Le « Credo » de Sédécie dans Les Juifves de Garnier - article ; n°1 ; vol.55, pg 69-85
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Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance - Année 2002 - Volume 55 - Numéro 1 - Pages 69-85
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 33
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Damon Di Mauro
Le « Credo » de Sédécie dans Les Juifves de Garnier
In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme, la réforme et la renaissance. N°55, 2002. pp. 69-85.
Citer ce document / Cite this document :
Di Mauro Damon. Le « Credo » de Sédécie dans Les Juifves de Garnier. In: Bulletin de l'Association d'étude sur l'humanisme,
la réforme et la renaissance. N°55, 2002. pp. 69-85.
doi : 10.3406/rhren.2002.2520
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhren_0181-6799_2002_num_55_1_2520Le « Credo » de Sédécie dans Les Juifves de Garnier
Après n'avoir puisé une quinzaine d'années durant qu'à l'histoire de
Rome et à la fable de la Grèce pour couler six tragédies dans le moule de
Sénèque, Robert Garnier se laissa solliciter par le renouveau de la littéra
ture religieuse et tira un sujet de la Bible : ses Juifves de 1583 sont
l'histoire de Sédécie, dernier roi de Juda, frappé dans sa paternité et dans
sa chair par Nabuchodonosor, après la prise de Jérusalem. La fameuse
tirade que prononce Sédécie lors de sa comparution devant le roi de
Babylone constitue, certes, un des temps forts du sentiment religieux dans
la pièce1. Ce morceau de bravoure reprend en même temps un motif
traditionnel — la profession de foi —, et, selon le mot de R. Lebègue, repré
sente « l'expression la plus nette et la plus ferme que le théâtre français
de la Renaissance nous ait offerte de ce thème »2. Quoique le discours de
Sédécie ait toute son importance dans l'économie de la pièce, les sources
auxquelles Garnier s'abreuve n'ont jamais fait l'objet d'investigations
suivies. C'est ce que nous nous proposons de faire ici.
Il faut attendre jusqu'à l'acte IV la grande « scène à faire » qui met
face à face le roi vainqueur et le roi vaincu. Au début de l'acte, Sédécie et
1. D'après la critique, le mérite de Garnier est grand d'avoir su introduire dans sa
tragédie dernière-née une véritable couleur biblique et religieuse. Nombreux sont
les souvenirs scripturaires, puisés à l'un ou à l'autre Testament, qui affluent sous
sa plume. Sur l'élément biblique, voir surtout Raymond Lebègue, Les Juives de
Robert Garnier (« Les cours de Sorbonne »), Paris, SEDES, 3e édition revue, 1979 ;
David Seidmann, La Bible dans les tragédies religieuses de Garnier et de
Montchrestien, Paris, Nizet, 1971 ; Marie-Madeleine Mouflard, Robert Garnier,
1545-1590, III : Les sources, La Roche-sur- Yon, Imprimerie Centrale de l'Ouest,
1964, pp. 193-210.
2. Les Juives de Robert Garnier, op. cit., p. 135. Aussi ce texte est-il promis à un bel
avenir. Sur les imitations du « Credo » de Sédécie, voir aussi R. Lebègue, « Succès
et influence de Robert Garnier », in Etudes sur le théâtre français, I, Paris, Nizet,
1977, p. 238 et sa Tragédie française de la Renaissance, Bruxelles, Office de la
publicité, 1954, pp. 63-64.
RHR 55- Décembre 2002 DAMON DI MAURO 70
le grand Pontife Sarrée, « enchaisnez en des prisons obscures » (v. 1283)3,
se préparent à la mort en alternant regrets et prières (w. 1277-1360).
Arrive Nabuchodonosor pour jouir de sa vengeance (w. 1361-1370). Le roi
babylonien affronte son antagoniste, lui reproche sa défection et son
ingratitude, et finit par insulter même au Dieu d'Israël, qu'il accuse d'être
responsable de cette forfaiture (w. 1371-1390). Cela amène de la part de
Sédécie l'éloquente réponse que voici :
Le Dieu que nous servons est le seul Dieu du monde,
Qui de rien a basti le ciel, la terre et l'onde :
C'est luy seul qui commande à la guerre, aux assaus :
II n'y a Dieu que luy, tous les autres sont faux.
Il déteste le vice, et le punist severe, 1395
Quand il connoist sur tout que Ion y persevere.
Il ne conseille aucun de commettre un mesfait,
Au contraire c'est luy qui la vengence en fait.
Ses Prophètes il a, que par fois il envoyé
Pour radresser son peuple alors qu'il se devoye : 1400
Par eux de nos malheurs il nous fait advertir,
A fin qu'en l'invoquant les puissions divertir.
