L édition en phase critique : analyse d une crise d arythmie - article ; n°1 ; vol.95, pg 67-74
9 pages
Français

L'édition en phase critique : analyse d'une crise d'arythmie - article ; n°1 ; vol.95, pg 67-74

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
9 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Communication et langages - Année 1993 - Volume 95 - Numéro 1 - Pages 67-74
Statisticien-économiste au département des études et de la prospective (ministère de la Culture), François Rouet vient de publier Le livre, mutations d'une industrie culturelle, à la Documentation française. Son bilan, empreint d'un légitime pessimisme, est ici examiné et mis en perspective. Ses pertinentes analyses économiques n'ont pas la froideur qu'on prête à ce genre d'exercice. Et un bilan est bien utile alors que vient d'avoir lieu le salon annuel du livre, au Grand palais, à Paris.
8 pages

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 41
Langue Français

Extrait

Philippe Schuwer
L'édition en phase critique : analyse d'une crise d'arythmie
In: Communication et langages. N°95, 1er trimestre 1993. pp. 67-74.
Résumé
Statisticien-économiste au département des études etde la prospective (ministère de la Culture), François Rouet vient de publier
Le livre, mutations d'une industrie culturelle, à la Documentation française. Son bilan, empreint d'un légitime pessimisme, est ici
examiné et mis en perspective. Ses pertinentes analyses économiques n'ont pas la froideur qu'on prête à ce genre d'exercice. Et
un bilan est bien utile alors que vient d'avoir lieu le salon annuel du livre, au Grand palais, à Paris.
Citer ce document / Cite this document :
Schuwer Philippe. L'édition en phase critique : analyse d'une crise d'arythmie. In: Communication et langages. N°95, 1er
trimestre 1993. pp. 67-74.
doi : 10.3406/colan.1993.2418
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_1993_num_95_1_2418L'édition en phase critique : o
û analyse
d'une crise d'arythmie
Philippe Schuwer
Statisticien-économiste au département des études et examiné et mis en perspective. Ses perti-
de la prospective (ministère de la Culture), nentes analyses économiques n'ont pas
François Rouet vient de publier Le livre, la froideur qu'on prête à ce genre d'exer-
mutations d'une industrie culturelle, à la cice. Et un bilan est bien utile alors que
Documentation française. Son bilan, vient d'avoir lieu le salon annuel du livre,
empreint d'un légitime pessimisme, est ici au Grand palais, à Paris.
L'édition est en crise et ses six siècles d'existence révèlent cette
surprenante chronicité. Un rapide calcul permet d'estimer que,
de Gutenberg à la publication assistée par ordinateur, une ving
taine de générations d'éditeurs se sont succédé. Chacune
d'elles a différemment affronté qui les censures religieuses et
politiques, qui les révolutions et les guerres économiques, qui la
presse et les écrans. De toutes ces entreprises, personnelles ou
collectives, le temps a sauvegardé quelques dizaines de milliers
d 'œuvres et anéanti le reste.
Mais, sans fin, les nouvelles vagues d'auteurs et d'éditeurs ont
réanimé l'écrit, découvert des voies où la créativité s'adossait au
commerce, où l'affairisme le disputait à l'ingéniosité.
UNE PSYCHOSE D'ÉCHEC
Aujourd'hui, après les trente glorieuses de l'économie, la crise
générale frapperait-elle violemment l'édition? Ou bien en prend-
on prétexte pour masquer ses maux spécifiques? Et pourquoi le
milieu editorial ressent-il qu'il est en péril alors que les stati
stiques du Syndicat national de l'édition de 1992 révèlent un
chiffre d'affaires en définitive plutôt stable? Ce qui incite à se
demander : à qui nuit et profite cette crise? Et qui est atteint?
Le tout récent état des lieux de François Rouet1 offre ample
1 . François Rouet, Le livre, mutations d'une industrie culturelle, La documentation fran
çaise, Paris, décembre 1992. 68 Édition
matière à réflexions. D'entrée, il précise que les opinions émises
dans son étude, Le livre, mutations d'une industrie culturelle,
n'engagent que lui, mais nul ne sera surpris qu'il défende les
actions de son ministère et réaffirme le bien-fondé de la loi Lang,
objet de nouvelles attaques de la Fnac et des centres E. Leclerc.
Ni qu'il rappelle avec ferveur l'aide à l'édition, notamment à la
publication de sept cents ouvrages « introuvables, inédits, indi
