Les sorts des saints ou des apôtres. - article ; n°1 ; vol.41, pg 457-474
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Les sorts des saints ou des apôtres. - article ; n°1 ; vol.41, pg 457-474

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Bibliothèque de l'école des chartes - Année 1880 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 457-474
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1880
Nombre de lectures 7
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Félix Rocquain de Courtemblay
Les sorts des saints ou des apôtres.
In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1880, tome 41. pp. 457-474.
Citer ce document / Cite this document :
Rocquain de Courtemblay Félix. Les sorts des saints ou des apôtres. In: Bibliothèque de l'école des chartes. 1880, tome 41. pp.
457-474.
doi : 10.3406/bec.1880.446937
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/bec_0373-6237_1880_num_41_1_446937SORTS DES SAINTS LES
OU
DES APOTRES.
L'objet du court travail que je soumets au lecteur se rattache
à l'usage, très répandu au moyen âge, de chercher dans la
lecture des livres saints la connaissance de l'avenir. Après avoir
imploré le secours du ciel par la prière, par le jeûne oud'autres
exercices de piété, on ouvrait au hasard un texte de l'Ecriture,
et de la signification des premiers mots qui tombaient sous les
yeux on tirait une sorte de pronostic sur ce qui devait arriver
à soi-même ou aux autres. C'était là ce qu'on appelait consulter
les sorts des saints, sortes sanctorum. Cet usage, qui rappelle
celui que, sous le nom de sortes homericœ, sortes virgilianœ,
pratiquaient les anciens1, se montre établi chez les chrétiens dès
le quatrième siècle. Saint Augustin parle expressément de ceux
« qui lisent les sorts dans les écrits évangéliques (qui de paginis
evangelicis sortes legunt) », et il réprouve cette coutume. « Les
oracles divins, dit-il, ne concernent que l'autre vie, et il ne con
vient pas de les appliquer au néant de la vie présente2. »
Grégoire de Tours cite plusieurs curieux exemples d'une pra
tique qui était déjà fort commune de son temps3. Ces exemples
1. C'est à cet usage des anciens que Rabelais fait allusion, quand il fait dire à
Pantagruel : « Apportez-moi les œuvres de Vergile, et, par trois fois avec l'ongle
les ouvrans, explorerons par les vers le sort futur de votre mariaige. » Liv. III,
с 10.
2. Epist. LV, ad Januarium. G. 37; Opera I, p. 143, in-f°. Parisiis, 1679.
3. Greg. Turon. Hist. 1. V, с. 49. — Cf. Act. sanct. ord. Bened., t. I, Vita
S. Consorliœ, p. 247.
30 438
démontrent qu'on ne cherchait pas uniquement par ce moyen à
connaître l'avenir. Quelquefois on interrogeait les livres sacrés
pour obtenir un conseil utile, pour savoir la règle de conduite à
suivre dans une circonstance grave. Il n'entre pas dans mon
sujet de faire l'historique d'un usage auquel Du Cange a d'ailleurs
consacré l'un des articles les plus substantiels de son glossaire1.
Il me suffira de rappeler que ce mode de divination, employé sans
doute dans des vues coupables ou vicié dans l'application par cer
tains procédés, dégénéra promptement en abus. De bonne heure,
en effet, les conciles condamnèrent cette coutume. Dès l'année
462, elle était prohibée formellement par le concile de Vannes.
Celui ď Agde en 506 disait dans son dixième canon : « II se trouve
des clercs ou des laïques qui, sous le voile de la religion, et au
moyen de ce qu'ils appellent faussement les sorts des saints, quas
mentiuntur sortes sanctorum, exercent l'art de la divination
et promettent de faire connaître l'avenir ; que tout clerc ou laïque,
convaincu d'avoir enseigné cet art ou de l'avoir exercé, soit
excommunié2. » Bien que, depuis cette époque, l'Église ait sou
vent renouvelé les mêmes défenses, pratique persista3. Elle
fut bientôt avilie au point qu'un concile, tenu en Angleterre en
1109, enveloppait dans une égale réprobation les devineresses,
les enchanteurs, les femmes de mauvaise vie et ceux qui exer
çaient l'art de prédire par les sorts des saints , sortem sanct
orum exercentes4. Aux individus faisant profession de cet art on
donnait dès lors le titre de sorciers5. Pierre de Blois, qui écri
vait à la fin du xne siècle, disait : « On appelle sorciers, sortilegi,
ceux qui, sous une feinte apparence de religion, promettent de
1. Voy. Du Cange au mot sortes sanctorum. Voy. aussi un mémoire de l'abbé
du Resnel dans les Mém. de l'Acad. des inscr. T. XIX, année 1753.
