Mais
où et quand se fera cette « purgation » ? Sur la période de cet allongement
de pénitence, si la tendance majoritaire est de la situer dans l'intervalle
entre la mort individuelle et le Jugement, certains pensent qu'elle se fera
lors d'un retour sur terre après la mort. On peut même trouver chez l'indé
cis saint Augustin l'hypothèse que la vie terrestre elle-même serait un long
purgatoire. Saint Grégoire le Grand évoque cette pénitence de revenants,
telle celle de ce serviteur peu consciencieux qui, mort, reparaît, fantôme
humain, sur les lieux de son péché véniel, les thermes, où il se rachète en
servant, parfaitement cette fois, les clients des bains.
La conception du lieu de purgatoire et d'attente du Jugement dernier
reste vague. Il s'agit de lieux purgatoires (loca purgatoria) situés de façon
indéterminée dans l'Au-Delà, de peines purgatoires (poenae purgatoriae)
que, sous forme de feu purificateur mais terrible, ceux qui ne sont, suivant
la classification des pécheurs d'Augustin, ni tout à fait bons (valde bo

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