Le baptistère Saint-Jean de Poitiers - article ; n°1 ; vol.22, pg 137-171
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Description

Gallia - Année 1964 - Volume 22 - Numéro 1 - Pages 137-171
35 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1964
Nombre de lectures 29
Langue Français
Poids de l'ouvrage 6 Mo

Extrait

François Eygun
Le baptistère Saint-Jean de Poitiers
In: Gallia. Tome 22 fascicule 1, 1964. pp. 137-171.
Citer ce document / Cite this document :
Eygun François. Le baptistère Saint-Jean de Poitiers. In: Gallia. Tome 22 fascicule 1, 1964. pp. 137-171.
doi : 10.3406/galia.1964.2192
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/galia_0016-4119_1964_num_22_1_2192LE BAPTISTÈRE SAINT-JEAN DE POITIERS
par François EYGUN
Le baptistère Saint-Jean qui a fait couler beaucoup d'encre au cours du xixe siècle n'avait
guère, avant le milieu du xvme, attiré l'attention des amateurs de monuments anciens. Avant
la Révolution, la ville de Poitiers contenait plus de vingt paroisses et de nombreux édifices monast
iques ou conventuels, dont certains très importants qui minimisaient l'intérêt du plus vénérable
monument chrétien poitevin encore debout. La tradition y retrouvait l'ancien baptistère de l'église
de Poitiers, baptislerium beali Joannis Baplislae, dit au xme siècle le cartulaire de l'évêché de Poitiers,
rédigé sous l'impulsion du bienheureux Gauthier de Bruges, d'où le nom de Grand Gauthier1 attribué
au manuscrit conservé à la Bibliothèque municipale. Au milieu du xvme siècle le savant dom
Fonteneau atteste la tradition du concile de Mâcon, de 585, qui fixait les dates de Pâques legilimum
dies baptismi et de la Pentecôte pour les fêtes normales du baptême. Celle de saint Jean-Baptiste,
le baptiseur du Christ, s'y ajoute très naturellement plus tard. En la vigile de ces jours, l'évêque
se rendait au baptistère. Le 10 juin 1661 encore, cet érudit atteste que « les chanoines de Saint-Pierre
(la cathédrale) s'y transportent processionnellement aux mêmes jours pour y faire publiquement
bénédiction des fonts, qu'ils y vont la veille de la Saint Jean chanter les matines, le lendemain
la grand messe et qu'ils y tiennent leur synode des curés de la ville deux fois l'année2.
Le Moyen Age ne sut pas lui conserver son éclat, puisqu'en 1450, le corps de ville ordonne
une quête dans toutes les paroisses « pour les réparations de l'église de Monseigneur Sainct Jehan
Baptiste, qui est choite toute en ruyne ». En effet, à mesure que le baptême était donné dans d'autres
églises, les revenus du baptistère et son rôle diminuaient d'autant. Peut-être pensa-t-on remédier
à cet état de chose en l'érigeant en paroisse ; à vrai dire, son statut paraît incertain : en 1096, le
desservant est qualifié d'abbé et le baptistère d'abbaye, réalité ou expression honorifique en raison
de son passé liturgique? Le titre sera seulement supprimé en 1758, les biens étant rattachés à N.
D. la Grande. Dès 1386, un rôle donne la paroisse comme unie à celle de St Hilaire entre Églises3.
Cependant ses registres, qui vont de 1453 à 1791, ne mentionnent mariages et enterrements qu'à
partir de 1638. Mais ce ne fut jamais qu'un pis aller, car il ne s'y trouvait que 25 communiants et
l'on n'y disait la messe que le jour de la Saint-Jean4. Sa pauvreté, en tous cas, explique le triste
état dans lequel se présentait l'église à la veille de la Révolution.
Cependant, le monument était alors déjà célèbre. Jusqu'au milieu du xvme siècle sa desti
nation n'avait pas suscité de discussions. Il était l'ancien baptistère de la ville. Il fallut l'intervention
de l'érudition pour troubler ces notions simples et traditionnelles. Ce fut le savant Dreux du Radier
qui, dans le Journal Historique sur les matières du temps, dit Journal de Verdun5, d'ailleurs imprimé
à Paris, déclara y voir un monument funéraire où Marcus Censorius Pavius, propréteur d'Aquitaine,
(1) Bibliothèque municipale de Poitiers, Ms LIX de Dom Fonteneau, p. 129 et 364.
(2)de Ms III de Dom Fonteneau p. 237 et t. LXXVII, p. 189-193.
(3) Arch. Hist, du Poitou, t. XLVI, p. 292, n. 12 et Mém. Soc. antiquaires de l'Ouest, 1840, p. 417-418.
