Le panthéon des anciens Bugis vu à travers les textes de La Galigo - article ; n°1 ; vol.25, pg 63-96
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Description

Archipel - Année 1983 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 63-96
34 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 16
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Christian Pelras
Le panthéon des anciens Bugis vu à travers les textes de La
Galigo
In: Archipel. Volume 25, 1983. pp. 63-96.
Citer ce document / Cite this document :
Pelras Christian. Le panthéon des anciens Bugis vu à travers les textes de La Galigo. In: Archipel. Volume 25, 1983. pp. 63-96.
doi : 10.3406/arch.1983.1808
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1983_num_25_1_1808LE PANTHEON DES ANCIENS BUGIS
VU A TRAVERS LES TEXTES DE LA GALIGO
par Christian PELRAS
Pour nous représenter ce qu'était la religion des Bugis avant leur islamisa
tion au début du XVIIème siècle, la source la plus intéressante est certain
ement le cycle épico-mythique de La Galigo . Mais cette source n'est pas sans
lacunes : en effet, les épisodes de ce cycle ne sont pas principalement concer
nés par les dieux; ce qu'ils racontent, c'est essentiellement l'histoire détaillée,
pendant cinq générations, de la famille princière de Luwu' issue de Batara
Guru, et accessoirement, celle de plusieurs autres familles parentes ou alliées
- principalement celles de Tompo' Tikka', Cina, Wéwang Riwu' - dont les
fondateurs sont, comme Batara Guru, des tomanurung , des Princes descen
dus du Ciel, ou des totompo' , surgis des Abysses. Bien que de naissance
divine, ces Princes et leurs descendants sont des humains — au moins pendant
le temps qu'ils passent sur terre - et La Galigo nous dépeint donc une human
ité originelle et magnifiée, où les générations ultérieures peuvent rechercher
des modèles, non pas tant moraux d'ailleurs que sociaux et rituels : modèles
dont on essaiera de se rapprocher le plus possible sans cependant pouvoir les
reproduire entièrement, ce que seuls des humains de pure ascendance divine
pourraient faire; la réalisation la plus approchée sera donc réservée aux famill
es princières régnantes, et l'image se fera de plus en plus imparfaite à mesure
qu'on descendra les degrés de la hiérarchie sociale.
La Galigo offrait donc d'abord aux Bugis un prototype idéal de société
humaine. Mais comme cette dernière était d'origine divine, et comme en ces
temps originels la communication entre le monde humain et les mondes surna
turels restait ouverte, l'intervention de personnages divins dans les divers épi
sodes du cycle est fréquente; et bien qu'on n'y trouve aucun exposé systémati- 64
que des représentations religieuses des anciens Bugis, il y a dans ces textes
assez d'éléments pour tenter une reconstitution au moins partielle de leur pan
théon et de leur système cosmologique.
Brièvement, le schéma fondamental, encore assez largement connu des
Bugis actuels, est le suivant : un couple divin, Datu Patoto' et son épouse
Datu Palingé', règne sur le Monde Céleste. Ils ont neuf enfants dont l'aîné
Batara Guru sera descendu (riulo' ) sur terre, pour y créer une nature ordonn
ée, et pour fonder à Luwu' une société humaine. Un autre couple divin,
Guru ri Selle' (on dit parfois Guru ri Selleng) et son épouse Sinau Toja, «cou
sins» des précédents, règne sur le Monde des Profondeurs. Eux aussi ont neuf
enfants, dont l'aînée, Wé Nyili' Timo', sera envoyée à Luwu' pour épouser
Batara Guru et y faire souche. Ces deux couples divins sont les principales
divinités, et ce sont eux que l'on voit surtout intervenir dans le récit. Mais
beaucoup d'autres y apparaissent épisodiquement, dont l'identification, les
rapports et la généalogie ne sont pas toujours très clairs. On y voit également
représentés toute une foule de personnages subalternes, dames de compagnie,
nourrices, servantes, serviteurs, messagers et gardiens célestes, dont les rela
tions avec les grandes divinités restent à éclaircir.
