Promenade inférentielle d un lecteur cartographe. Chapitre 10 d Ulysse de James Joyce - article ; n°1 ; vol.132, pg 105-122
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Promenade inférentielle d'un lecteur cartographe. Chapitre 10 d'Ulysse de James Joyce - article ; n°1 ; vol.132, pg 105-122

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Description

Communication et langages - Année 2002 - Volume 132 - Numéro 1 - Pages 105-122
Anne Grange propose l'analyse d'une expérience de lecture pragmatique et ludique du deuxième chapitre d'Ulysse. Elle revisite certaines archives conservées comme autant de traces archéologiques de cette lecture. Chemin faisant, elle découvre l'importance des opérations logiques que le lecteur peut appliquer afin de résoudre ses hypothèses interprétatives. Ces inferences ont permis de réaliser une cartographie cohérente de la cité décrite par Joyce. Ce plan révèle l'image d'un lecteur moderne qui s'attache à se représenter visuellement l'univers fictionnel qu'il découvre, s'appuyant sur son expérience de la ville réelle. Au-delà, l'analyse interprétative de cette lecture cartographique voit ce jeu d'espace et de logique s'imposer comme lieu de dialogue entre auteur et lecteur, grâce auquel ce dernier irait à la rencontre des stratégies d'écriture de l'écrivain. En un retournement elliptique, cette promenade s'achève sur ce paradoxe : toute lecture participative d'un roman complexe permettrait à la fois d'en découvrir les clefs et d'en renforcer l'opacité.
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Publié le 01 janvier 2002
Nombre de lectures 17
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anne Grange
Promenade inférentielle d'un lecteur cartographe. Chapitre 10
d'Ulysse de James Joyce
In: Communication et langages. N°132, 2ème trimestre 2002. pp. 105-122.
Résumé
Anne Grange propose l'analyse d'une expérience de lecture pragmatique et ludique du deuxième chapitre d'Ulysse. Elle revisite
certaines archives conservées comme autant de traces archéologiques de cette lecture. Chemin faisant, elle découvre
l'importance des opérations logiques que le lecteur peut appliquer afin de résoudre ses hypothèses interprétatives. Ces
inferences ont permis de réaliser une cartographie cohérente de la cité décrite par Joyce. Ce plan révèle l'image d'un lecteur
moderne qui s'attache à se représenter visuellement l'univers fictionnel qu'il découvre, s'appuyant sur son expérience de la ville
réelle. Au-delà, l'analyse interprétative de cette lecture cartographique voit ce jeu d'espace et de logique s'imposer comme lieu
de dialogue entre auteur et lecteur, grâce auquel ce dernier irait à la rencontre des stratégies d'écriture de l'écrivain. En un
retournement elliptique, cette promenade s'achève sur ce paradoxe : toute lecture participative d'un roman complexe permettrait
à la fois d'en découvrir les clefs et d'en renforcer l'opacité.
Citer ce document / Cite this document :
Grange Anne. Promenade inférentielle d'un lecteur cartographe. Chapitre 10 d'Ulysse de James Joyce. In: Communication et
langages. N°132, 2ème trimestre 2002. pp. 105-122.
doi : 10.3406/colan.2002.3146
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/colan_0336-1500_2002_num_132_1_3146Promenade inférentielle
O
d'un lecteur cartographe
Chapitre 10 d'Ulysse
|—
de James Joyce
Anne Grange
Anne Grange propose l'analyse d'une expérience de l'univers fictionnel qu'il découvre,
lecture pragmatique et ludique du s'appuyant sur son expérience de la ville
deuxième chapitre d'Ulysse. Elle revisite réelle. Au-delà, l'analyse interprétative de
certaines archives conservées comme cette lecture cartographique voit ce jeu
autant de traces archéologiques de cette d'espace et de logique s'imposer comme
lecture. Chemin faisant, elle découvre lieu de dialogue entre auteur et lecteur,
l'importance des opérations logiques que le grâce auquel ce dernier irait à la rencontre
lecteur peut appliquer afin de résoudre ses des stratégies d'écriture de l'écrivain. En un
hypothèses interprétatives. Ces inferences retournement elliptique, cette promenade
ont permis de réaliser une cartographie s'achève sur ce paradoxe : toute lecture
cohérente de la cité décrite par Joyce. Ce participative d'un roman complexe permett
plan révèle l'image d'un lecteur moderne rait à la fois d'en découvrir les clefs et d'en
qui s'attache à se représenter visuellement renforcer l'opacité.
