Les Girondins et Jean-Jacques Rousseau - article ; n°1 ; vol.234, pg 569-583
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Description

Annales historiques de la Révolution française - Année 1978 - Volume 234 - Numéro 1 - Pages 569-583
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 11
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marcel Dorigny
Les Girondins et Jean-Jacques Rousseau
In: Annales historiques de la Révolution française. N°234, 1978. pp. 569-583.
Citer ce document / Cite this document :
Dorigny Marcel. Les Girondins et Jean-Jacques Rousseau. In: Annales historiques de la Révolution française. N°234, 1978. pp.
569-583.
doi : 10.3406/ahrf.1978.1029
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahrf_0003-4436_1978_num_234_1_1029LES GIRONDINS
ET JE AN JACQUES ROUSSEAU
L'influence de la pensée de Jean-Jacques Rousseau sur les
hommes de la Révolution Française n'est plus à démontrer. Une
série d'études, devenues classiques, l'a suffisamment établie (1).
Ces études ont mis en lumière l'extraordinaire audience du
rousseauisme pendant la Révolution, dans la quasi-totalité des
tendances politiques qui s'y sont affrontées. Il n'est pas exagéré
de dire, aujourd'hui, que tous les « partis » politiques de la
Révolution et de la contre-révolution se sont plus ou moins
directement et plus ou moins longuement réclamés de Rousseau.
La récente thèse de R. Barny (2) a mis en évidence l'utilisation
aristocratique du rousseauisme au début de la Révolution,
confirmant pleinement les conclusions de Lionello Sozzi (3). Le
but du présent article est plus modeste : étudier un cas particu
lièrement typique de rousseauisme, celui des Girondins.
Le rousseauisme des Girondins est un lieu commun de
l'histoire de l'idéologie révolutionnaire. Tous se sont réclamés
de Jean-Jacques Rousseau. Il suffit de citer quelques passages des
mémoires de Brissot, lesquels, dès les premières lignes, se placent
sous l'égide du philosophe de Genève : « Je touche à cet âge
où Rousseau fit un examen général de sa vie passée et de toutes
ses connaissances, et se fixa un plan de conduite qu'il put suivre
(1) Nous ne citerons ici que les principales études relatives à l'influence de
Rousseau sur la Révolution française : A. Meynier, 7.-7. Rousseau révolutionnaire,
Paris, 1912 ; J. Fabre, Les pères de la Révolution : de Bayle à Condorcet, Paris,
1910 ; D. Mornet, « L'influence de J.-J. Rousseau au XVIII* siècle », Annales de la
Société J.-J. Rousseau, 1912 ; A. Soboul, « J.-J. Rousseau et le jacobinisme »,
in Etudes sur le Contrat social, Paris, 1963 ; A. Soboul, « Audience des Lumières :
classes populaires et rousseauisme sous la Révolution », Annales historiques de la
Révolution française, oct.-déc. 1962 ; Joan Mac Donald, Rousseau and the French
Revolution, Londres, 1965 ; L. Sozzi, « Interprétations de pendant la Révolut
ion », in Studies on Voltaire and XVIII' century, vol. LXIV, 1968 ; R. Barny,
« J.-J. Rousseau dans la Révolution », Dix-huitième siècle, n° 6, 1974.
(2) R. Barny, 7.-7. Rousseau dans la Révolution, 1977, thèse inédite.
