Notes chinoises sur l Inde. III. La date de Gandragomin - article ; n°1 ; vol.3, pg 38-53
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Notes chinoises sur l'Inde. III. La date de Gandragomin - article ; n°1 ; vol.3, pg 38-53

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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1903 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 38-53
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1903
Nombre de lectures 12
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Sylvain Lévi
Notes chinoises sur l'Inde. III. La date de Gandragomin
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 3, 1903. pp. 38-53.
Citer ce document / Cite this document :
Lévi Sylvain. Notes chinoises sur l'Inde. III. La date de Gandragomin. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 3,
1903. pp. 38-53.
doi : 10.3406/befeo.1903.1189
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1903_num_3_1_1189NOTES CHINOISES SUR L'INDE
Par M. SYLVAIN LÉ VI
Professeur au Collège de France.
Ill
LA DATE DE CANDRAGOMIN
La date de Candragomin n'est pas une vaine amusette de chronologie, elle
intéresse à la fois la littérature et la religion de l'Inde. L'Eglise bouddhique range
Gandragomin parmi ses docteurs éminents, la grammaire sanscrite, parmi les
créateurs de systèmes ; en littérature et en sciences, Gandragomin s'est exercé avec
succès aux genres les plus variés: poésie, métrique, mimique, dialectique, médec
ine, lexicographie, astronomie, etc. La pureté de son style avait, pour ainsi dire,
passé en proverbe (').M. Minayeff,qui a édile une des œuvres édifiantes de Candra
gomin, l'Epitre au Disciple, Çisyalekhâ, a lenlé de déterminer l'époque où en
vivait l'auteur ; il a adopté comme solution le IVe siècle ou le commencement du
V° siècle après J.-C.(s). M. Bruno Liebich,qui vient de publier la grammaire de
Candr-sgomin, Cundravyëltarana, a repris le même problème d'un autre point
de vue, avec des données entièrement indépendantes; il place la composition du
Cëndravyâkarana entre 465 et 544 après J.-C.(3). Je me propose à mon tour
d'établir que la date de Candragomin descend plus bas encore, à l'intérieur et
vers la seconde moitié du VIIe siècle.
Le témoignage d'Yi-tsing me semble, en effet, résoudre définitivement la quest
ion. Le voyageur chinois rapporte, dans ses Mémoires, une anecdote dont le
héros reste encore à découvrir. M. Fujishima, qui a le premier traduit ce pas
sage, le rend en ces termes (4;: « Dans la contrée orientale de l'Inde, il y a un
Mahâsattva nommé Yi-Youeï (soleil et lune, Suryc sómat); c'est un vénérable
Bodhisattva. Quand j'arrivai dans le pays, il vivait encore. Si on lui demandait
du mauvais lieu ou du poison lequel fait plus de mal, « l'un diffère bien de
(!) Cf. Tàranàtha, p. 181. « En sagesse un Dhinaga, en pureté de style un Candragomin »,
dit Dliarmakîrti dans une stance où il s'exalte lui-même.
(-) Poslanie kučeniku, dans les Zapiski Vosločn. OPlyel. Imp. Russk. Archeolog. Obsč,
tome IV, p. 29-52.
(3) Das Datum des Candragomin, dans Wien. Zeits. f. d. Kunde des Morg., XI 11 ,
308-315.
(4) Deux chapitres extraits des mémoires ďl-lsinq, dans Joiirn. Asiat., nov. -dec. 1888
p. 437. — - 30
répondait-il immédiatement ; le poison ne fait du mal que si on l'avale; l'autre,
quant au mauvais lieu, y penser seulement nuit ». Wassilieff, le grand sinologue
russe, a communiqué à son confrère Minayeff une version un peu différente du
même passage ( ) : « Dans l'Inde orientaleil y a un homme illustre (rsi?=,ta- che),
du nom de Ming-kouan, qui a de rares facultés; c'est simplement un Bodhi-
sattva. 11 vivait encore quand moi, Yi-tsing, j'arrivai. Quelques personnes lui
demandèrent d'où venait le plus de mal, d'un remède empoisonné ou
d'un spectacle empoisonné. Il répondit: Le remède empoisonné est bien loin
du empoisonné; le remède empoisonné lue seulement si on y goûte, le
spectacle empoisonné, qu'on y pense seulement et on est brûlé ». Sans relever
les menues divergences qui tiennent à la fidélité peut-être un peu trop littérale
de Wassilieff, il importe d'observer que le personnage a changé de nom: Yi-
Youeï est devenu Ming-kouan.
\]a désaccord aussi grave entre des savants de mérite s'explique en fait par
l'incertitude du texte. M. Takakusu, qui a publié une traduction magistrale des
Mémoires d'Yi-tsing (2), a réussi à fixer définilivement la lecture originale. Les
éditions portaient, à la première phrase: у^ЖЭДЖ'Й^^зЬ^Н
^ '|Ê?. C'est ce texte que M . Fujishima avait fidèlement traduit. Wassilieff avait,
peut-être par mégarde, rapproché et soudé les deux caractères 0 et J^J, soleil
et lune, et en avait fait Щ ming « la lumière » ; il avait ainsi obtenu le nom
de Ming-kouan. Cependant une édition coréenne aujourd'hui perdue lisait au
lieu de 0 le caractère 0; l'érudit Ji-un (Tsdu-yun), le vénérable ancêtre
de l'indianisme japonais, a recueilli cette variante dans son commentaire sur
Yi-tsing (3). M. Takakusu n'a pas hésité à adopter cette leçun, qu'un autre
passage d'Yi-tsing confirmait du resle jusqu'à l'évidence. Il a donc traduit en
conformité avec son texte : « In Eastern India there lived a great man (Mahâsallva)
named Candra [yue-kouan\ (lit. Moon-official; it may be Candraddsa) being like
a Bodhisattva endowed with great talents ». La suite du récit concorde avec
les deux autres versions.
Le propos rapporté par Yi-lsing correspond mot à mot avec la stance
fameuse : •
visasya visayânâm ca dûcam atyanlam an tara m (4)
upabhuklam visam hanli visayâh smaranfid api
(1) Dans Minayeff, article cité, p. 33.
A' Record of the Buddhist Religion as practised in India and the Malay Archipelago, (2)
p. 183.
(3) J'ai retrouvé de mon côté la même lecture 0 }) dans le Sittan-zô {Si-tan tsang),
ouvrage japonais composé en 880 ap. J. C, ot qui cite ce passage d'Yi-tsing, I, p. 4'M. f/апт
tiquité du Sittan-zô garantit la valeur de cotte leçon.
(*) Le texte de la Çisyalekhâ lit au pàda b : duram atyantagocaram . - — 40
« Du poison aux jouissances, l'intervalle est bien large. Le poison, on meurt
d'y goûter ; les d'y penser seulement. »
Le vers, par une forlune rare dans la poésie gnomique de l'Inde, n'est point
anonyme. Le compilateur de la Subhâsitâvalï, qui Га recueilli dans son antho
logie (v. 3368) lui donne pour auteur un poète Gandragopin, auquel il attribue
encore une autre stance sur le même thème, mais dans un mètre différent
(v.3384) :
kâmam visam ca visayâç ca nirïksyamânâh
çreyo visam na visayâh parisevyamânàh
ekatra janmani visam vinihanti pïtam
janmântaresu visayàh paritâpayanti.
En fait, le prétendu Candragopin n'est qu'une altération graphique du nom
de Candragomin; les deux'stances citées psxrfaSubhâsitâvalï se retrouvent l'une
et l'autre dans la Çisyalekhâ, où elles se suivent immédiatement (v. 73 et 74-)
à l'intérieur d'un développement en mètres variés; la 'seconde, en anustubh,
reprend la pensée qui vient d'être drapée dans l'ample robe de la vasanta-ШакЛ,
comme pour en serrer les lignes sévères dans le moule étroit du çloka.
Mais quel est le personnage auquel Yi-tsing prête dans ses Mémoires cet
aphorisme illustre? Faute de connaître le problème qui se posait, M. Takakusu
s'est arrêté à mi-chemin de la solution. Avant lui, Minayeff, embarrassé peut-
être de choisir entre le Yi- Youeï de Fujishima et le Ming-konan de Wassilieff,
a esquivé la recherche. « Le lecteur, dit-il, reconnaîtra dans ces sages paroles
une citation de VEpître au disciple. » Mais, si le contemporain d'Yi-tsing s'est
borné à citer un vers déjà vieux de deux ou trois siècles, le récit tout entier
cesse à mon sens d'être intelligible. Ecrivain de goût et de talent, Yi-tsing
n'aurait pas pris la peine de présenter si pompeusement au lecteur l'auteur
d'une citation banale. Le contemporain du pèlerin chinois n'est point le
premier venu ; c'est « un véritable Bodhisattva » ; l'expression est formelle,
et M. Takakusu a tort de l'atténuer par l'insertion du mot like, même imprimé
en lettres italiques. Singulier Bodhisaltva qui prouverait son intelligence su
rhumaine par un misérable plagiat ! Le sens commun suffirait, en l'absence
d'autres indices, à condamner le système de Minayeff qui dislingue et sépare
par un long intervalle l'auteur de l'apophtegme et le

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