spensables », que soutient le Centre national des lettres, en
accordant des prêts incitatifs aux éditeurs et des bourses aux
auteurs et traducteurs. Le mécénat étatique existe de longue
date. Mais la campagne La Fureur de lire a-t-elle le pouvoir de
renverser le déclin d'une si ancienne valeur-refuge, le livre,
aujourd'hui dangereusement surmédiatisé pour une part infime
de titres rénumérateurs?
Un débat crucial, dont Communication et langages s'est maintes
fois fait l'écho, mais dans la présente analyse portons notre
regard sur les maisons d'édition et les filières de la distribution,
seuls médiateurs entre auteurs et lecteurs.
EN FRANCE, DEUX OLIGOPOLES ET DES PME INDÉPENDANTES
Cet univers « impitoyable » oppose depuis plus de dix ans -
disons depuis l'entrée en force du groupe industriel Matra dans
le capital de Hachette et depuis la formation de l'autre grande
constellation, le groupe de la Cité - deux oligopoles face aux
petites et moyennes maisons.
Certes, en 1982, nous avions déjà souligné que la prééminence
de l'économie et des gestionnaires n'était pas un fait aussi nou
veau qu'on se plaisait à le dire2. Mais, ce qui a changé, c'est la
conquête d'une maîtrise de « la diffusion-distribution des pro
duits qui a joué un rôle central dans le renforcement des deux
grands groupes ». Celle-ci a favorisé sans trêve une succession
S de rachats plutôt qu'une politique de croissance interne et
^ d'innovation. Rappelons aussi que ces deux groupes ont simul-
H tanément misé sur un développement international qui a amplifié
g> ce phénomène de « sur-concentration ». Au cours de ces
5 vagues d'expansion, le seul échec avéré fut la fusion de l'édition
ç avec la télévision : Hachette manqua le rachat de TF1, puis
§ connut la faillite de la Cinq, qui a contribué à son actuel dange-
I reux endettement.
2. « L'économie et l'édition ou de la dissipation de quelques mythes », in Livres-Hebdo,
15 novembre 1982. L'édition en phase critique 69
Dans le monde du livre, François Rouet n'est pas seul à s'inte
rroger sur un futur rapprochement de Matra-Hachette et du
groupe de la Cité (Havas), qui deviendrait le modèle d'un mar
ché « quasiment monopolistique », unique au monde. À
l'automne 92, la modeste prise de participation de Havas dans le
capital de Matra-Hachette esquissait-elle cette fusion ?
Certes les directions générales des deux groupes français affi
rment qu'ils ne représentent qu'une fédération de PME, conser
vant leurs marques et leur autonomie, mais il est évident que les
options prises au plus haut niveau commandent leurs orienta
tions et investissements éditoriaux. La culture du groupe est
soumise à des « régulateurs de production, simples gestion
naires de flux physiques et financiers ».
Mais réduire l'actuelle crise du livre à la nouvelle puissance de
deux groupes rivaux, à leurs combats n'aurait guère de sens, car
bien d'autres symptômes sont inquiétants : les jeunes éditeurs,
qu'ils aient choisi l'option « industrielle » ou revendiqué « la voie
qui marginalise », ont une capacité de survie de plus en plus
brève. Les nombreuses faillites récentes illustrent cette dégradat
ion.
RACHAT D'UN CÔTÉ, EXPANSION INTERNE DE L'AUTRE
Dans ce sombre tableau, il est plutôt rassurant de constater
qu'entre les groupes et les petites maisons, des entreprises de
taille intermédiaire - souvent dirigées par les héritiers, telles
Gallimard, Le Seuil et Flammarion - ont choisi une expansion
interne plutôt qu'une politique de rachat de maisons. Pour mieux
se défendre, elles ont créé leurs propres centres de diffusion-
distribution ; mais ces firmes moyennes résisteront-elles à une
fuite en avant vers une fatale surproduction? Car si elles ont
diversifié avec succès leurs récents catalogues, elles non plus
n'ont pas réussi un rapprochement dynamique avec l'audiovi
suel. La prise de participation de Gallimard dans le capital de
TF1 reste symbolique.
Le verrouillage de leur capital, face aux possibles OPA de
groupes français ou étrangers, n'est garant de leur indépen
dance qu'en fonction de leurs bilans. Une loi plus que jamais
vérifiée. De plus le glauque contexte économique n'incite guère
les banques à des opérations aventureuses de sauvetage et ces
maisons d'édition ne songent plus guère à leur introduction en
bourse sur le second marché. Belfond y eut recours et n'y trouva
pas le salut espéré

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents