Le gab d Olivier - article ; n°3 ; vol.34, pg 659-679
22 pages
Français

Le gab d'Olivier - article ; n°3 ; vol.34, pg 659-679

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
22 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

Revue belge de philologie et d'histoire - Année 1956 - Volume 34 - Numéro 3 - Pages 659-679
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Paul Aebischer
Le gab d'Olivier
In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 34 fasc. 3, 1956. pp. 659-679.
Citer ce document / Cite this document :
Aebischer Paul. Le gab d'Olivier. In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 34 fasc. 3, 1956. pp. 659-679.
doi : 10.3406/rbph.1956.1998
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1956_num_34_3_1998LE GAB D'OLIVIBB
Tout est comique, ai-je dit naguère (*), dans le Voyage de Charle
magne à Jérusalem et à Constantinople. Non seulement le cadre, cette
histoire du grand empereur entreprenant une longue expédition en
Orient pour vérifier les dires de sa femme, laquelle avait osé prétendre
qu'il existait un souverain portant plus noblement la couronne que
son royal époux ; non seulement les divers épisodes, tel celui où les
futurs gabeurs, arrivés à Jérusalem, s'assoient dans les chaires des
douze apôtres et Charles lui-même dans celle qu'occupa Jésus-Christ,
tel encore celui où les illustres voyageurs s'ébaubissent et s'ébahissent
à la vue des merveilles du palais impérial de Constantinople, tel celui
des gabs, d'un comique par trop facile et une fois même, on ne le sait
que trop, d'un trivial poussé à l'extrême, ponctué des réflexions de
l'espion caché dans sa colonne. Non seulement aussi les considérations
des savants qui ont traité de ce récit, et qui le rangent dans les genres
les plus divers — épopée, poésie héroï-comique, fabliau et, incroyable
(1) P. Aebischer, Les versions norroises du « Voyage de Charlemagne en Orient ».
Leurs sources, in Bibliothèque de la Faculté de Philosophie et Lettres de
l'Université de Liège, fasc. GXL, Paris, 1956, p. 8. Cet ouvrage sera cité doré
navant sous l'abréviation Versions norroises. — Voici les autres abréviations usi
tées dans les pages qui suivent : Cooper = Le pèlerinage de Charlemagne publié
avec un glossaire par Anne J. Cooper, Paris, 1925. — Gautier = Léon Gautier,
Les épopées françaises, III, 2e édit., Paris, 1880. — Klemming = Prosadikter frân
medeltiden, in Samlingar utgifna af svenska fornskrift-sXllskapet, Stock
holm, 1889. — Koschwitz = E. Koschwitz, Karls des Grossens Reise nach Jeru
salem und Constantinopel, 2e édit., in Altfranzösische Bibliothek herausgegeben
von Dr Wendelin Foerster, vol. III, Heilbronn, 1883. — Koschwitz, Bearb. =
Eduard Koschwitz, Sechs Bearbeitungen des altfranzösischen Gedichts von Karl
des Grossen Reise nach Jerusalem und Constantinopel, Heilbronn, 1879. — Unger =
Karlamagnùs saga ok kappa hans. Fortsellinger om Keiser Karl Magnus og hans
Jsevninger i norsk Bearbeidelse fra det trottende Aarhundrede, udgivet ai C. R.
Unger, Christiana, 1860. 660 P. AEBISCHER (2)
aberration, littérature à tendances morales — et l'utilisent, au gré de
leurs convenances et, avouons-le, de leur fantaisie, comme soutien
des théories les plus diverses et les plus contradictoires ; mais encore
la destinée même du seul manuscrit français connu, conservé autrefois
au British Museum, dont il a disparu vers 1879 (*) — fait déplorable
qui, cela va sans dire, n'aurait dû pouvoir se produire que dans une
bibliothèque du continent.
Des multiples épisodes du Voyage, traités, ceux-ci avec esprit, ceux-là
avec une verve antireligieuse et je dirais presque sacrilège, d'autres
au contraire étant d'un comique souvent lourd, vulgaire, allant jusqu'à
l'obscénité la plus éhontée, le plus connu est celui des gabs des pairs
et, parmi ceux-ci, celui d'Olivier. Olivier, le sage Olivier de la Chanson
de Roland, qui a dans ce poème, a dit Gautier (2), « toutes les qualités
de Roland » sans qu'on lui connaisse un seul de ses défauts, Olivier qui
« est trop raisonnable, trop régulier, trop sage pour être aussi grand »
que son compagnon, joue dans le Voyage le rôle d'un don Juan mons
trueux par son inhumanité, abject par son comportement vis-à-vis de
