L  « étincelle » et les autres révolutions - article ; n°6 ; vol.17, pg 1126-1145
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Description

Revue française de science politique - Année 1967 - Volume 17 - Numéro 6 - Pages 1126-1145
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Robert C. Tucker
L' « étincelle » et les autres révolutions
In: Revue française de science politique, 17e année, n°6, 1967. pp. 1126-1145.
Citer ce document / Cite this document :
Tucker Robert C. L' « étincelle » et les autres révolutions. In: Revue française de science politique, 17e année, n°6, 1967. pp.
1126-1145.
doi : 10.3406/rfsp.1967.393062
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1967_num_17_6_393062L' " Etincelle"
et les Autres Révolutions
ROBERT C. TUCKER
DANS LE marxisme classique, c'est-à-dire la pensée de Marx et
Engels, le projet de révolution communiste est un phéno
mène universel. La fin de la Weltgeschichte est une société
communiste planétaire où l'homme, ayant supprimé l'aliénation
endurée au cours de l'histoire par la socialisation de la propriété
privée, réalisera partout sa nature créative essentielle.
Quoique le champ d'une révolution communiste prolétarienne
dût être national, le mouvement révolutionnaire ne devait et ne
pouvait être limité à une ou à quelques grandes nations, mais devait
dépasser les frontières nationales. La théorie de la révolution com
muniste mondiale fut modifiée de manière significative dans le mou
vement de pensée du communisme marxiste, ou le marxisme selon
Lénine. En 1915, Lénine posa que « le développement économique
et politique inégal » était une loi absolue du capitalisme, et en
déduisait qu'il était possible qu'une révolution communiste éclate
d'abord dans plusieurs pays capitalistes ou même dans un seul ; il
ajoutait : « Le prolétariat victorieux de ce pays, ayant exproprié
les capitalistes et organisé sa propre production socialiste, se lèvera
contre le reste du monde, gagnant à sa cause les classes opprimées
d'autres pays, provoquant la révolte dans ces pays contre les capi
talistes, et, en cas de nécessité, s'opposant avec ses forces armées
aux classes exploitantes et à leurs Etats » !. Le parti de Lénine
tenta de mettre en action ce scénario révolutionnaire dans le sillage
de la révolution de février 1917 qui renversait le tzar. Cependant,
après avoir pris le pouvoir en octobre, ses efforts pour provoquer
des révoltes dans d'autres pays furent peu fructueux : les tenta
tives révolutionnaires échouèrent en Hongrie et en Allemagne, et
la guerre révolutionnaire polonaise en 1920 s'acheva elle aussi par
un échec. Une Internationale communiste fut créée sous les aus-
1. Lénine, «O lozungah Soedinenyh Chtatov Evropy », Polnoe sobranie
Sotchinenii, 5e éd., t. 26, pp. 351-355. U « Etincelle » et les Autres Révolutions 1 127
pices de l'Union soviétique pour promouvoir des révolutions com
munistes dans d'autres pays, mais rien ne fut réalisé.
Cependant, l'esprit communiste russe maintint fermement l'idée
que la révolution d'Octobre n'était pas un événement national, mais
marquait le début d'une révolution mondiale 2. Même dans son
dernier essai, écrit en mars 1923 dans les ténèbres d'une mort
prochaine, Lénine maintenait avec optimisme que « le monde entier
entrait maintenant dans un mouvement qui devait donner naissance
à une révolution socialiste mondiale ». Il est significatif cependant
que cette confiance ne se fondait pas sur le projet immédiat d'une
révolution communiste dans « l'Occident contre-révolutionnaire »,
mais sur les développements dans « l'Orient révolutionnaire et
nationaliste » S.
La signification universaliste de la révolution russe reste un
postulat de base de l'idéologie communiste actuelle. L'introduction
du programme du P.C. U.S. adopté en octobre 1961 proclame : « La
grande révolution socialiste d'octobre a inauguré une nouvelle ère
de l'histoire de l'humanité, l'ère de la chute du capitalisme et de
l'établissement du communisme ». Les révolutions communistes en
Asie et en Europe après la seconde guerre mondiale sont consi
dérées comme la suite d'un processus révolutionnaire mondial
entamé en Russie à la fin de la guerre de 1914-1918 ; et ce pro
cessus doit en fin de compte s'étendre au monde entier. La litt
érature soviétique du cinquantième anniversaire d'Octobre développe
largement ce thème et dénonce abondamment les chercheurs occ
identaux qui refusent d'admettre le caractère « historique mondial »
de la révolution russe 4. Et les « thèses » du comité central du
2. « Cette première victoire n'est pas encore la victoire finale. Nous avons
marqué le départ. Quant à savoir à quelle date, à quel moment, et quel pro
létariat de quelle nation achèvera ce processus, cela n'a pas d'importance.
L'important est que la glace ait été brisée ; la route est ouverte et la voie est
embrasée. » Cf. Lénine « The fourth anniversary of the October revolution »,
Selected works, t. 2, Moscou, Editions in foreign languages, p. 751.
3. Lénine, « Lutche men'tche da lutche », Polnoe .... t. 15, pp. 402-404.
4. Timofeev (T.), « Mejdunarodnoe znatchenie oktiabr'skoi revoliutsii i
sovremennaia ideologitcheskaia bor'ba », Vopvosy Istorii KPSS 6, juin 1967,
pp. 7-9, attaque l'historien américain, Robert V. Daniels pour avoir affirmé
que « la révolution russe n'était pas un aspect national d'une tendance pré
sumée internationale de la révolution prolétarienne, mais un événement national
distinct » et que, « avec ses dessins et prétentions internationales, le commun
isme reste un mouvement spécifiquement russe, un produit de la société russe,
des idées russes, de la révolution russe, du pouvoir russe ». L'auteur soviétique
affirme au contraire « le fait indiscutable que l'expérience de la première révo
lution socialiste réussie a une signification universelle, que certains traits de
la révolution d'Octobre reflètent les règles de base du développement social
inhérent à notre époque». Voir aussi Mikechin (N.), « Pravda Istorii i
ideinaia nichtcheta ee fal'sifikatorov », Polititcheskoe samoobrazovanie, juin
1967. 1 128 L'U.R.S.S. Etat Révolutionnaire ?
P. C.U. S. au cinquantième anniversaire affirment simplement : « La
révolution d'Octobre marque le commencement de la transition du
capitalisme au socialisme dans le monde ».
Ces prétentions se fondent sur le rêve révolutionnaire de Lénine.
Elles soulèvent une série de questions théoriques importantes qui
ont encore besoin d'être clarifiées. La révolution d'Octobre fut-
elle l'expression russe d'un processus révolutionnaire qui n'est pas
spécifiquement russe, même s'il débuta en Russie et en fut fort
ement influencé ? Etait-ce la forme nationale russe d'une plus large
révolution communiste en marche dans le monde contemporain ?
Dans cette hypothèse, la révolution communiste peut-elle être
considérée en termes universalistes, comme une révolution mondiale
qui se développe ? Quelles généralisations concernant sa nature
peut-on déduire des quatorze révolutions communistes qui ont
eu lieu ?
Quoique né en Russie et marqué par cette origine, le commun
isme n'est pas décrit couramment comme un « mouvement spéc
ifiquement russe ». L'analogie avec l'histoire des religions est vala
ble. Une religion qui se développe dans une nation et reflète son
esprit peut néanmoins s'implanter ailleurs — et elle peut le faire
même si elle s'est imposée initialement par la conquête et la con
version forcée. Il en est ainsi du communisme comme mouvement
idéologique, professant le credo marxiste. La révolution commun
iste russe fut la première et, à certains égards, celle qui condi
tionnait les révolutions à venir, et ses dirigeants ont cherché sans
cesse à s'assurer l'hégémonie de toutes les révolutions commun
istes. L'extension de la révolution communiste au-delà des fron
tières soviétiques dans la vague de la seconde guerre mondiale fut
aidée et même, dans de nombreux pays, suscitée par l'Unio

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