Mais helas! bien souvent nostre ame est endurcie,
Ne faisant conte d'eux, ny de leur prophétie :
Et c'est quand il nous laisse, et nous donne en butin 1405
Au peuple Assyrien, Arabe, ou Philistin :
Autrement soyez seur que toute force humaine,
Quand il nous est propice, encontre nous est vaine.
Et qu'encor vos soudars, bien qu'ils soyent indomtez,
Ne nous eussent jamais comme ils ont surmontez, 1410
Sans qu'il a retiré de nous sa bien-vueillance
Pour nous faire tomber dessous vostre puissance.
Ce n'est pas improprement que R. Lebègue a baptisé cette harangue
le « Credo » de Sédécie4, puisque celui-ci y proclame les principaux attri
buts de son Dieu. L'exorde surtout (w. 1390-1394) rappelle une formule
3. Toutes nos citations renvoient à l'édition critique de R. Lebègue, Œuvres
complètes de Robert Gamier, vol. I : Les Juifves, Bradamante, Poésies diverses,
Paris, Les Belles Lettres, 1949.
4. Les Juives de Robert Garnier, op. cit., p. 135. LE « CREDO » DE SÉDÉCIE DANS LESJUIFVES 7 1
qui revenait sur toutes les lèvres catholiques lors de la célébration dominic
ale, celle-là même qui fonde la croyance en un Dieu unique et créateur :
« Credo in unum Deum, Patrem omnipotentem, factorem caeli et
terrae... » (Symbolum Nicaenum). Mais le développement de Sédécie tient
aussi de l'apologie ; car, le roi déchu se dresse contre l'outrageuse impiété
du tyran en lui apprenant quelles sont les voies du Très-Haut. A première
vue les sources qui alimentent ce texte semblent imprécises et contami
nées à l'infini. On y perçoit néanmoins un certain jeu d'allusions. Se devi
nent notamment en surimpression des touches prises au livre biblique de
Daniel, à l'historien Flavius Josèphe et au livre deutérocanonique de
Judith.
Le livre de Daniel
Au sujet de l'affrontement entre Sédécie et Nabuchodonosor,
l'Ecriture est avare de détails. Les textes bibliques indiquent seulement
que les troupes chaldéennes s'emparèrent du fuyard, le menèrent auprès
du roi de Babylone, qui prononça contre lui son arrêt (2 R XXV, 6 ; Jr
XXXIX, 5 ; Jr LU, 9). Suivant sa manière, Flavius Josèphe amplifie
quelque peu les rares données scripturaires :
Et incontinent [Sédécie] fut mené vers le Roy de Babylon.
Nabuchodonosor l'ayant devant soy commença à l'appeler meschant et
desloyal, qui avait rompu sa foy, et mis en oubly ses promesses : car il avoit
promis de garder ce païs souz le Roy de Babylon. D'avantage, il lui reprochoit
son ingratitude...5
La critique a noté que Garnier ne manque pas d'emprunter à Josèphe
les mêmes reproches violents de la part du vainqueur6 :
Toy, méchant desloyal, le pire de la terre,
Tu as induit ton peuple à me faire la guerre [...]
Homme ingrat et parjure, abominable Prince,
Tu as donc pour loyer révolté ma province ?7
5. Nous citons d'après l'édition de Gilbert Génébrard : Histoire de Flave Iosephe
Sacrificateur Hebrieu mise en François, Paris, Michel Sonnius, 1578, Livre X,
Chapitre XI.
6. Voir R. Lebègue, Les Juives de Robert Garnier, op. cit., pp. 35, 134, aussi bien
que son édition critique, éd. cit., p. 276 ; M.-M. Mouflard, op. cit., p. 189 ; et D.
Seidmann, op. cit., p. 22.
7. Vv. 1375-1380. DAMON DI MAURO 72
Mais ni les auteurs sacrés ni l'historien juif ne soufflent mot de l'att
itude de Sédécie devant son adversaire. Tout récemment, M. Huchon a
voulu mettre en valeur une nouvelle source des Juifves8, celle du compi
lateur Jean de Maumont9, lequel imagine Sédécie « prosterné à ses
pieds»10. Sans discuter le bien-fondé de la thèse de M. Huchon, qu'il
suffise de dire que ce n'est pas là un détail que Garnier a retenu.
Comme modèle, Garnier n'avait pourtant pas à chercher loin ; un
texte s'imposait à lui : c'est le fameux épisode des trois Hébreux dans la
fournaise de feu ardent. Selon Daniel III, le roi de Babylone dressa une
statue d'or, prescrivant à tout homme de se prosterner et d'y faire adorat
ion. C'est ce que les trois jeunes gens, par principe religieux, refusèrent
de faire. Sur quoi, ils se virent livrés aux flammes, sans toutefois qu'il leur
arrivât

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