2. Labb. Concil. IV, 1390.
3. Voy. apud Labb. IV, 1409, et V, 958, le concile d'Orléans de 511 et celui
d'Auxerre de 578. Un capitulaire de Charlemagne contient, à la date de 789, une
prohibition analogue : « Que personne n'ait la témérité de prédire l'avenir par
le Psautier ou par l'Évangile, ni par quelque manière que ce soit. » Pertz, Mo-
num. Germ. leg. I, p. 68.
4. Concil. iEnhamense, c. 3 : « Sagas, incanlatores, sortem sanctorum exer
centes, meretrices... »
5. Cette dénomination apparaît même dès le milieu du neuvième siècle. « Sunt
et sortilegi qui..., per quosdam quas sanctorum sortes vocant, divinationis scien-
tiam profitenlur. » Hincmar, de divort. Lothar. Oper. T. I, p. 655, in-f°,
éd. Sirmond, 1645. 459
découvrir, par certaines manœuvres superstitieuses, les événe
ments cachés dans l'avenir ; et, sous cette désignation, il faut
entendre aussi bien ceux qui emploient les sorts des apôtres ou
des prophètes, que qui ont recours à ce qu'on appelle la
table de Pythagore1. » J'ajoute qu'au xive siècle on trouve encore
des traces positives de cette coutume. Dans un canon du concile
de Trêves de 1310, on lit : « Que personne ne promette de faire
connaître l'avenir, soit au moyen de ce qu'on appelle les sorts
des saints ou des apôtres, soit par l'inspection d'une écriture quel
conque. »
Ces dernières citations prouvent que, pour désigner ce genre de
divination, l'on disait tantôt « les sorts des saints », tantôt « les
sorts des apôtres », ou même « les des prophètes ». On disait
aussi, dans certains cas, « les sorts du psautier2 ». On a pensé,
non sans raison, que ces dénominations variaient suivant la
nature des textes dont «on faisait usage. Toutefois l'étude des
documents semble indiquer que les dénominations de sortes
sanctorum ou de sortes apostolorum furent de bonne heure
employées indistinctement, soit parce que les livres évangéliques
auxquels on recourait le plus communément avaient été com
posés ou inspirés par les apôtres, soit parce qu'il était rare qu'on
ne consultât pas les épîtres des apôtres en même temps que l'an
cien ou le nouveau Testament. Du Cange voit en outre, dans le
fait de cette double appellation, un souvenir de la vie des apôtres
qui usèrent de la voie du sort pour remplacer Judas après son
suicide. Mais un point qui mérite attention et qui a échappé à Du
Cange, c'est que, — par une extension assez peu justifiable, —
cette dénomination de sorts des apôtres et sans doute aussi celle
de sorts des saints étaient affectées à des textes qui n'apparte
naient pas à la littérature sacrée. Telle est du moins la conclusion
qu'on doit tirer d'une pièce qui a été découverte, il y a quelques
années, à Cordes, près d'Albi, dans un mur dont la construction
remonte à la fin du xnr3 siècle ou au commencement du xive,
pièce qu'une circonstance fortuite a mise entre mes mains et dont
1. Petr. Bles. de prœstigiis, in Max. bibl. patr. t. XXIV, p. 1268. Cf. Joann.
Sarisb. Policrat. lib. I, с. 12, ibid. t. XXIII, p. 253.
2. Ceci résulte du canon du concile de Trêves qui vient d'être cité : « Nullus
super sortes quas sanctorum, seu apostolorum vel psalterii vocant, aut cujus-
curaque scriplurae inspeclione..., futui'a promittat. » Marten. Anecdot. t. IV,
col. 257. 460
j'ai eu l'honneur d'entretenir récemment l'Académie des inscrip
tions et belles-lettres. Outre cette particularité que la dénominat
ion de « sorts des apôtres » pouvait être appliquée à des textes
étrangers à l'Ecriture, cette pièce donne lieu à plusieurs indica
tions qui ne sont pas sans intérêt. Mais, pour les présenter avec
clarté, il convient de dire d'abord quelques mots du document
lui-même.
Cette pièce, écrite en provençal, dans une langue peu correcte,
d'une orthographe irrégulière, et dont le sens offre parfois des
obscurités, ne porte pas de date ; mais elle appartient visiblement
à la seconde moitié du хше siècle. Elle est d'ailleurs dépourvue
de signature

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents