Note sur la vérité chez saint Thomas et M. Heidegger - article ; n°21 ; vol.74, pg 45-55
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Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1976 - Volume 74 - Numéro 21 - Pages 45-55
Connaissant les limitations de toute comparaison trop étroite, l'auteur a préféré « sentir les mondes » propres à S. Thomas et à Heidegger, tels qu'ils affleurent dans les Quaestiones disputatae de veritate et dans Sein und Zeit, et chercher ensuite à montrer comment le thème de la vérité se rattache au système de chacun d'eux et s'insère dans un contexte ontologique propre. Le monde se structure chez l'un dans la verticalité de l'être, chez l'autre dans une circularité de l'être-au-monde, qui ne recourt à aucune causalité, si bien que le concept de vérité renvoie chez eux à deux « mondes » vraiment différents, et qu'on peut même douter du bien-fondé de toute opposition ou rapprochement trop précis entre eux.
Being aware of the limitations of all excessively narrow comparisons, the A. has preferred to « feel the worlds » proper to St. Thomas and to Heidegger, as they surface in the Quaestiones disputatae de veritate and in Sein und Zeit, and to seek then to show how the theme of truth is attached to the system of each of them and is inserted into its own ontological context. In the former the world is structured in the verticality of being, in the latter in a circularity of the being-in-the-world, which resorts to no causality, so that the concept of truth refers in them to two truly different « worlds » and so that one can even have doubts as to the grounds for any over- precise opposing or bringing together of them.
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Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 53
Langue Français

