La vérité exigible - article ; n°1 ; vol.35, pg 66-76
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1987 - Volume 35 - Numéro 1 - Pages 66-76
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Christa Wolf
Martine Bigot
La vérité exigible
In: Les Cahiers du GRIF, N. 35, 1987. Ingeborg Bachmann. pp. 66-76.
Citer ce document / Cite this document :
Wolf Christa, Bigot Martine. La vérité exigible. In: Les Cahiers du GRIF, N. 35, 1987. Ingeborg Bachmann. pp. 66-76.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1987_num_35_1_1724maison familiale depuis 1933. Juillet 1934, dernier jour de classe. la
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Christa Wolf
Sur cette étoile qui s'obscurcit et que nous habitons, au bord du mut
isme, avec ce recul devant la folie grandissante, ce retrait des pays du
cur, avant cette sortie de la pensée, et en même temps que disparais
sent tant de sensations, qui ne comprendrait soudain quand elle ré
sonne encore, quand elle résonne pour lui - ce dont il s'agit : une voix
humaine ?
Ingeborg Bachmann, Musique et poésie
Lorsqu'on se met à lire cette prose, il ne faut pas s'attendre à des histoi
res ou à la description d'actions. Il ne faut pas escompter des informations
sur des événements. Les personnages au sens courant du terme et les affi
rmations qu'on assène n'existent pas. On va entendre une voix, courageuse et
accusatrice, une voix, fidèle à la vérité, c'est-à-dire qui s'exprime en fonc
tion de sa propre expérience, sur le certain et l'incertain. Elle se tait, fidèle
à la vérité lorsque la voix ne peut plus rien dire.
Elle parle et ne se tait jamais sans raison. Il faut que l'espoir ou le
désespoir l'y poussent. Elle a refusé des occasions plus insignifiantes de
prendre la parole.
Du courage ? Où pourrions-nous le chercher, dans son retrait avoué de
vant des puissances supérieures, dans son impuissance avouée devant l'étran-
geté de plus en plus grande de son monde ? Dans ses aveux mêmes. Certai
nement, car ils ne se font pas par routine, ils ne sont ni faciles ni spontanés
mais résultent plus encore d'une lutte. Elle n'opère pas sa retraite sans
combattre, elle ne sombre pas dans le mutisme sans connaître la contradict
ion, elle ne s'efface pas par résignation. Percevoir la vérité de ce qui est,
mettre en uvre ce qui doit l'être. La poésie ne pouvait pas se fixer un
objectif plus grand.
Elle accuse ? Ses griefs ne portent pas sur des détails et elle > ne geint
jamais. Elle déplore l'arrivée du mutisme, la menace de dissolution des
échanges entre la poésie et la société qui saute aux yeux de tout écrivain
honnête dans un monde bourgeois. Elle regrette la perspective de rester 67 avec le mot (« Pourtant le mot attirera d'autres mots, la phrase une seule
autre phrase »). Elle s'oppose à la tentation effrayante, à travers l'accommo
dement, l'aveuglement, l'accord, l'habitude, l'illusion, la trahison, de se faire
la complice des dangers mortels auxquels le monde est exposé.
De l'audace ? Elle est blessée mais n'est pas vaincue. Une grande tris
tesse l'envahit mais elle est sans pitié avec elle-même. Elle souffre mais ne
s'enferme pas dans la souffrance. On se trouve sur un terrain de lutte, on
voit les forces se rassembler : la poésie, la prose, les essais vont dans la
même direction ; ils quittent le terrain de l'évidence pour prendre le chemin
du questionnement, ils vont de l'habituel à l'inhabituel, du facultatif à la
nécessité et à l'engagement, de l'imprécision à l'authenticité. « Suivez-moi,
vous les mots ! » C'est une sorte d'appel au combat, suffisamment coura
geux, suffisamment digne.
Porte-parole ? Le poète représentant de son temps ? Ingeborg Bachmann,
avec modestie d'ailleurs mais également avec fierté, ose avoir cette exigence.
