L interprétation des énoncés - article ; n°1 ; vol.30, pg 80-94
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Description

Communications - Année 1979 - Volume 30 - Numéro 1 - Pages 80-94
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1979
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Deirdre Wilson
Dan Sperber
Emmanuel Kant
Michel Foucault
L'interprétation des énoncés
In: Communications, 30, 1979. pp. 80-94.
Citer ce document / Cite this document :
Wilson Deirdre, Sperber Dan, Kant Emmanuel, Foucault Michel. L'interprétation des énoncés. In: Communications, 30, 1979.
pp. 80-94.
doi : 10.3406/comm.1979.1448
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1979_num_30_1_1448Deirdre Wilson et Dan Sperber
Remarques sur l'interprétation
des énoncés selon Paul Grice
à Harvard, I. Il y a Paul dix ans Grice maintenant posait les fondements que dans ses d'une William "théorie James de la Lectures conver
sation". A proprement parler, il s'agit plutôt d'une théorie de l'inte
rprétation des énoncés, puisque d'une part il n'y est guère question de
l'alternance des rôles caractéristique de la conversation, et que d'autre
part des énoncés qui n'appartiennent pas à la conversation au sens
strict, par exemple, un exposé ou un article, relèvent néanmoins des
hypothèses avancées. Bien que le texte complet de ces conférences
n'ait jamais été publié et que le seul deuxième chapitre intitulé "Logique
et Conversation" l'ait été tardivement, les photocopies ont circulé
et l'influence de Grice sur le développement de la pragmatique anglo-
américaine a été considérable. La distinction entre "dire" et "impliciter"
(implicate), la notion d'"impli citation" (implicature), les maximes de
quantité, de qualité, de relation et de manière * telles que Grice les
a définies sont devenues des outils usuels de l'analyse pragmatique,
même si diverses extensions ou modifications en ont été proposées 2.
Cet extraordinaire succès tient moins au détail des suggestions de
Grice qu'à leur principe, qui est véritablement fondateur. Jusque-là
on avait généralement considéré que l'interprétation d'un énoncé
dépendait de deux facteurs : le sens de la phrase énoncée d'une part,
le "contexte" (linguistique et extra-linguistique) d'autre part. A ces
deux facteurs variables, Grice ajoute un troisième facteur constant :
un "principe coopératif" développé en un ensemble de "maximes de
la conversation" auxquelles tout locuteur est réputé se conformer.
Souvent le sens de la phrase énoncée témoigne directement de cette
conformité. Ainsi la réponse (2) à la question (1) satisfait (dans des
circonstances ordinaires) à toutes les maximes :
(1) Quelle heure est-il?
(2) II est cinq heures vingt.
L'information donnée par (2) est suffisante sans être excessive confo
rmément aux "maximes de quantité"; en général, la réponse sera véri-
dique et faite à bon escient conformément aux "maximes de qualité";
la pertinence est évidente à la "maxime de relation";
1. On trouvera les maximes rappelées en (29)-(32) et (37)-(41), et le principe
coopératif en (48) ci-dessus.
2. Voir, par exemple, Gazdar (1975), Kempson (1975), Wilson (1975),
Harnish (1977). En France, O. Ducrot a proposé indépendamment une
démarche à plusieurs égards comparable (Ducrot, 1972). L'interprétation des énoncés 81
la formulation est claire et concise conformément aux "maximes de
manière".
Il peut arriver cependant que, dans le contexte d'énonciation, le
sens de la phrase énoncée ne suffise pas à satisfaire aux maximes,
voire semble les violer. Imaginer par exemple que (2) soit dit en réponse
non pas à la question (1), mais à l'assertion (3) :
(3) Je vais à la banque.
L'information donnée par (2) semble à première vue sans pertinence
dans le contexte créé par (3). Mais puisque le locuteur est réputé s'être
conformé à la "maxime de relation", l'auditeur a lieu de chercher
quelle considération implicite a pu rendre (2) pertinent aux yeux du
locuteur. Par exemple (4) :
(4) La banque ferme avant cinq heures vingt.