(4) La Liborlière, Vieux souvenirs de Poitiers d'avant 1789, Poitiers, 1846, in-12, p. 46.
(5) T. II de 1750 ; p. 430 et 1751. 138 FRANÇOIS EYGUN
aurait enterré sa femme Varenilla. Frappé par son caractère romain, il s'appuyait en outre sur
l'existence dans la cathédrale d'un magnifique linteau de marbre blanc, où une inscription faisait
allusion à cette morte, Claudia Varenilla, que les commentateurs peu épigraphistes appellent assez
singulièrement Cluarenilla. Une tradition non prouvée prétendait que cette inscription provenait
de Saint- Jean. Dans le même Journal de Verdun, en 1750, paraît une réfutation par dom Fonteneau ;
l'érudit bénédictin, dont l'esprit clair a presque toujours pressenti la vérité des questions historiques
et archéologiques poitevines, reprenait la thèse primitive. Dom Martène, un peu indécis sur l'origine
de l'édifice, remarque la forme en croix de son plan. L'abbé Lebeuf, essayant de concilier les deux
théories en présence, y voit un monument paien transformé en baptistère chrétien6. Les deux opi
nions vont s'affronter durant un siècle et donner naissance à la ridicule appellation de « Temple
Saint-Jean ».
La célébrité du monument et les discussions archéologiques sur sa destination ne l'empêcheront
pas d'être attribué comme bien national au citoyen Lafond mais il fut distrait de la liste des immeubles
à démolir par décision des administrateurs de la Vienne en date du 13 messidor an IV (1er juillet
1796), sur l'intervention du citoyen Mazet, ci-devant bénédictin devenu bibliothécaire de la ville.
Attribué aux hospices pendant une vingtaine d'années, dépôt de matériaux, fourneau populaire
en 1812, abandonné en 1820 à un fondeur de cloches qui détériora les marches et le fond de la piscine,
son état laissait fort à désirer en 1821. La Société académique des arts ne put en obtenir la jouis
sance et un arrêté préfectoral du 30 janvier 1822 le rendit à l'administration diocésaine, à charge
de l'entretenir, ce qui ne dut pas ruiner celle-ci. Une autre menace que la vétusté apparaissait aussi
grave. Le percement de la rue prévue pour aboutir au Pont Neuf avait été adjugé à l'architecte
Vétault fils, technicien qui méprisait profondément les styles anciens. Ayant traversé l'orangerie,
les cloîtres et les terrasses de Sainte-Croix, il allait atteindre en 1834 le baptistère que la municip
alité voulait racheter pour le détruire. Une pétition, les démarches pressantes de la Société des
antiquaires de l'ouest et de son président, de Chergé, appuyées par le rapport de Vitet, les instances
de Caumont, obtinrent enfin que le tracé de la rue fût dévié et, en 1835, l'achat du monument par
l'État et un crédit de 5.725 F pour les réparations urgentes. En 1836, il était mis à la disposition
de la Société des antiquaires de l'ouest qui en fit d'abord son musée lapidaire.
Toutes ces péripéties n'avaient point clos les controverses sur la destination originelle de
l'édifice. Pourtant, les fouilles très précises faites en 1803 par le commissaire des guerres Siauve7,
qui, cherchant le tombeau de Claudia Varenilla, trouva la piscine baptismale, et ses excellentes
observations auraient dû clore le débat pour l'essentiel : mais lui-même, impressionné par la thèse
de l'abbé Lebeuf, reprit l'idée mitigée du temple transformé en baptistère. Il est regrettable cepen
dant que les auteurs qui ont étudié l'édifice n'aient pas prêté plus d'attention à ses remarques,
notamment au sujet de la piscine qu'il a connue intacte. De Caumont, publiant en 1830 son Cours
d'archéologie monumentale, y voit dès l'origine un monument chrétien, oratoire et baptistère, ce
qui a, d'après lui, déterminé sa forme. Mais Mangon de la Lande, le fondateur de la Société des
antiquaires de l'ouest, reprend avec vigueur la thèse du tombeau de Varenilla. Mérimée s'y laissa
entraîner. L'auteur de la Vénus d'Ille y trouvait peut-être une résonnance en accord avec ses goûts
littéraires. Dans ses Notes d'un voyage dans l'ouest de la France, en 1836, il voyait dans la piscine
une loge pour recevoir l'urne cinéraire de la jeune morte romaine et se complaisait visiblement à

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