Il lui faut susciter la contradiction puisqu'on a largement renoncé à cette
notion dans la littérature moderne. Elle va plus loin. A propos du poète qui
veut changer le monde, comme si c'était une chose qui n'était pas fortement
décriée mais bien établie, elle pose la question suivante : quelle est sa part
de liberté et que ne peut-il jamais changer ? Ce qui signifie : est-il encore, à
ton époque, dans le pays où elle vit, maître des effets qu'il veut produire ?
Elle ne s'en laisse pas conter, reste incorruptible. « Rien ne bouge, il n'y a
que ces applaudissements». Si rien ne bouge, la parole du poète n'est-elle
pas vaine ? L'indifférence du public, provoquée par tous les coups pour rire
qu'on lui assène depuis des années, n'est-elle pas définitive ? Quelle poésie
faut-il pour changer cela en priorité ? « Une poésie comme du pain ? Ce
pain devrait faire grincer des dents et provoquer la faim avant qu'il ne la
comble. Et cette poésie devra être forte pour produire la reconnaissance, et
arrière de nostalgie pour pouvoir toucher le sommeil de l'homme. Car nous
dormons, nous sommes des dormeurs par crainte de prendre conscience de
nous et de notre monde. »
Voir, rendre la vue : c'est un thème central de l'uvre d'Ingeborg Bach
mann. Le poème Au soleil, son discours La vérité est exigible de l'homme et
son uvre en prose Ce que j'ai entendu et vu à Rome forment un tout. On
voit comment elle commence à voir ; ses yeux s'ouvrent, elle ne sait plus où
elle en est. De ce qu'elle pouvait voir, elle tire fierté, la fierté de celui qui
dans l'obscurité du monde ne baisse pas les bras et ne cesse d'agir pour la
68 bonne cause, et bonheur (« il n'y a rien de plus beau sous le soleil que d'être sous le soleil ») et intelligence : « J'ai entendu dire qu'il y avait dans le
monde plus de temps que de raison mais que les yeux nous ont été donnés
pour voir ».
Voir, s'apercevoir, percer du regard. « Car il est temps de comprendre la
voix de l'homme, la voix d'un être enchaîné qui n'a pas été tout à fait
capable de dire ce dont il souffre. » La formule classique « Et Dieu me
permit de dire ce dont je souffrais » est abolie, mise en doute, remise en
cause sans la moindre polémique. Ce «pas tout à fait» est le point d'en
crage d'une autre expérience, plus tardive. Nous nous trouvons devant une
expérience fondamentale d'Ingeborg Bachmann r il lui faut, en tant que
poète, ajouter honnêtement à la somme d'expériences présentes dans le
monde, la sienne. C'est à elle de renouveler chaque fois le courage qu'elle
met dans sa propre expérience pour l'opposer à la masse véritablement écra
sante et à la suprématie décourageante de phrases vides qui n'ont ni sens ni
force. L'affirmation de soi est le moteur de ses poèmes. Elle la conçoit non
comme une faiblesse, une défense de soi mais de manière active ; c'est une
extension de soi, orientée vers un mouvement précis. Se mettre en avant,
avec ses propres faiblesses, avancer, être touchée, se relever, attaquer de
nouveau l'adversaire, être constamment en danger, au cur de sa vie, l'a
ffirmation de soi est un processus. Elle est décrite dans l'uvre en prose Ce
que j'ai vu et entendu à Rome que l'auteur classe étrangement parmi les
essais. Un essai : toute l'uvre de Bachmann pourrait être considérée ainsi.
Une tentative pour s'approprier une ville. Pour reprendre la souveraineté
perdue par soumission. Être maître d'elle en la nommant. Tester encore une
fois le charme du mot précis, sensuel, pour voir s'il a encore la force d'atti
rer à lui ou de repousser.
« A Rome, j'ai vu que le Tibre n'est pas beau mais qu'il ne se soucie
nullement de ses quais que les rives en

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