Extrait

Olinto Pegoraro
Note sur la vérité chez saint Thomas et M. Heidegger
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 74, N°21, 1976. pp. 45-55.
Résumé
Connaissant les limitations de toute comparaison trop étroite, l'auteur a préféré « sentir les mondes » propres à S. Thomas et à
Heidegger, tels qu'ils affleurent dans les Quaestiones disputatae de veritate et dans Sein und Zeit, et chercher ensuite à montrer
comment le thème de la vérité se rattache au système de chacun d'eux et s'insère dans un contexte ontologique propre. Le
monde se structure chez l'un dans la verticalité de l'être, chez l'autre dans une circularité de l'être-au-monde, qui ne recourt à
aucune causalité, si bien que le concept de vérité renvoie chez eux à deux « mondes » vraiment différents, et qu'on peut même
douter du bien-fondé de toute opposition ou rapprochement trop précis entre eux.
Abstract
Being aware of the limitations of all excessively narrow comparisons, the A. has preferred to « feel the worlds » proper to St.
Thomas and to Heidegger, as they surface in the Quaestiones disputatae de veritate and in Sein und Zeit, and to seek then to
show how the theme of truth is attached to the system of each of them and is inserted into its own ontological context. In the
former the world is structured in the verticality of being, in the latter in a circularity of the being-in-the-world, which resorts to no
causality, so that the concept of truth refers in them to two truly different « worlds » and so that one can even have doubts as to
the grounds for any over- precise opposing or bringing together of them.
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Pegoraro Olinto. Note sur la vérité chez saint Thomas et M. Heidegger. In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série,
Tome 74, N°21, 1976. pp. 45-55.
doi : 10.3406/phlou.1976.5875
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1976_num_74_21_5875Note sur la vérité chez
saint Thomas et M. Heidegger
1. Introduction.
Comme le thème proposé est trop vaste pour être traité en l'espace
d'un article, nous aborderons seulement un aspect de la question.
Plus précisément, nous envisagerons certains aspects de la théorie
de la vérité selon S. Thomas et M. Heidegger, en cherchant à mettre
en évidence comment, chez l'un et l'autre, le thème de la vérité
s'insère en un contexte philosophique global. C'est du contexte que
les termes reçoivent leur signification fondamentale et leur diversité
d'accent. Chez un même auteur, les mêmes termes peuvent se charger
de nouvelles significations selon le contexte dans lequel ils sont emp
loyés, l'époque et l'évolution de l'auteur. Il n'est pas rare qu'on
simplifie en interprétant univoquement la terminologie d'un auteur,
grand danger qui menace les manuels de philosophie, même les meil
leurs.
On comprend alors les difficultés herméneutiques que des penseurs
de la taille de S. Thomas et Heidegger peuvent nous offrir. De telles
difficultés augmentent considérablement quand on cherche à établir
des parallèles entre les auteurs car il ne suffit pas que deux philosophes
abordent le même thème avec une terminologie semblable pour qu'on
puisse établir une authentique proximité philosophique entre eux.
Dans le présent travail nous voulons montrer une chose très
simple : la difficulté de comparer le concept de vérité chez S. Thomas
et Heidegger. Il serait non seulement difficile, mais surtout dangereux
de rapprocher à tout prix les deux sages ou de « réfuter » l'un par l'autre.
Notre propos est seulement de sentir le monde de ceux-ci. Pour
atteindre ce but, nous nous limiterons à deux textes de base : Quaestiones
disputatae de veritate et Sein und Zeit (l). Nous n'entrerons évidemment
pas dans les diverses discussions actuelles sur le concept de vérité
Œuvres éditées respectivement par Marietti (1949) et Max Niemeyer (1963). 46 Olinto Pegoraro
dans le thomisme et moins encore sur l'interprétation de Heidegger
après L'être et le temps (2).
2. La vérité chez S. Thomas.
Le thème de la vérité se situe au centre de l'univers philosophique
thomiste. Les questions « de veritate » s'ouvrent sur un splendide
article, tel le solennel portique d'un palais aussi grandiose qu'har
monieux. S. Thomas commence la déduction des transcendantaux à
partir de la notion incontestable d'être : « ce que l'intelligence conçoit
en premier lieu comme le plus connu et auquel se réduisent tous les
concepts est l'être »(4). Sans ce postulat s'instaurerait le processus
in infinitum qui rendrait impossible la science.
La vérité exprime la convenientia des êtres entre eux. Or la
convenientia ne peut se donner que dans l'âme qui « d'une certaine
façon est toutes les choses » (5). L'âme est capable de se rendre semblable
à tous les êtres, d'adapter sa forme à la forme de tous les êtres, et
est donc, d'une certaine façon, égale à toutes les formes. Cette con
venance des choses avec l'âme s'établit à travers la correspondance
entre l'être et l'intelligence. Ainsi la vérité peut être définie : adéquation
de la chose et de l'intelligence (6).
Considérons les termes de cette définition lapidaire : la « chose »
(res) est prise ici comme synonyme d'être (ens). Mais entre les deux
termes, il y a une diversité d'accent : l'être désigne prioritairement
l'acte d'exister et en deuxième lieu l'essence de la chose, tandis que
la chose connote prioritairement et en second lieu l'acte
d'exister.
L'intelligence (intellectus) dans la tradition scolastique assume
trois significations qui se recouvrent : faculté de comprendre (intell
igence), habitude des premiers principes (sagesse) et l'acte de comprendre
(intellection). L'intellection est le verbum mentis ou species expressa (7).
(2) Lire à ce propos les œuvres d'A. Du Waelhens, Phénoménologie et vérité,
Nauwelaerts, Louvain, 1969 et E. Tttgendhat, Warheitsbegriff bei Husserl und Heidegger,
Walter de Gruyter, Berlin, 1970.
(3) De ver. q.l, a.l.
(4) « Illud quod primo intellectus concipit quasi notissimum, et in quo omnes
conceptiones resolvit est ens» (De ver., q.l, a.l, c).
(5) « Quae quodammodo est omnia » (De ver., q.l, a.l, c).
(6) « Adaequatio rei et intellectus» (De ver., q.l, a.l, c).
(7) De Pot., q.8, a.l, c. La vérité chez S. Thomas et Heidegger 47
Dans la définition de la vérité, l'intelligence doit être prise dans la
dernière acception. L'intelligence (intellectus) est alors le « judicium
de re » prononcé par la « mens ». Le « verbum mentis » est la chose
qui se donne à l'intelligence dans l'acte d'intellection : « ainsi l'intellec-
tion de l'intelligence, non seulement est ce qui est intelligé, mais aussi
ce par quoi la chose est intelligée»(8).
JJ adéquation ne signifie pas égalité mathématique (9). Ce terme,
dans le contexte de la philosophie thomiste, exprime la relation,
la proportionnalité existant entre la chose et le jugement. S. Thomas
se sert de différents termes pour exprimer la proportionnalité : « assimi-
latio », « convenientia », « correspondentia », « aequalitas », « commen-
suratio» etc. La « ratio veri» est correspondance de l'être avec le sujet
connaissant. Dans un premier moment le sujet et sont séparés
et comme antérieurs à la vérité (10). L'être est apte à communiquer
sa forme et le sujet est capable de la recevoir. Dans un second moment,
il y a l'adéquation (adaequatio et assimilatio) de l'intelligence et de
la chose. C'est en cela que consiste formellement la vérité constituée
par l'union de l'être avec le sujet à travers la présence de la forme
de l'être dans l'intelligence. À ce moment, l'étant et le sujet sont
con-formes, ont la même forme, sont en conformité. On établit ainsi
l'« assimilatio » du connaissant par rapport à la chose connue (n).
Dans un troisième moment, le sujet connaissant prononce, déclare
et manifeste l'être {forma rei) pour soi-même.
On aurait ainsi, semble-t-il, expliqué la constitution de la vérité.
Mais il

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