Pratiques politiques et binômes théoriques dans le féminisme contemporain - article ; n°1 ; vol.45, pg 17-28
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Description

Les Cahiers du GRIF - Année 1990 - Volume 45 - Numéro 1 - Pages 17-28
12 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 10
Langue Français

Extrait

Alisa Del Re
Pratiques politiques et binômes théoriques dans le féminisme
contemporain
In: Les Cahiers du GRIF, N. 45, 1990. Savoir et différence des sexes. pp. 17-28.
Citer ce document / Cite this document :
Del Re Alisa. Pratiques politiques et binômes théoriques dans le féminisme contemporain. In: Les Cahiers du GRIF, N. 45,
1990. Savoir et différence des sexes. pp. 17-28.
doi : 10.3406/grif.1990.1843
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/grif_0770-6081_1990_num_45_1_1843Pratiques politiques et binômes théoriques
dans le féminisme contemporain
Alisa Del Re
Une explication du titre d'abord : en parlant ici de «pratiques politiques» je ne
fais pas référence à des formes d'organisation mais à la construction d'objectifs,
l'élaboration d'objectifs étant déjà une pratique politique. Puisque cette communic
ation se situe dans le cadre plus général du rapport théorie/action, je veux essayer
de faire émerger des antinomies théoriques afin de saisir la diversité des pratiques,
et ce même si les se révèlent en réalité complémentaires et souvent
indissociables. Je préfère donc parler de binômes théoriques une fois prise en
compte également la volonté de reconnaissance et de changement social, une idée
force qui traverse et peut-être même unifie les courants pourtant très différents du
féminisme.
Le binôme fondamental, celui dans lequel s'enracinent tous les parcours du
féminisme est, selon moi, le binôme nature/culture. Il servira de base à l'analyse de
tous les autres qui en dérivent: différence/égalité, extériorité/participation, oppress
ion/exploitation, absence/présence, pour me limiter à ceux-ci. Avant d'en faire le
développement, il me semble nécessaire de revenir sur quelques prémisses concer
nant le rapport théorie et action dans le féminisme.
Il n'y a pas dans le féminisme - comme du reste dans aucun autre mouvement
social et politique - de théorie qui se forme au-devant ou au-delà de la pratique
politique. Cependant, la pratique politique des femmes est spécifique et ne peut être
analysée comme celle, par exemple, de la classe ouvrière ou d'autres sujets. Cette
spécificité est liée d'abord au fait qu'il n'y a pas un sujet institutionnel habilité à
représenter les femmes. Dès lors, nous pouvons nous demander comment un
mouvement non structuré peut se développer au-delà d'actions ponctuelles comme
celle, par exemple, de la lutte pour la libéralisation de l'avortement ? (Ergas : 1986). 17 il est incontestable qu'au cours des 25 dernières années, les structures Ensuite,
sociales et politiques existantes ont été soumises à une forte pression dans le but de
modifier de façon radicale et irréversible les rapports sociaux de sexe (Astelarra :
1986). Les éléments de cette pression sont de nature différente : ils peuvent renvoyer
à la traditionnelle diminution du travail domestique - signe de la résistance
individuelle à l'exploitation -, aux changements dans les comportements au sein du
couple, ou encore à des formes plus collectives, d'autant plus subversives qu'elles
sont sexuées, de présence dans les organisations syndicales, dans les partis polit
iques ou dans des groupes autonomes, avec des formes de lutte elles-mêmes
marquées sexuellement, de telle sorte que la conscience individuelle d'être diffé
rente de sa propre représentation sociale a rompu le consensus forgé autour de la
structure donnée des rapports sociaux et interindividuels.
La pratique politique du séparatisme et du rapport entre femmes comme sujets
oeuvrant «pour soi» et non «en représentation de» ou «en faveur de» a permis, et je
dirais même, a rendu nécessaire et nécessite encore, l'élaboration de théories «m
fieri » c'est-à-dire de théories qui progressent avec l'avancement et l'élargissement
du discours féministe. Là réside me semble-t-il l'originalité de la pratique politique
