L Ordre nouveau et le monde rural indonésien - article ; n°1 ; vol.46, pg 131-152
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L'Ordre nouveau et le monde rural indonésien - article ; n°1 ; vol.46, pg 131-152

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Description

Archipel - Année 1993 - Volume 46 - Numéro 1 - Pages 131-152
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1993
Nombre de lectures 13
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean-Luc Maurer
L'Ordre nouveau et le monde rural indonésien
In: Archipel. Volume 46, 1993. pp. 131-152.
Citer ce document / Cite this document :
Maurer Jean-Luc. L'Ordre nouveau et le monde rural indonésien. In: Archipel. Volume 46, 1993. pp. 131-152.
doi : 10.3406/arch.1993.2944
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1993_num_46_1_2944PRODUIRE
Jean-Luc MAURER
L'Ordre nouveau
et le monde rural indonésien
Voilà déjà plus d'un quart de siècle que l'Ordre nouveau a été instauré dans
l'Archipel. En matière de développement, cela constitue un laps de temps suff
isamment long pour qu'un bilan global de l'expérience puisse être tenté. Sur le
plan économique, il serait difficile de nier qu'il est largement positif. En fait,
l'Indonésie constitue même sûrement l'exemple du renversement de situation
économique le plus spectaculaire de l'histoire du Tiers Monde. Il faut en effet se
souvenir que, dans la seconde moitié des années soixante, après plus de deux
décennies d'indépendance marquées par une instabilité politique chronique et un
marasme économique croissant ayant débouché sur la terrible explosion de vio
lence de 1965-66, elle en était venue à être considérée par certains spécialistes
comme «l'échec numéro un parmi les principaux pays sous-développés» (*). Or,
aujourd'hui, au bout de vingt-cinq ans de forte stabilité politique et de dévelop
pement économique soutenu, elle apparaît à nombre d'observateurs attentifs
comme l'un des pays les plus dynamiques et prometteurs de la région Asie-Pacif
ique, fort capable de rejoindre d'ici la fin du siècle le club select et fermé des
«dragons» ou autres «tigres» nouvellement industrialisés <2). Le changement de
cap et d'image pourrait difficilement être plus radical. De fait, l'économie indo
nésienne s'est totalement métamorphosée pendant le quart de siècle écoulé.
Bien que tous les secteurs de l'économie aient été touchés au fil des ans par
cette métamorphose complexe, il n'est pas exagéré de dire qu'elle a été bâtie sur
l'agriculture, à partir de la sphère villageoise et dans la boue des rizières. C'est
en effet la modernisation de l'agriculture vivrière indonésienne et la forte diver
sification économique qu'elle a entraînée au sein du monde rural qui sont avant
tout à la base du succès du pays en matière de développement. Dès sa mise en
place, l'Ordre nouveau opte pour une stratégie de développement plaçant par 132 Jean-Luc Maurer
ordre le riz, la production vivrière, le secteur agricole, la paysannerie et le monde
rural au centre de ses préoccupations. Ainsi, la stratégie de «révolution verte»,
appliquée en priorité à Java et avec succès à la riziculture, va-t-elle se solder par
une très forte hausse de la production, permettant au pays d'atteindre son auto
suffisance en la matière et générant une nette amélioration des revenus et du
niveau de vie pour le plus grand nombre dans les campagnes. En conséquence, le
marché domestique va s'étendre à une masse de nouveaux consommateurs
ruraux, désormais capables de mieux couvrir leurs besoins essentiels et d'avoir
accès à des biens ou services auparavant hors de portée. Or, c'est cette forte
croissance de la demande provenant des ménages agricoles qui va stimuler
l'offre et avoir des effets d'entraînement importants sur les autres secteurs de
l'économie rurale. Au bout du compte, on peut dire sans trop exagérer que la
modernisation agricole est largement à l'origine du développement industriel
accéléré de ces dix dernières années en Indonésie.
Le fort développement économique des campagnes ne va pas être sans consé
quences sur le plan social. Certes, les effets de différenciation sociale en général