Je vais essayer, dans les pages suivantes, de présenter un exposé, le plus
systématique possible, fondé essentiellement sur un dépouillement attentif des
résumés de textes et des listes de personnages que R.A. Kern a établis pour ses
deux catalogues des manuscrits de La Galigo (Kern, Catalogus 1939 et Catalo-
gus 1954) - oeuvre gigantesque sans laquelle toute étude de cette littérature
serait quasi impossible. Quelques compléments d'information ont été tirés :
d'exposés oraux faits en 1967-1968 par mon initiateur en La Galigo, feu Andi'
Paramata de Singkang; du texte récemment obtenu à Luwu' par Gilbert
Hamonic et publié dans ce même numéro d'Archipel (Hamonic, Cosmogoni
es)', et d'un texte inédit qu'en 1979 le Lieutenant-Colonel Salahuddin (lui
aussi un expert en ce domaine) m'a permis de photocopier; c'est une sorte de
condensé, établi par un bissu^ des parties à ses yeux essentielles du cycle, et
comportant au début et à la fin quelques développements inédits sur l'origine
des dieux et sur la fin des temps légendaires {Manuscrit U.P.).
Les origines divines
Dans aucun texte de La Galigo il n'est fait allusion à des divinités d'une
génération supérieure à celle de Datu Patoto' et de ses «cousins», bien que le
seul fait qu'on parle d'une relation de cousinage présuppose l'existence de
parents et de grands-parents. Cependant les nombreuses scènes se déroulant
Patoto' dans la et Monde Guru ri Supérieur Selle' y régnant comme sans dans partage. le Monde Inférieur montrent Datu
Une tradition orale, qui m'avait été communiquée par le Pr. Andi' Zainal
Abidin Farid, et à laquelle Gilbert Hamonic se réfère aussi dans son article 65
{Cosmogonies, p 36) raconte comment le principal héros du cycle, Sawériga-
ding, le petit-fils de Batara Guru, en quête de jeunesse éternelle, fut renvoyé
par Patoto' à son propre père, qui aurait eu selon le Pr, Zainal Abidin le titre
de Déwata mattanru' ulaweng, «la Divinité aux cornes d'or». Celui-ci, à son
tour, renvoya Sawérigading à une divinité encore supérieure, en fait à la Divi
nité Suprême, que nul ne saurait contempler de ses yeux. Et c'est en punition
de son audace que Sawérigading aurait été finalement englouti par les flots.
Cette tradition doit probablement s'appuyer sur un texte cryptique que l'on
découvrira peut-être un jour, car ceux qui la connaissent citent des formules
qui paraissent extraites d'un récit formalisé.
Un autre indice de l'existence d'autres textes «théologiques» indépen
dants de La Galigo peut être déduit d'une information assez généralement
connue des Bugis actuels : on affirme, en effet, couramment que les Bugis de
l'époque de La Galigo désignaient Dieu par le nom de Déwata Sisiné, «la Divi
nité Une»; cette désignation aurait précédé une expression ultérieure, dont le
sens est d'ailleurs le même, Déwata Séuwaé. Or, si cette dernière apparaît fr
équemment dans les textes historiques concernant la période préislamique la
plus récente (XVème - XVIème siècles), la première n'apparaît nullement dans
les textes de La Galigo. Elle doit donc avoir figuré dans d'autres contextes,
oraux ou écrits, qui restent à découvrir.
Dans la période mythologique où se déroulent les épisodes de La Galigo,
on peut penser que les divinités primordiales étaient condidérées comme
s'étant retirées dans un monde où on n'avait pas accès. Il est significatif, à cet
égard, que le titre que le texte de Luwu' décerne à la divinité masculine du cou
ple originel, La Patigana (Hamonic, Cosmogonies, p. 53) soit attribué dans
La Galigo à Datu Patoto', avant de passer à Batara Guru lorsque ce dernier
remplacera son père dans le gouvernement du Monde Céleste (voir ci-après,p.
30). Cela semble impliquer l'idée de trois ères mythiques (avant La Galigo,
l'ère de La Galigo, après La Galigo), dominées chacune par une divinité
céleste passant la succession à l'un de ses fils une fois son temps de gouverne
ment échu.
De la première, celle de la création originelle, on ne savait pratiquement
rien jusqu'à présent. Certes, le commencement abrupt des premiers épisodes
de La Galigo laissait supposer l'existence d'une tradition concernant les temps
antérieurs, mais les maigres données disponibles Q 'allusion par Mat

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