Les barbares à l épreuve du Temps (Hérodote, Thucydide, Xénophon) - article ; n°2 ; vol.4, pg 233-250
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Les barbares à l'épreuve du Temps (Hérodote, Thucydide, Xénophon) - article ; n°2 ; vol.4, pg 233-250

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Description

Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens - Année 1989 - Volume 4 - Numéro 2 - Pages 233-250
Les barbares à l'eprevue du Temps (pp. 233-250)
Les historiens grecs de l'époque classique opposent tous les Barbares aux Grecs, soit constamment soit à un moment de leur œuvre. C'est un fait établi. Mais comment cette forte antithèse est elle élaborée dans et par le récit historique ? Quelle fonction y remplit-elle ? Chez Hérodote comme chez Thucydide, la narration travaille à doter les peuples non-grecs et les Grecs d'un rapport au temps et au devenir très différent. C'est à partir de cette différence fondamentale que peut se composer la catégorie péjorative du/des Barbare(s), laquelle finit par se vider de tout contenu descriptif, pour devenir un pur instrument critique dans les reproches que des Grecs adressent à d'autres Grecs.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Catherine Darbo-Peschanski
Les barbares à l'épreuve du Temps (Hérodote, Thucydide,
Xénophon)
In: Mètis. Anthropologie des mondes grecs anciens. Volume 4, n°2, 1989. pp. 233-250.
Résumé
Les barbares à l'eprevue du Temps (pp. 233-250)
Les historiens grecs de l'époque classique opposent tous les Barbares aux Grecs, soit constamment soit à un moment de leur
œuvre. C'est un fait établi. Mais comment cette forte antithèse est elle élaborée dans et par le récit historique ? Quelle fonction y
remplit-elle ? Chez Hérodote comme chez Thucydide, la narration travaille à doter les peuples non-grecs et les Grecs d'un
rapport au temps et au devenir très différent. C'est à partir de cette différence fondamentale que peut se composer la catégorie
péjorative du/des Barbare(s), laquelle finit par se vider de tout contenu descriptif, pour devenir un pur instrument critique dans les
reproches que des Grecs adressent à d'autres Grecs.
Citer ce document / Cite this document :
Darbo-Peschanski Catherine. Les barbares à l'épreuve du Temps (Hérodote, Thucydide, Xénophon). In: Mètis. Anthropologie
des mondes grecs anciens. Volume 4, n°2, 1989. pp. 233-250.
doi : 10.3406/metis.1989.937
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/metis_1105-2201_1989_num_4_2_937BARBARES A L'ÉPREUVE DU TEMPS LES
(Hérodote, Thucydide, Xénophon)
L'opposition entre les Grecs et les Barbares a nourri une littérature abon
dante et diverse1, mais on peut dire que l'unanimité s'est faite pour consi
dérer que les guerres médiques furent les événements qui déterminèrent la
construction d'une vision radicalement dualiste du monde2. La structure
de cette explication historique vient de Thucydide qui considère la guerre
de Troie comme une première occasion de rassemblement du groupe qui
ultérieurement deviendra les Grecs (I, 3, 1), mais c'est à la lutte contre les
1 . Parmi des ouvrages déjà anciens citons R. Zahn, Die Darstellung der Barbaren in
Griechischer Literatur und Kunst der Vorhellenistischer Zeit, Heidelberg, 1896 et J.
Jùthner, Hellenen und Barbaren, Das Erbe der Alten 8, Leipzig, 1923, qui montrent
combien l'étude de cette opposition est un des terrains où les historiens ont le plus tenté
de trouver dans l'Antiquité des éléments pour comprendre leur présent et ses troubles.
Dans les deux ouvrages cités, elle s'inscrit dans une réflexion sur la naissance du sent
iment national ou ressurgit dans le traumatisme de la première guerre mondiale. On
pourrait poursuivre encore l'énumération des contextes de sa réactualisation: 1937, A.
Diller, l'intègre à un ouvrage sur les "races" et leurs mélanges (Race Mixture among the
Greeks before Alexander, Urbana Illinois, pp. 19 sqq.) ; et pour prendre un exemple des
plus récents, en 1989, E. Hall, Inventing the Barbarians. Greek Self-definition through
Tragedy, Oxford, choisit de l'inscrire dans le mouvement d'idées que provoquent actuel
lement les conflits et les malentendus entre des peuples et des cultures différents, en
demandant à l'examen des stéréotypes ethniques anciens de la confirmer dans la convic
tion que de telles représentations ne sont propres qu'à définir la communauté qui les pro
duit.
2. H. Diller, "Die Hellenen-Barbaren Antithèse im Zeitalter der Perserkriege",
Entretiens sur l'Antiquité classique VIII, Grecs et Barbares, Vandœuvres-Genève,
1962, pp. 37-82, se fait l'écho de cette conviction. 234 CATHERINE DARBO-PESCHANSKI
Perses que, chez les Modernes3, on s'accorde à faire remonter l'idéologie
du partage des peuples et de la terre habitée en deux ensembles où, dans la
forme la plus marquée de l'opposition, l'un tend à constituer le reflet
inversé4 de l'autre. La période classique, où la dualité semble se mettre en
place et prendre les formes les plus appuyées, fournit un point d'ancrage à
partir duquel on a tenté de remonter ou de descendre5 vers des époques
qui paraissent faire place à plus d'indécision et de complexité.
C'est pourtant la période classique que nous nous proposons d'interro
ger une nouvelle fois à propos des Grecs et des Barbares et tout particuli
èrement les historiens Hérodote, Thucydide et Xénophon.
Chez ces derniers, en effet, ou du moins chez deux d'entre eux (Héro
dote et Thucydide) coexistent, outre des récits qui, comme chez le tro
isième, confrontent ces deux groupes en une rude antithèse, des évocations
d'un passé lointain dans lequel le partage est censé trouver ses origines ou
revêtir des formes moins tranchées que par la suite. Ces textes offrent ainsi
matière à définir la fonction que la pensée historienne assigne au temps
dans la manière d'organiser les images, plus ou moins favorables, des non-
Grecs ainsi que dans la constitution du groupe des Barbares.
A partir de là, on peut soumettre à un nouvel examen quelques grands
clivages qui, bien que souvent étudiés restent toujours un peu énigmati-
ques. On reviendra d'abord sur celui qui sépare le regard hérodotéen sur
les Autres du regard de Thucydide, et après lui, avec les nuances
qu'impose un contexte historique différent6, de Xénophon: le premier
qu'on a pu dire ethnographique et le second qui accompagne la mise à
l'écart des peuples non-grecs du refus de leur accorder quelque attention
spécifique7. Puis, à l'intérieur même du récit hérodotéen, on s'arrêtera
3. Voir H. Diller, op.cit. (n. 2), p. 39.
4. Sur la mise en place du schéma d'inversion, et sur les limites de celui-ci chez Hérod
ote, voir F. Hartog, Le miroir d'Hérodote. Essai sur la représentation de l'autre, Paris,
1980, pp. 225-237.
5. H. Diller, op.cit. (n. 2); H. Schwabl, "Das Bild der Fremden Welt bei den Frùhen
Griechen", Entretiens sur l'Antiquité classique VIII, pp. 4-36; É. Lévy, "Naissance du
concept de barbare", Ktema, 9, 1984, pp. 5-14 (contrairement à H. Diller, l'auteur sou
tient que le mot bârbaros prend dès l'origine une valeur préjorative, p. 10).
6. Une question dont traite Y. Thébert, "Réflexions sur l'utilisation du concept
d'étranger: évolution et fonction de l'image du Barbare à Athènes à l'époque classique",
Diogène, 112, 1980, pp. 96-115.
7. Pour une appréciation différente de la position de Xénophon, voir S.W. Hirsch,
The Friendship of the Barbarians: Xénophon and the Persian Empire, Hanover/Lon-
don, 1985. BARBARES A L'ÉPREUVE DU TEMPS 235 LES
une nouvelle fois sur le problème que pose la juxtaposition heurtée de
développements consacrés à des peuples individualisés par leur nom et
peints dans leur particularité avec des propos plus uniformisateurs sur les
Barbares, et, pour finir, le discours réducteur sur le Barbare qui des seuls
Perses tend (on le voit ensuite chez Thucydide et Xénophon) à concerner
l'ensemble des non-Grecs. Il s'agit de montrer, en somme, que, chez
Hérodote comme chez Thucydide le temps des peuples non-Grecs n'est ni
homogène à celui des Grecs, ni intrinsèquement homogène et que dans
l'organisation de ces déséquilibres leurs deux œuvres trouvent une de leur
plus forte parenté ainsi que la logique commune de leurs discours, appa
remment inconciliables, sur les Autres: le compte rendu ethnographique
et la schématisation qui transforme les non-Grecs, devenus les ou le Bar-
bare(s), en pur instrument critique dans un discours des Grecs sur les
Grecs. Une schématisation qui ouvre la carrière à tous les jeux de gliss
ement, d'assimilation, de renversement et d'opposition dans lesquels les
termes Grecs et Barbare(s) ne sont plus qu'une manière de mettre face à
face les tels qu'on les souhaite ou qu'on les regrette et les Grecs
qu'on tance ou qu'on accuse8.
Les Histoires d'Hérodote, comme la Guerre du Péloponnèse, et tout
spécialement Γ Archéologie, semblent découper plusieurs passés qui ren
ferment chacun une figure différente des peuples non- Grecs.
L'un d'eux, qu'en termes grammaticaux on pourrait assimiler à un passé
simple, connaît déjà la distinction entre les Grecs et les Barbares, mais ins
talle les deux groupes dans un rapport de proximité. Pour Thucydide,
celle-ci repose sur la communauté des genres de vie. "Les Grecs d'autref
ois (τό πάλαι) ainsi que les Barbares install

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