attendus d'une stratégie de modernisation agricole de ce type ont été beaucoup
moins importants que prévus, en raison des structures foncières relativement éga-
litaires du pays et des opportunités de travail et de revenus qui ont été ouvertes
dans les autres secteurs de l'économie rurale. Toutes les catégories sociales en
ont donc partiellement bénéficié. Mais certaines ont profité plus que d'autres.
Ainsi assiste-t-on, dans la plupart des régions de l'Archipel touchées par le phé
nomène, à l'émergence d'une classe moyenne de paysans professionnels et de
petits entrepreneurs locaux qui modernisent en premier leurs exploitations et
investissent dans les secteurs non-agricoles de l'économie rurale. C'est évidem
ment elle qui contribue au premier chef à la hausse de la demande de biens et de
services sus-mentionnée. Cliente favorite et choyée de la politique de développe
ment gouvernementale, elle est indubitablement la fille aînée légitime de l'Ordre
nouveau. Pourtant, depuis quelques années, elle joint de plus en plus sa voix à
celles du reste de la classe moyenne à prédominance urbaine pour revendiquer
une libéralisation du régime. En tout état de cause, on peut légitimement en
déduire que la modernisation agricole n'est pas totalement étrangère aux pres
sions croissantes qui se font actuellement sentir dans le pays pour une démocratis
ation de la vie politique.
En guise d'entrée en matière, nous dresserons un bilan de la période Sukarno
pour l'agriculture, la paysannerie et le monde rural en général. Il est en effet dif
ficile de comprendre pourquoi l'Ordre nouveau a opté pour une stratégie de
développement au contenu aussi fortement agricole et rural, sans avoir une idée
de la situation de départ à laquelle il était confronté. Or cette dernière était quasi
ment catastrophique. La nécessité d'agir rapidement pour faire face au plus
urgent, alliée au bon sens et au pragmatisme, a certainement joué un rôle dans le
choix qui fut alors fait. Toutefois, sans la clairvoyance de Suharto et les compét
ences de ses conseillers économiques, la priorité n'aurait pas nécessairement été
donnée à de tels objectifs de planification. Après avoir évoqué tout cela, nous
expliquerons de manière détaillée en quoi cette stratégie a concrètement consisté,
puis nous analyserons les causes historiques et institutionnelles profondes de son L'Ordre nouveau et le monde rural 133
succès, ainsi que les conséquences économiques et sociales complexes de sa
réussite. Ce bilan général nous permettra de terminer cet article en évoquant cer
taines des perspectives d'avenir pour l'agriculture et la paysannerie indonés
iennes.
La situation agricole et rurale léguée par Sukarno: un héritage lourd à porter
Vers la fin des années 50, afin de forger une unité nationale problématique,
sans cesse menacée depuis l'indépendance par divers mouvements de rebellions
d'inspiration religieuse ou de sécessions de type régionaliste, et pour mettre un
terme à l'instabilité politique permanente caractérisant le système de démocratie
parlementaire adopté en 1950, Sukarno imposa au pays les principes de gouver
nement qui lui tenaient depuis toujours à cœur. La «démocratie dirigée» était
née. Elle instaura un régime présidentiel autoritaire et populiste qui visait à créer
les conditions favorables à la réalisation du vieux rêve unanimiste et syncrétique
qui le hantait depuis les années 20: concilier le nationalisme, le communisme et
l'Islam — les trois grands courants politiques ayant animé la résistance contre le
colonisateur hollandais — dans un nouveau mode de gestion, gouvernementale
typiquement indonésien, basé sur les valeurs traditionnelles de délibération et de
consensus propres à la démocratie villageoise pratiquée depuis des temps immé
moriaux dans le monde malais @)m Système hybride et inclassable, empruntant
autant au «socialisme authentique» d'aspiration communautaire qu'au capitali
sme d'Etat le plus bureaucratique, cette «démocratie dirigée» semblait a priori
difficilement viable. De fait, son inauguration ouvrit une terrible période de
trouble et de régression pour le pays, marqu&#

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