la fille de l'empereur de Constantinople. Mais, dans cette scène, il
n'est point seul à faire figure du dernier des truands, du plus amoral
des lovelaces : ses partenaires, l'empereur Charles, le roi Hugon, la fille
de ce dernier, ne sont pas moins méprisables — au contraire. « II s'est
engagé — dit encore Gautier — à déshonorer la fille du roi, et le roi
le somme d'avoir à la déshonorer ». De quelle façon il s'y prend, c'est
ce que chacun sait : et c'est avec raison que notre auteur conclut que
« rien n'égale ... la désolante ineptie de tout cet épisode de notre poème :
tous les personnages y sont à l'envi odieux et ridicules. Qu'est ce que
cette fille lubrique qui ne se révolte pas sous les coupables baisers d'un
aventurier inconnu? Qu'est-ce que ce père qui prostitue sa fille pour
avoir le plaisir de couper le cou à ses hôtes? Qu'est-ce que ce Charl
emagne qui assiste à ce spectacle infâme avec un air penaud et en trem
blant uniquement pour sa peau? Qu'est-ce que enfin que ce Dieu,
descendant du ciel pour consacrer une telle obscénité et sanctionner
de tels crimes (3) ? »
(1) Cf. Cooper, p. ix.
(2) Gautier, III, p, 174.
(3)III, p. 314. LE GAB D'OLIVIER 661 (3)
Telles sont, en effets les impressions et les réflexions que peuvent
suggérer une première, et même une seconde ou une troisième lecture
des passages du Voyage relatifs à ce triste gab d'Olivier. Cependant,
en y regardant de plus près, on en vient à concevoir certains doutes ;
on en vient, à la vérité, à se demander si la teneur, si franchement
grossière dans son obscénité, du texte tel que nous pouvons le lire,
était bien celle du poème dans son état primitif. Ce sont donc ces
doutes que je voudrais préciser : timidement, je voudrais essayer de
montrer qu'Olivier, peut-être, en un premier moment, a eu un rôle
moins abject, et que ce n'est qu'à mesure que le succès du Voyage
allait grandissant que les remanieurs ont épicé de plus en plus les don
nées primitives. Le problème vaut la peine d'être soulevé, ne serait-ce
que pour tenter de nettoyer la littérature française médiévale de cette
tache, non point seulement à la morale, mais surtout au bon goût :
c'est au nom de la morale et du bon goût que Gautier s'insurge just
ement contre l'épisode du gab d'Olivier (x) et qu'il se refuse à souscrire
au jugement que portait Gaston Paris sur le Voyage.
Notre travail est du reste malaisé. D'abord, parce que le texte du
manuscrit disparu du British Museum était très loin d'être parfait,
comme l'ont déjà noté Koschwitz (2), par exemple, et Gautier (3). Il a
des dizaines de vers trop courts ou trop longs ; il lui manque des mots,
des vers, des passages entiers : et c'est pourtant sur ce texte — et non
sur l'édition « améliorée » par Koschwitz que nous devons tabler. Ens
uite, parce que, à côté de ce texte déficient, nous ne disposons que
des deux versions étrangères les plus anciennes, YYstoria Charles gal
loise (4) et la version norroise (5), à laquelle il faut ajouter ses deux dé
rivés suédois (6) et danois (7). Mais nous ne nous apercevrons que trop
(1) Gautier, III, p. 282.
(2) Koschwitz, p. i.
(3) Gautier, III, p. 275.
(4)Sechs Bearb., pp. 1-18. Cet auteur fait suivre le texte gallois,
qui lui avait été communiqué par J. Rhys, d'une traduction anglaise due aussi à
ce dernier, et qui est imprimée aux pp. 19-39.
(5) Unger, pp. 466-483. Sur les quatre manuscrits de cette version, cf. Ver
sions norroises, pp. 18-20.
(6) Klemming, pp. 249-265, 290-305.
(7) C. J. Brandt, Romantisk Diglning fra Middelalderen, III, Copenhague,
1877, pp. 146-154. 662 P. AEBISCHER (4)
que si ces textes obéissent chacun à un dessein précis, ce dessein n'est
point le nôtre : essayer de rétablir les données primitives du gab d'Oli
vier, et voir comment ce gab a été exécuté.
Dans le texte du British Museum, cinq passages, plus ou moins longs,
fournissent les données sur les rapports d'Olivier et de la fille du roi
Hugon. D'abord, la première rencontre, Olivier prenant immédiate
ment feu, à la vue de la princesse :
404 Oliver l'esgardet, si la prist a amer :
« Plust al rei de glorie, de sainte maiestet
Que la tenise en France, u a Dun la citet :
Car jo en freie pus tûtes mes voluntez ! »
Mots que d&#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents