Le tourisme jugé  - article ; n°1 ; vol.10, pg 65-96
33 pages
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Description

Communications - Année 1967 - Volume 10 - Numéro 1 - Pages 65-96
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1967
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Olivier Burgelin
Le tourisme jugé
In: Communications, 10, 1967. pp. 65-96.
Citer ce document / Cite this document :
Burgelin Olivier. Le tourisme jugé . In: Communications, 10, 1967. pp. 65-96.
doi : 10.3406/comm.1967.1144
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1967_num_10_1_1144Olivier Burgelin
Le tourisme jugé
institutionnalisées approuvées répandues de Les soi », activités dans : : une des il que est large millions : dénote fortement admis mesure, d'hommes généralement dans pour intégrées un ceux grand les qui à le pratiquent un terme nombre les ensemble pratiquent. de de tourisme régulièrement. socio-culturel, milieux Elles sont sociaux sont extrêmement hautement elles Elles que « vont sont les
voyages, et surtout les voyages à l'étranger, que la connaissance des hommes,
des œuvres d'art, des paysages, dont ils sont l'occasion, donnent à l'esprit
et à la sensibilité un aliment et une formation irremplaçables. Pourtant ces
mêmes activités, lorsqu'elles se révèlent sous certains modes spécifiques, et en
particulier lorsqu'elles sont désignées par le terme même de tourisme, plutôt
que par une périphrase, sont en même temps l'objet de critiques acerbes. Dans
les mêmes groupes sociaux qui pratiquent et qui approuvent le plus évidemment
l'activité touristique, les termes de tourisme et de touriste sont si lourdement
connotes qu'il n'est guère possible de s'y avouer touriste, si ce n'est avec un
humour dont la fonction d'excuse rituelle n'est pas à démontrer. Une telle situa
tion est plus paradoxale qu'exceptionnelle. Nombreuses sont les activités ou
les institutions qui se situent au centre d'une telle tension, sans être apparem
ment menacées de disparaître, du moins du, fait des critiques : c'est le cas par
exemple du capitalisme, de la culture de masse, etc. Chaque fois se trouve posé le
problème de la fonction socio-culturelle des critiques et de leurs rapports avec
l'institution.
C'est dans une telle perspective que nous tenterons de mettre en lumière
quelques aspects de la structure idéologique de certains jugements sur le tou
risme. Notre objet sera donc non le tourisme, mais l'évaluation du tourisme.
Sans doute cette évaluation ne pourrait prendre tout son sens que si nous savions
précisément ce qu'est l'objet évalué — entendons par là l'ensemble des fonctions
qu'il remplit effectivement. Bien que nous devions être amenés à formuler
certaines hypothèses à ce sujet, avouons que nous sommes loin de savoir quelles
sont effectivement les fonctions anthropologiques du tourisme, et de ce fait
notre travail rencontrera certaines limitations évidentes.
Il en rencontrera d'autres, bien sûr, du fait de ses insuffisances propres et en
particulier du nombre, encore trop restreint, de textes et d'interviews sur lequel
il s'appuie. Ce nombre est probablement suffisant pour que se dégagent grossi
èrement les limites à l'intérieur desquelles varie une certaine « théorie » du tou
risme, dont nous essaierons de comprendre le sens et la portée. Mais sans doute,
65 Olivier Burgelin
comme nous serons amenés à le préciser, cette « théorie » n'est-elle le fait que
d'un certain groupe social, aux frontières duquel s'arrête donc avec elle la vali
dité de notre analyse.
Les trois premières parties de notre travail exposeront cette « théorie » du
tourisme, telle que nous l'avons trouvée dans un certain nombre de textes et
d'interviews. La quatrième partie tentera d'en donner une interprétation.
I. LE TOURISME CONDAMNÉ
Les textes écrits que nous utiliserons tout d'abord sont tous, à quelque degré,
des condamnations explicites du tourisme. Tous se heurtent donc d'abord à
un même problème. Le tourisme est une activité qui se présente comme fo
ndamentalement positive : le touriste est un homme qui va voir des choses
généralement considérées comme dignes d'être vues — qui semble-t-il, fait
quelque chose de « bien » et non quelque chose de « mal ». La critique du
tourisme, et en particulier la critique écrite, doit donc d'abord tenter de détruire
cette positivité, avant même que de pouvoir mettre en cause l'homme ou la
société touristique. C'est à quoi va s'employer ce que nous appelons la théorie du
sight-seeing. De là les positions vont s'égailler dans un éventail dont nous situe
rons les articulations principales.