(3) L. Sozzi, article cité. 570 M. DORIGNY
jusqu'à sa mort. Je vais imiter Rousseau » (4). A de nombreuses
reprises Brissot se réclame de la pensée de Rousseau, surtout en
matière religieuse : « Tel est l'état de doute et d'erreur où j'ai
passé quelques-unes de mes années, jusqu'à ce qu'enfin, éclairé par
les ouvrages de Jean-Jacques, ayant mûrement pensé le témoignage
de mon sens intime, j'ai pris le parti de croire à un Dieu, et
de régler ma conduite en conséquence » (5). De la même façon,
il serait aisé de citer de nombreux extraits des Mémoires de Madame
Roland, lesquels sont directement inspirés des célèbres Confessions
de Rousseau. Enfin, n'est-ce pas le girondin L.S. Mercier qui publia
la plus connue des apologies de Jean-Jacques Rousseau, au titre
si révélateur, De Jean-Jacques Rousseau considéré comme l'un des
premiers auteurs de la Révolution (6) ? Ce livre si curieux est
un exemple parfait de la façon dont les intellectuels de la Gironde
interprétaient la pensée politique de Rousseau. Mais l'historien
doit aller au-delà de ces affirmations de principe ; il lui faut
analyser le contenu de la doctrine girondine, et confronter ce
contenu aux grands thèmes de la pensée rousseauiste. Cette
confrontation permettra alors de porter un jugement sur le
bien fondé de cette appellation de rousseauiste, si souvent
attribuée aux hommes de la Gironde. Nous n'aborderons ici que
quelques thèmes, privilégiés par leur importance politique aiguë
au cours de la Révolution : la propriété, l'égalité, le rôle de
l'Etat dans la société nouvelle et enfin la conception économique
globale. Ces différents thèmes furent d'une brûlante actualité à
partir de 1791 et les Girondins eurent de nombreuses occasions
de prendre position ; nous utiliserons largement leurs textes et
nous les confronterons à ceux de Rousseau sur ces mêmes
questions. Afin d'éviter toute interprétation abusive, il est nécess
aire, ici, de limiter les références aux textes de Rousseau qui
étaient connus entre 1789 et 1793.
(4) Mémoires de Brissot, édition Lescure, Paris, 1877, p. 3.
(5) Ibidem, p. 5.
(6) L.-S. Mercier, De J.-J. Rousseau considéré comme l'un des premiers auteurs
de la Révolution, Paris, Buisson, 1791, 2 vol. Dès 1770, L.-S. Mercier se
proclamait rousseauiste enthousiaste, témoin ce passage de L'An 2440 critiquant
Voltaire et faisant l'éloge de Jean-Jacques : « II [Voltaire] a eu le malheur d'écrire
des injures plates et grossières contre Jean- Jacques Rousseau... Nous avons été
obligé de brûler ces misères qui l'eussent infailliblement déshonoré dans la postérité
la plus reculée... Je suis charmé, édifié de retrouver ici Jean-Jacques Rousseau tout
entier. Quel livre que cet Emile, (que de platitudes imprimées contre cet immortel
ouvrage ! Comment un homme ose-t-il écrire lors même qu'il ne sait pas lire !),
quelle âme sensible répandue dans ce beau roman de La Nouvelle Héloïse ; que
d'idées fortes, étendues et politiques dans ses Lettres de la montagne ! Quelle fierté,
quelle vigueur dans ses autres productions ! Comme il pense, et comme il fait
penser ! Tout me paraît digne d'être lu... L'orgueil était bien petit dans votre
siècle... vous ne l'avez pas entendu, en vérité ; la frivolité de votre esprit ne s'est
pas donné la peine de le suivre... » {L'An 2440, rêve s'il n'en jut jamais, Amsterdam,
1771 ; réédition, Paris, 1977, p. 168). LES GIRONDINS ET J.-J. ROUSSEAU 571
**
La question du droit de propriété et de la définition de la
nature de cette propriété a été au cœur des débats dès le
début de la Révolution. Les positions de Jean-Jacques Rousseau
sur cette question étaient connues de tous. Sans prendre à la
lettre sa célèbre diatribe contre le droit de propriété, chacun
connaissait les plus extrêmes réserves de l'auteur sur la légitimité
de ce droit. S'il n'a jamais condamné le principe de la propriété
privée de la terre, s'il est ainsi resté fidèle à son affirmation du
Discours sur l'économie politique : « II est certain que le droit
de propriété est le plus sacré de tous les droits des citoyens, et
plus important à certains égards que la liberté même... parce
que la propriété est le vrai fondement de la société civile » (7),
il n'en reste pas moins que l'ensemble de son système politique
mettait en place un Etat qui limitait sévèrement l'usage de la
propriété. Rousseau était un adversaire de la liberté illimitée des
propriétaires ; car il voyait dans l'abus de la propriété la source
de l'inégalité parmi les hommes. « Dès qu'on s'aperçut qu'il était
utile à un seul d'avoir des provisions pour deux, l'égalité disparut
et la propriété s'introduisit » (8). Les effets de la propriété furent
durement décrits par Rousseau : misère, inégalité, esclavage, ambit
ion, crimes et guerres. « Tous ces maux sont le premier effet
de la propriété et le cortège inséparable de l'inégalité naissante...
Si nous suivons le progrès de l'inégalité dans ces différentes
révolutions

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