La tempête de la guerre - article ; n°2 ; vol.1, pg 237-257
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Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 2 - Pages 237-257
La tempête de la guerre (pp. 237-257)
A l'heure de la guerre, dans le ciel de l'Iliade, éclairs, vents, nuages et brumes n'obéissent plus à la logique du temps des saisons mais sont impliqués par les mouvements de la bataille, une bataille qui se déroule sur un champ clos, poussiéreux et singulièrement désertique. S'intéressant à la façon dont le phénomène de la guerre est pensé dans l'Iliade, cette étude considère plus particulièrement le fait que, dans un lieu qui est apparemment vide de toutenature, les héros qui combattent se trouvent constamment comparés à des vents tempétueux et des fleuves déchaînés ravageant terres, forêts et villes. Reléguée dans les comparaisons, mais rappelée tout au long du poème, la description d'une tempête bouleversant l'ordre du monde annonce la fureur du Scamandre lorsqu'Achille, dans l'excès de sa colère, portera le combat au dehors des limites du champ de bataille.
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

David Bouvier
La tempête de la guerre
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 1, n°2, 1986. pp. 237-257.
Résumé
La tempête de la guerre (pp. 237-257)
A l'heure de la guerre, dans le ciel de l'Iliade, éclairs, vents, nuages et brumes n'obéissent plus à la logique du temps des
saisons mais sont impliqués par les mouvements de la bataille, une bataille qui se déroule sur un champ clos, poussiéreux et
singulièrement désertique. S'intéressant à la façon dont le phénomène de la guerre est pensé dans l'Iliade, cette étude considère
plus particulièrement le fait que, dans un lieu qui est apparemment vide de toutenature, les héros qui combattent se trouvent
constamment comparés à des vents tempétueux et des fleuves déchaînés ravageant terres, forêts et villes. Reléguée dans les
comparaisons, mais rappelée tout au long du poème, la description d'une tempête bouleversant l'ordre du monde annonce la
fureur du Scamandre lorsqu'Achille, dans l'excès de sa colère, portera le combat au dehors des limites du champ de bataille.
Citer ce document / Cite this document :
Bouvier David. La tempête de la guerre. In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 1, n°2, 1986. pp. 237-257.
doi : 10.3406/metis.1986.872
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1986_num_1_2_872LA TEMPÊTE DE LA GUERRE
Remarques sur l'heure et le lieu du combat dans Γ Iliade*
Révélée par deux comparaisons, il se trouve, dans Y Iliade, une alternative
importante qui permet de poser la question de la nécessité et du sens de la
guerre: lorsque Zeus lance l'éclair, c'est qu'il prépare ou l'averse du
déluge, ou la grêle, ou la neige, ou encore la guerre amère avec sa gueule
béante; qu'il étende dans le ciel l'écharpe empourprée de l'arc-en-ciel,
c'est le signe de la guerre ou de l'hiver pénible (τέρας εμμεναι ή πολέμοιο/
ή και χειμώνος δυσθαλπέος)1.
Loin d'être comprise comme un accident historique, la guerre est ici ce
fléau naturel auquel l'homme ne peut échapper et que les signes de Zeus
annoncent comme ils annoncent la tempête. Ou le temps de la tourmente
ou la réalité de la guerre: entre le phénomène météorologique et l'évén
ement humain, l'alternative suggère une inquiétante équivalence et invite à
* Cette étude reprend, sous un angle différent, le 1er chapitre de ma thèse de doctorat
de IIIe cycle, soutenue en 1984 à l'EHESS. Je tiens, ici, à remercier, pour des conseils qui
m'ont été très précieux, M. F. Jouan, président du jury, M. J.-P. Vernant, rapporteur,
Mme N. Loraux et M. J. Rudhardt, membres du jury. A Mme Loraux et M. Rudhardt
qui ont continué à m'accorder leur enrichissante et amicale attention sont tout particu
lièrement dédiées les présentes pages.
1. X, 5-8 et XVII, 547-550, où l'image de l'arc-en-ciel est suggérée par la nuée
empourprée dont s'enveloppe Athéna lorsque, précisément, elle vient sur terre pour
exciter la querelle des mortels. Signe annonçant la guerre, l'arc-en-ciel (Ιρις) a une fonc
tion qui rappelle la mission de la déesse Iris quand elle descend signifier aux hommes que
Zeus veut la guerre: cf. Iliade, II, 786-808. Pour les citations d'Homère et d'Hésiode,
nous utiliserons, dans cette étude, les éditions et les traductions de P. Mazon dans les
Collections Universitaires de France. 238 DAVID BOUVIER
s'interroger sur ce que peut être une conception du temps2 qui, dans la loi
du ciel, reconnaît l'enjeu d'un drame humain.
