Les Olympiens - article ; n°1 ; vol.2, pg 105-121

Violette Morin

Description

Communications - Année 1963 - Volume 2 - Numéro 1 - Pages 105-121
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: COMMUNICATIONS
• Publié le: 01 janvier 1963
• Nombre de lectures: 34
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Violette Morin
Les Olympiens
In: Communications, 2, 1963. pp. 105-121.
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Morin Violette. Les Olympiens. In: Communications, 2, 1963. pp. 105-121.
doi : 10.3406/comm.1963.949
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1963_num_2_1_949Violette Morin
Les Olympiens
à depuis Les constituer plus longtemps, grands aujourd'hui et des précise héros un dans et nouvel vedettes son Olympe récent de la *. ouvrage Culture Léo Lowenthal Littérature, de Masse a Popular tendent signalé
Culture, and Society 2 : l'importance croissante, surtout dépuis la guerre,
des biographies de héros dans l'information de presse. Ces biographies,
ces life-stories, portent de plus en plus, précise-t-il, sur des héros qui
réussissent plutôt que sur des héros qui échouent, sur des héros de loisir
plutôt que sur des héros de travail, sur ceux qui profitent du monde,
les « héros de consommation », plutôt que sur ceux qui le font, « les héros
de production ». Héros et Vedettes, à quelque spécialité qu'ils appar
tiennent, cinéma, royauté, sport, politique, music-hall... deviennent de
plus en plus en effet des héros de luxe, et ils le deviennent, il faut le pré
ciser, dans le même temps que s'amplifient les possibilités de diffusion
des divers systèmes de communication de masse. Les héros d'aujourd'hui
deviennent d'autant plus « héros de consommation » qu'ils sont plus
présents dans la durée de nos jours — nombre des journaux, radio, télé
vision — et pour un plus grand nombre d'individus — surface terrestre
informée par les journaux, la radio, la télévision. Rien n'interdit de pré
voir qu'avec des moyens de diffusion encore plus amplifiés, comme une
télévision à relais inter- continentaux, des héros super-improductifs ne
vont pas jaillir de nos sociétés en classe constituée, et s'imposer en tant
que telle à l'analyse.
En attendant cette promotion, nous avons essayé de dégager les héros
de toutes spécialités, stars, rois, sportifs, chanteurs, savants, etc., qui,
par leur présence plus assidue dans les têtes d'affiches, la presse magaz
ine, la presse à gros tirage, les informations filmées, méritent d'être
considérés comme les plus grands parmi les grands, les Olympiens, et
à ce titre méritent d'être isolés. Ils présentent certes des caractères que
1. Rapport aux séances du Sous-Comité de Recherches des Communications de
Masse, Ve Congrès Mondial de Sociologie, Washington, 28 septembre 1962.
2. 1961, by Prentice Hall, Inc. Englewood Cliffs, New Jersey, chap, iv : a The Triumph
of Mass Idols ».
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nous connaissons bien depuis l'avènement des stars ; ils sont même
en germe plus précisément dans les analyses de Lowenthal sur le
Héros moderne. Mais nous nous demandons si le fait d'être Olympien
ne renforce pas tous ces caractères au point de les modifier. Alors que
les vedettes en général n'ont les attributs olympiens classiques comme
jeunesse, beauté, richesse, efficacité, loisir, amour, génie qu'à l'état spora-
dique, dispersé, temporaire, hétérogène ou provisoire, les Olympiens
semblent les avoir intégralement, à l'état cohérent, permanent, homog
ène et inné. C'est dans ce passage, du douteux à l'indubitable, du discuté
à l'indiscutable, du relatif à l'absolu que la vedette devient olympienne.
Dans ce passage quelque chose doit changer, mais quoi ?
Et d'abord qui sont-ils ? Comment arrivent-ils ? Il n'est possible de
proposer ici que des Olympiens vus au télescope français 1. En reconnais
sant toutes les erreurs qu'il est possible de faire dans ce genre de comptab
ilité, nous avons tout de même essayé au C.E.C.M.A.S. de pointer
les Olympiens de la presse parisienne, pendant les deux dernières années.
Les voici par catégories sociales hiérarchisées selon les quantités d'Olymp