féministe. La vérification pratique et la praticabilité personnelle du discours exigent
qu'aucune femme ne puisse proposer une théorie fermée ni envisager pour les autres
ce qu'elle ne souhaiterait pas pour elle-même.
La théorie s'est développée dans le cadre institutionnel de la recherche et dans
des groupes situés en dehors des institutions groupes politiques, groupes de
réflexion, segments de groupes politiques «mixtes». La pratique politique s'est
développée en même temps à partir de terrains non institutionnels et surtout dans des
formes nouvelles ce qui impliquait, par exemple, la nécessité de lire le changement
de comportement des femmes comme autant d'indicateurs politiques. Les pratiques
politiques ont produit de nouvelles institutions, par exemple, en France, le Ministère
des Droits des Femmes, et une sexuation du politique (DWF: 1988) c'est-à-dire un
changement de signe des politiques sexuées par la démystification du neutre, de
l'universel, de l'égal. >
La spécificité concerne aussi le rapport entre culture et politique. Celui-ci revêt
la forme d'un continuum pour la simple et bonne raison que les femmes sont à la fois
objets et sujets : on peut être en marge de la classe ouvrière et écrire une théorie
révolutionnaire, mais il est impossible de se situer en marge de son propre sexe.
18 Le mouvement féministe des années 60/70, concomitant du mouvement anti- partageait avec lui l'idéologie de la participation sans délégation et de autoritaire,
la démocratie directe. La critique des formes traditionnelles du politique a montré
la nécessité pour les femmes de retrouver une identité commune. L'organisation de
petits groupes de prise de conscience et la participation sur une base égalitaire s'
appuyaient sur ce qui était commun aux femmes et non sur ce qui les différenciait.
La sous-estimation, voire même la négation des disparités entre femmes, furent
possible grâce au «séparatisme» perçu en lui-même comme signifiant d'une lutte
politique.
C'est la conception du séparatisme comme pratique politique qui fonde la
possibilité même des études féministes. En Europe du Sud, les études féministes
émergèrent plus tardivement et plus lentement que dans les pays anglophones mais,
sitôt cette expérience amorcée, elle permit d'affirmer un pouvoir, de réaliser une
action - si l'on entend par action la mesure et le caractère concret du pouvoir. Les
études féministes n'ont d'évidence pas influencé la naissance du mouvement mais,
elles ont en revanche joué un rôle dans sa diffusion sociale (Beccalli: 1987). Elles
ont montré l'existence d'une strate intellectuelle féminine qui marque la fin d'une
univocité ainsi que la fin d'une indifférence au savoir des femmes. En outre, elles
ont permis la création/valorisation d'un objet/sujet d'études situé en dehors de la
traditionnelle partition des champs ou des domaines de savoir. Il leur a donc fallu
déconstruire les disciplines traditionnelles et pratiquer la trans versai i té des appro
ches méthodologiques (Groupe ad hoc: 1984).
Nature/culture
J'ai dit plus haut que je considérais le binôme nature/culture comme premier et
fondamental, celui dans lequel s'enracine toute la problématique du féminisme.
L'élément «naturel», biologique fonde, dans toutes les théories et philosophies
masculines, la «femme» de manière exclusive. Nous sommes tous des êtres naturels
mais le naturel féminin tend continuellement à revenir à la nature tandis que le
naturel de l'homme tend à la culture, à la domination de la nature. (Guillaumin:
1978) A partir des données biologiques, le féminisme a construit une série de
théories qui opèrent un renversement du signe négatif «féminin» et l'associent à un
naturel positif permettant d'affirmer une existence matérielle première, non dépend
ante. La donnée biologique par excellence est la procréation ce qui conduit à une
défense à outrance de la maternité, au refus des biotechnologies (Finrage) et même
à un renversement, chez les féministes américaines, de la thématique de l'avorte- 19 considéré comme une intervention portant atteinte à la «n

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