La saison impossible
Dans un poème comme Les travaux et les jours, faits et gestes de la vie
humaine s'organisent selon le rythme des saisons, et Hésiode invite
l'homme des champs à savoir se soumettre au cycle du temps: «Au lever
des Pléiades, filles d'Atlas, commencez la moisson (383) [. . .] Puis quand la
fougue du soleil aigu suspend sa moite ardeur, que le tout-puissant Zeus
verse les pluies d'automne [...], coupez donc alors vos bois, si vous avez
souvenance des travaux de chaque saison (μεμνημένος ώρια έργα) (414-
422) [...]. Faites attention au moment où vous entendrez la voix de la grue
lancer du haut des nuages son appel de chaque année, elle apporte le signal
τ' άρότοιό τε des semailles et annonce la venue de l'hiver pluvieux» (ή
σήμα φέρει και χείματος ώρη ν/δεικνύει όμβρηροΰ) (448-451).
Soleil ardent de l'été, pluies et vents de l'automne, neige de l'hiver,
mouvements des astres, couleurs du ciel, chants des oiseaux sont ici les
signes multiples qui permettent à l'homme de prévoir le temps: dans la vie
de la nature, il peut reconnaître le calendrier de ses travaux, chaque jour, il
refait l'expérience d'un monde organisé. A chaque heure correspond sa
besogne: semailles et venue de l'hiver peuvent être coordonnées. Pour
Hésiode, décrire les travaux des champs revient à penser l'homme dans
son rapport au temps et à l'espace. La culture exige de qu'il
accepte la loi de la nature et dans cette soumission il trouve le sens même
de ses jours.
Mais le ciel des Travaux et des jours n'est pas celui de Y Iliade et, dans le
poème de la guerre, les tableaux de la succession des saisons laissent la
place à de tout autres paysages: avant de s'interroger sur une possible
«météorologie» dans Γ Iliade, il faut commencer par examiner, dans le ciel
qui domine la plaine de Troie, une série de gestes divins tout à fait igno
rants du «rythme du temps».
Jeux de camouflages d'abord lorsqu'Apollon ou quelque autre dieu
2. Dans cette étude, temps chronologique et météorologique ne sont pas dissociés.
Sur la problématique des saisons dans les poèmes homériques, cf. N. Austin, Archeryat
the Dark of the Moon, Berkeley, Los Angeles-London, 1975, pp. 87 et ss. Sur le jour
comme période de la bataille héroïque, cf. S. Acame, «La concezione del tempo nell'età
omerica ed arcaica», RFIC, 1961, pp. 367 et ss; et N. Austin, op. cit., pp. 100-101. La tempête De La Guerre 239
«s'habillent d'une nuée» (επί δε νεφέλην εσσαντο) ou «s'enveloppent de
brume» (ήέρι γαρ πολλή κεκαλυμμένος) pour se faire invisibles3. Nuage et
brume sont compris et définis comme des vêtements; pour les faire appar
aître, il n'est besoin d'aucun vent, d'aucun changement de température,
d'aucune cause autre que l'intention d'une personne divine qui a choisi de
«se vêtir» d'invisibilité comme les héros «s'habillent» ou «s'enveloppent»
de leurs armes et du bronze: εσσαντο περί χροΐ νώροπα χαλκόν (XIV,
383); άσπΐδι ταυρεΐτ] κεκαλυμμένος εύρέας ώμους (XVI, 360)4.
Autres gestes de dissimulation encore, lorsque les dieux font disparaît
re, dans quelque nuée brumeuse, le mortel qu'ils veulent soustraire à un
trait par trop dangereux: lorsqu'Apollon sauve Agénor de l'assaut
d'Achille en l'enlevant et l'enveloppant dans une épaisse brume (άλλα μιν
έξήρπαξε, κάλυψε δ' άρ' ήέρι πολλή)5 ou lorsqu'Aphrodite, pour sous
traire à la fougue de Ménélas le malheureux Alexandre, «l'enlève -c'est un
jeu d'enfant pour un dieu- et l'enveloppe dans une brume épaisse» (έκά-
λυψε δ' αρ' ήέρι πολλή)6.
Cette forme de protection, offerte par un dieu à un mortel, est semblab
le à celle qui marque la solidarité des héros: lorsque Teucros, frappé par
Hector, tombe, son frère Ajax ne l'abandonne pas, «il court le protéger et
l'enveloppe de son bouclier» (και οί σάκος άμφεκάλυψε)7. Et, de même,
Antiloque, pour protéger Hypsénor, l'enveloppe de son bouclier (και οί
σάκος άμφεκάλυψε)8. La brume, couverture protectrice analogue au bou-
3. Iliade, XIV, 350 et XVI, 790; pour Apollon: V, 186; XV, 308 et XXI, 549; pour
Héra et Hypnos: XIV, 282; pour Zeus et Héra: XIV, 350; pour Athéna: XVII, 551. Sur
le verbe καλύπτω: R.R. Dyer, «The Use of καλύπτω in Homer», Glotta, 42, 1964, pp.
29-38.
4. Gf. aussi: IV, 432; VII, 207; XII, 464; XIV, 372; XV, 389; XVIII, 451; XIX, 233;
XXIII, 803 et XII, 192; XXII, 313.
5. XXI, 597; cf. aussi: XX, 444 où Apollon sauve Hector de l'assaut d'Achille.
6. III, 381; voir aussi XI, 752 où Poséidon sauve les deux Molions en les enveloppant
dans une brume épaisse, et, V, 23 où Héphaistos sauve Idée en l'enveloppant dans la
nuit. Particulièrem

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