La guerre-monde - article ; n°1 ; vol.42, pg 87-102
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Description

Communications - Année 1985 - Volume 42 - Numéro 1 - Pages 87-102
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1985
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Dominique Pignon
La guerre-monde
In: Communications, 42, 1985. pp. 87-102.
Citer ce document / Cite this document :
Pignon Dominique. La guerre-monde. In: Communications, 42, 1985. pp. 87-102.
doi : 10.3406/comm.1985.1628
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1985_num_42_1_1628Dominique Pignon
La guerre-monde
will make atomic that There talk be them is bombs. nut much : Robert but cannot the we talk same, J. Because must Oppenheimer. about be exorcised. no not getting the matter fool knowledge ourselves. rid Uncommon what of bombs. we The of do how Sense. world I with like to
/. Le court-circuit technologique.
L'invention de la bombe atomique a introduit une rupture dans le
dispositif culturel des représentations traditionnelles de la technologie,
issu des modalités du développement industriel du XIXe siècle. La bombe
atomique était une arme radicalement nouvelle, dans ses effets et ses
usages militaires. Elle était aussi un objet dont la production avait requis
des formes d'organisation de la recherche scientifique et du développe
ment technologique inédites 1. Le concept de la nouvelle arme ne devait
rien, à l'inverse des inventions militaires antérieures — explosifs
chimiques et armes à feu — , à la physique et à la chimie classiques
élaborées au siècle dernier. La bombe atomique était le produit de la
physique, que l'on appelait alors la physique moderne, articulée
étroitement autour des concepts clefs de la mécanique quantique et de la
physique nucléaire. La mise en œuvre de la technologie nécessaire à
l'élaboration de l'arme nucléaire demandait, elle aussi, une révision des
pratiques industrielles antérieures.
Les conditions de l'invention et de la construction de la bombe
atomique ont ainsi constitué une innovation sociale qui, dans un champ
différent, a eu des effets tout aussi importants que l'invention militaire
elle-même. La nature de la nouvelle physique et les nécessités de
l'industrialisation militaire ont établi un court-circuit entre l'univers de
la recherche fondamentale et celui de la technologie ; court-circuit qui
n'a fait que se généraliser depuis, de la physique nucléaire à toutes les
catégories du savoir scientifique pour les introduire dans le tissu
industriel des sociétés développées.
L'utilisation du radar et le développement des télécommunications
87 Dominique Pignon
durant la Seconde Guerre mondiale ont, eux aussi, profondément
modifié les rapports que la société d'alors entretenait avec la science.
Comme l'arme nucléaire, qui faisait entrer dans les jeux sociaux
industriels les équations de la mécanique quantique, l'électronique
militaire vulgarisait les équations de l'électromagnétisme de Maxwell et
les transformait en un outil technologique banal, aussi commun que la
mécanique newtonienne l'était elle-même devenue après deux siècles de
développements. L'armement nucléaire et l'électronique militaire intro
duisaient à de nouveaux rapports de la science avec le champ social,
avec, dans chaque cas, des caractéristiques différentes et complémentair
es. Par-delà les différences, le passage nécessaire de ces technologies
par la formalisation de la physique et sa mathématisation allait devenir
le geste modèle de Popérationalité technologique militaire.
La collaboration de scientifiques uniquement préoccupés de recher
che fondamentale, au sein de projets de technologie pure, sans objectifs
autres que ceux de l'opérationalité militaire imposée par les nécessités de
la Seconde Guerre mondiale, a ainsi initié une époque nouvelle dans les
rapports que la science fondamentale entretenait avec la société.
Souvent au cours de l'histoire les scientifiques avaient déjà abandonné
leurs préoccupations théoriques pour mettre leur savoir au service d'un
objectif technologique et utiliser leurs connaissances dans la mise au
point de nouvelles machines, qu'elles fussent civiles ou militaires. Tout
au long de la révolution industrielle on a ainsi assisté à la mise en place
d'un réseau fluctuant de collaborations entre les scientifiques et
l'industrie. Mais les vicissitudes propres à chaque champ d'activité,
scientifique et industriel, ont toujours rendu difficiles les passages et les
franchissements de frontières. Jamais les relations entre la science et la
technologie n'avaient été pensées et institutionnalisées en tant que telles.