Si (4) est pris en considération, alors (2) est une réponse pertinente à (3).
Dans ces conditions l'auditeur est fondé à supposer que (4) fait partie
de ce que le locuteur a voulu faire entendre, que (4) est, dans ce contexte,
une implicitation de (2).
Il y a là le principe d'un calcul des implicitations qui jusque-là faisait
défaut à la pragmatique. Ainsi renforcée, la pragmatique peut traiter
un ensemble de problèmes qui, tant qu'on les abordait dans le cadre
de la sémantique, compliquaient extrêmement cette dernière sans
pour autant y trouver de solution satisfaisante.
Nos propres recherches en sémantique, pragmatique et rhétorique
s'inspirent en partie de la démarche de Grice. En même temps, il nous
semble que, pour aller de l'avant, un certain nombre de modifications
importantes doivent y être apportées. C'est dans cette perspective
que nous présentons ici trois remarques. Nous soutiendrons premiè
rement que tout un aspect essentiel de l'interprétation des énoncés,
constitué par la désambiguâtion et la détermination des referents,
relève des hypothèses de Grice bien que lui-même ne l'ait pas noté.
Deuxièmement, et à l'inverse, les tropes tels que l'ironie et la méta
phore relèvent de mécanismes autres que la seule implicitation au
moyen de laquelle Grice cherche à les expliquer. Troisièmement, nous
tenterons de montrer que l'ensemble des maximes de Grice peut être
réduit à un seul et unique axiome de pertinence.
II. Comme Grice le note, pour savoir ce qu'a dit le locuteur, il faut
déterminer d'une part lequel des sens de la phrase énoncée est à retenir,
d'autre part à quoi renvoient les expressions référentielles (noms
propres, pronoms, temps du verbe, etc.). Or — et cela Grice ne le note
pas — , cette double détermination s'appuie tout autant que le calcul
des implicitations sur les maximes de la conversation.
Soit l'énoncé :
(5) La cuisine de Dominique est impeccable.
Dans les termes de Grice, (5) a au moins deux significations convent
ionnelles selon que "cuisine" désigne la préparation des aliments, Deirdre Wilson et Dan Sperber 82
ou bien la pièce destinée à cette préparation. D'autre part, "Dominique
peut se référer à toutes les personnes nommées Dominique et connues"
des interlocuteurs. Ici, on imaginera que deux personnes répondent
à ces conditions : un vieil homme et une jeune femme. La combinaison
de ces deux alternatives aboutit à quatre propositions tout à fait
différentes que (5) serait susceptible d'exprimer. Supposer que (5)
soit dit en réponse à (6) :
(6) De mon temps on lavait la cuisine à grande eau tous les jours,
mais les femmes d'aujourd'hui ne savent pas tenir leur maison.
Si l'auditeur tient pour acquis que le locuteur s'est conformé aux
maximes de Grice, en particulier à la maxime de pertinence, il peut
éliminer trois interprétations au profit de la quatrième où "cuisine"
désigne une pièce et "Dominique" désigne la jeune femme. Ce n'est
qu'avec cette interprétation-ci que (5) constitue, dans des circonstances
ordinaires, une contribution pertinente à la conversation.
On peut généraliser et avancer l'hypothèse (à laquelle nous ne
connaissons pas de contre-exemple probant) que la désambiguâtion
(de même que la détermination des referents) se fait systématiquement
au profit de l'interprétation la plus conforme aux maximes de la
conversation. Si tel est le cas, la désambiguâtion relève nettement de
la pragmatique et non de la sémantique (contrairement à ce que Grice
semble suggérer). La pragmatique ne se limite pas à l'étude de l'implicite,
elle doit aussi aider à expliquer comment est déterminé l'explicite.
Pour ce faire, elle peut s'appuyer sur les hypothèses de Grice qui sont,
à cet égard, plus fécondes qu'il ne semble le supposer lui-même.
III. Pour Grice, l'ironie, la métaphore, la litote et l'hyperbole (en
un mot : les tropes) peuvent être analysées à partir d'implicitations
résultant de la violation apparente d'une seule et même maxime de
véridicit

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