iens fournis :
I. LES FAMILLES ROYALES
Tous les sujets à marier, mariés depuis peu, mariés amoureux, ou mal
mariés des cours royales.
II. LE SPECTACLE
A) Le cinéma : Marilyn Monroe, Brigitte Bardot, Gina Lollobridgida,
Sophia Loren, Elizabeth Taylor, Ingrid Bergman, Frank Sinatra, Tony
Perkins.
B) Le music-hall : Johnny Halliday, Sacha Distel, Maurice Chevalier,
Yves Montand, Edith Piaf, La Callas, Ella Fitzgerald, Ray Charles.
C) Théâtre : Néant.
m. le sport
Ray Sugar Robinson, Fangio, Ordonez, Dominguin.
IV. LES INTELLECTUELS
A) Les écrivains : Françoise Sagan, Hemingway.
B) Les peintres : Picasso.
V. LES POLITIQUES
Kennedy et « Jackie » Kennedy.
1. Si d'autres continents les revendiquent, l'olympianisation mondiale est plus
avancée qu'on ne croit.
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vi. l'argent
Onassis, Karim-Aga Khan, la Begum.
vu. l'aventure
Lindbergh, Gagarine.
vin. l'industrie
Néant.
ix. l'armée
Néant.
X. LE SACERDOCE
Néant.
En face de ces noms et compte-tenu des articles qui nous les rendent
prestigieux et familiers, nous pouvons déjà proposer deux grands facteurs
d'Olympianisation, non nécessaires comme nous le prouvent les deux
ou trois exceptions de la liste, mais privilégiés par la répétition : l'un
est psychologique, c'est la vie sentimentale du héros ; l'autre sociolo
gique, c'est sa spécialisation superlative.
Pour le premier, on voit que plus un grand de ce monde est jeune,
beau et riche, plus son cœur, est, a été, ou va être occupé et tourmenté
d'amour, plus l'ascension vers l'Olympe est rapide. L'amour seul ne
fait pas l'Olympien mais sans amour on est ou on reste difficilement
Olympien. Dépassant les limites de cette liste et parcourant les jour
naux des trois ou quatre dernières années, on constate que l'amour :
— Fait sortir le milliardaire de son anonymat : la famille Remington,
avec celle que la presse française a appelé Miss Remington, lors de son
mariage avec son chauffeur.
— Redore le blason du milliardaire : le mariage d'un Rockfeller avec
la petite Norvégienne. Les aventures d'Onassis et de la Callas.
— Fait sortir le héros de sa spécialité : Fausto Coppi lorsque, à sa mort,
« le mystère de la Dame Blanche » a révélé à l'Occident, cycliste ou pas,
la misère et la grandeur du cœur du Campionissimo Fausto. Dominguin
et sa retraite dans le ranch avec Lucia Bose.
— Conserve sur l'Olympe en permanence tous les beaux, jeunes, riches
princes et princesses d'Europe à marier.
— Entretient les Olympiens actifs : Margaret en Angleterre, Don Juan
d'Espagne, Baudoin en Belgique, le Shah d'Iran, les nouveaux mariages
de Françoise Sagan, de Picasso.
— Engendre des Olympiens temporaires : le sourire jeune premier de
Kennedy, la silhouette de star de « Jackie ».
— Attire des Olympiens par procuration : le pape, lorsqu'il est l'arbitre
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suprême de mariages peu catholiques comme celui de Don Juan d'Espagne
et de Sophie de Grèce.
— Annexe des Olympiens par alliance : Arthur Miller par Marilyn
Monroë, Sacha Distel et Jacques Charrier par Brigitte Bardot, Carlo Ponti
par Sophia Loren, Rossellini par Ingrid Bergman, la Begum par l'Aga
Khan, Tony Amstrong- Jones par Margaret, et tous les play-boys de
Soraya, etc.
Cette vie sentimentale apparaît comme une nécessité fatale. Si on est
un Grand, on aime, comme on croit si on est un prêtre. Lorsqu'un Grand
de ce monde a l'âge, la condition, le physique requis pour être un séduc
teur et s'entête à ne pas l'être, ce manque est ressenti comme une défec
tion si grave qu'elle en deviendrait un non-sens si une vocation contraire
et aussi puissante ne l'avait provoqué ; que de fois n'a-t-on pas -mis le
roi Baudoin à la Trappe avant son mariage tardif. Que de fois n'a-t-on
pas lu derrière le visage solitaire de Montgomery Clift un vœu de fidélité
mystérieuse.
Enfin l'inhérence erotique est si élémentairement prépondérante qu'elle
joue son rôle, même à l'état diffus. Certaines spécialisations favorisent
l'ascension olympienne sans qu'il y ait un amour actualisé au départ ;
ce sont les spécialisations érotisantes. Elles diffusent la substance « amour »
dans l'e