Les développements - des sciences naturelles étaient très étroitement
imbriqués avec les innovations technologiques de l'époque sans que la
formalisation interfère d'une manière explicite avec le mouvement de la
technologie qui s'inventait loin des exigences et des intérêts des savants
pratiquant les sciences exactes. Le projet Manhattan de construction de
la bombe A rompait d'une manière définitive avec les traditions de
réserve et de méfiance en usage entre le champ scientifique et le champ
technologique. La technologie devenait de la science et la science
trouvait ses réponses dans des réalisations technologiques. Le projet
Manhattan ne fut pas unique. L'invention des calculateurs électroniques
et de l'électronique digitale allait elle aussi abolir les barrières entre
science appliquée et science fondamentale 2. La mise au point des
premières fusées balistiques V2, à la fin de la Seconde Guerre mondiale,
inaugurait elle aussi une nouvelle ère technologique. Les demandes de
savoir théorique que ces technologies exigeaient pour être maîtrisées
allaient entretenir définitivement les nouveaux régimes de fonc
tionnement des institutions scientifiques de la seconde moitié du
XXe siècle.
88 guerre- monde La
Ces technologies — nucléaire, électronique, spatiale, d'origine mili
taire — forment aujourd'hui la plus grande part du substrat technolo
gique des sociétés développées3. Ces nouveaux modes d'être de; la
technologie sont caractérisés par la délocalisation et l'abstraction : les
objets manipulés ont perdu leur caractère empirique et réel. Leur saisie
oblige à la construction de dispositifs formels qui se substituent aux
modes d'appréhension traditionnels des objets. La rupture ainsi intro
duite avec les perceptions sensorielles immédiates, déjà signalée à pro
pos du développement d'autres technologies, comme par exemple celle
de l'écriture 4, ne peut plus se penser en termes strictement culturels.
La représentation des phénomènes extra-sensoriels nécessite le détour
par une formalisation explicite et non plus implicite comme c'est le cas
avec l'écriture alphabétique. Nous analysons ici les effets en retour, dans
les représentations sociales, des ruptures dimensionnelles introduites
par une des composantes du nouveau médium technologique —
nucléaire, digital, spatial. Nous restreignons notre étude aux effets de la
technologie nucléaire militaire. Restriction paradoxale car l'entrelac
ement des technologies contemporaines efface les distinctions tradition
nelles, aussi bien entre les disciplines qu'entre leurs domaines d'appli
cation, que celles-ci soient militaires ou civiles.
2. La rupture dimensionnelle nucléaire.
Depuis une quarantaine d'années la question du gigantisme et son
corrélat, celle de la miniaturisation, travaillent l'univers militaire. Les
développements scientifiques du XXe siècle introduisent une nouvelle
échelle, hors des sens, et donc du sens commun, dans le monde. Les
effets massifs, sociaux et stratégiques de la technologie indiquent que
l'on ne peut plus penser celle-ci comme un facteur externe de l'art de la
guerre. L'apparition d'un nouvel outillage guerrier modifie profondé
ment les perceptions et les représentations de la guerre, et nous invite à
un nouveau découpage des paradigmes qui régissent le fonctionnement
militaire.
La bombe atomique constitue une des figures emblématiques de la
rupture dimensionnelle introduite par la physique moderne dans le
champ social. L'arme nucléaire, à l'inverse des inventions militaires
antérieures, poudre et canons, ne doit rien à l'intuition immédiate. Elle
trouve sa raison dans la description mathématique de la mécanique
quantique. quinze ans à peine après sa première formulation par les
théoriciens de la nouvelle mécanique dans les an

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