La théorie du sight-seeing.
Nous appellerons arbitrairement théorie du sight-seeing, la théorie selon laquelle
le touriste va non pas vers les choses mais vers les images des choses, et donc
qui réduit la chose à voir touristique à l'image. La sight, la chose à voir est préci
sément, dans cette théorie, ce en quoi la chose se confond avec l'image de la
chose, autrement dit la chose réduite au signe ou même au signal.
Grâce aux photographies, cartes postales, reproductions et guides de toute
nature, le touriste connaît ce qu'il va voir. Au moins le connaît-il comme sight,
c'est-à-dire comme élément normalisé digne d'un déplacement touristique :
« L'élément qui sert de norme au voyage est la sight, la chose à voir ; elle est,
selon sa valeur, classée au moyen d'une, deux ou trois étoiles » (Enzensberger 1, 167).
La définition de la sight nous renvoie donc à l'institution qui a accompli
la normalisation et distribué les étoiles : le Baedeker et ses avatars. Mais la mise
en image, la normalisation, ne sont pas seulement le fait de la description.
Elles atteignent la chose à voir elle-même :
« Ce qui est ainsi mis en boîte comme choses à voir, ce sont les images de ces loin
tains en quoi le romantisme a érigé la nature et l'histoire. Ces images se recroquevillent
là aux dimensions du jardin zoologique et botanique, ici à celles du musée » (Enzensb
erger, 167).
Cette « mise en boîte » signifie, semble-t-il, que la sight a subi une opération
d'une importance capitale : elle a été détachée de tout contexte (c'est d'ailleurs
1. Enzensberger (H. M.), « Une théorie du tourisme », in Culture ou mise en condi
tion? Paris, Julliard, 1965 (traduction de Einzelheiten, Frankfurt-am-Main, Suhrkamp
Verlag, 1962), que nous indiquerons désormais par Enzensberger, suivi d'un chiffre
indiquant la page.
66 Le tourisme jugé
dans cette mesure que nous pouvons l'identifier comme un signe). Ainsi privée
de l'épaisseur, de la réalité qu'elle détenait de sa solidarité avec son contexte,
elle n'est plus qu'une « image ».
Le détachement du contexte s'opère en plusieurs sens et de plusieurs manières.
D'abord en quelque sorte matériellement : par exemple lorsque les choses à voir
sont transférées dans un musée, hors de leur véritable « nature » culturelle :
« Pour les réunir, il a fallu les enlever à leur milieu authentique, à la culture autref
ois vivace qui créa et goûta ces œuvres véritables. Le visiteur du musée parcourt
en touriste un conservatoire d'objets de haute culture ; il ne voit pas les organes
vitaux d'une culture vivante » (Boorstin1, 134).
Il les voit d'autant moins que les sight romantiques ne sont que les premiers
éléments d'un répertoire que notre siècle a considérablement enrichi. D'abord
par pur et simple truquage : ,
« Pour satisfaire le touriste, le pays visité est amené à reconstituer artificiellement
son visage archéologique. La plupart des monuments sont restaurés. Sans cesse
à Pompéi on bâtit de nouvelles ruines. Dans quelques années le Parthenon sera
entièrement reconstruit. Un grandiose élan, digne du xne et du xme siècle, ressuscite
églises romanes et gothiques. Partout on décrasse, restaure et truque pour donner
satisfaction au mythe touristique » {Morin*, 223).
Naturellement ce truquage universel n'atteint pas seulement les ruines :
« Non seulement au Mexique ou à Montréal, mais aussi dans la lointaine Mecque
touristique du Guatemala, Chichecastenango, et dans les villages reculés du Japon,
d'honnêtes et sérieux indigènes embellissent leurs rites anciens, modifient et dévelop
pent leurs fêtes dans le sens du « spectaculaire », afin que les touristes ne soient pas

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