LECTURE PREMIÈRE : PAR LÀ
L'été 1999, on1 me suggéra d'étudier certains procédés de
nature cinématographique repérables dans le chapitre X
d'Ulysse. Je me livrai ainsi à la relecture de ce chapitre qui, s'il
m'avait précédemment laissée indifférente, me fascina soudain
par la complexité de sa structure. La promenade inférentielle2
que j'initiai alors ne fut nullement préméditée et ne cherchait
pas à vérifier une quelconque théorie3. Le récit et l'analyse
reflexive que j'en propose ici ont été initiés un an plus tard,
motivés par le seul désir de mieux comprendre l'expérience
quasi obsessionnelle qui fut la mienne. D'où la nécessité
d'écrire à la première personne.
1 . Fritz Senn (Fondation James Joyce de Zurich), que je remercie ici, comme Jacques
Aubert, Jacques Perriault et Joël Loehr pour leurs encouragements.
2. Cf. Eco U., Lector in fabula, Grasset, Le Livre de poche, 1985, p. 151-152.
3. ... et me mena sur une toute autre route que celle qu'on m'avait suggérée. 106 Sémiologie et littérature
Le dixième chapitre d'Ulysse, dit Les Rochers errants4, se situe
au centre du roman. Il présente comme personnage principal,
non plus comme ailleurs dans le roman, Stephen Dedalus,
Leopold Bloom ou sa femme Molly, mais la ville elle-même,
théâtre d'événements anodins, actions, dialogues et pensées
des multiples individus qui l'habitent et la traversent.
Ce chapitre se compose de dix-neuf épisodes. Durant la
plupart, Joyce nous fait suivre les déplacements et rencontres
fortuites de divers individus au fil de leurs errances à travers
Dublin, et donne à entendre les pensées des personnages soli
taires selon le procédé du « monologue intérieur».
Le premier épisode relate l'itinéraire du Père Conmee qui
s'achemine depuis son presbytère en ville jusqu'à un champ
situé hors de Dublin, en direction d'Artane où il a rendez-vous.
Tout en rêvant au temps jadis ou en récitant son office, il
rencontre et salue une quinzaine de ses ouailles.
Le dernier épisode énonce l'itinéraire des voitures qui transpor
tent le comte de Dudley et sa suite, depuis le Palais d'Été
jusqu'à un faubourg de Dublin, en direction d'une kermesse qu'il
doit inaugurer. Ce faisant, le cortège est salué par une quarant
aine de citoyens que le lecteur aura pour la plupart déjà croisés
dans les épisodes précédents.
Au fil de la lecture, le théâtre de ce chapitre s'élargit peu à peu
jusqu'à devenir un immense labyrinthe, dont Joyce brouille à
dessein la logique spatio-temporelle.
D'un épisode à l'autre, je découvre un quartier nouveau ou
reviens dans un lieu que j'ai déjà rencontré. Et alors que je
pense avancer dans le temps de la narration comme dans celui
de la fiction, Joyce rompt sa chronologie : il revient par flas
hback sur l'action d'un personnage déjà croisé dans un épisode
précédent, ou insère au cœur d'une scène des images incon-
grues, rappels ou anticipations d'autres épisodes.
8
g 4. Les titres de chapitre ont été abandonnés par Joyce lors de l'édition. Voir ce chapitre
"■•= p. 247-287 in James Joyce, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », vol. Il,
.y 1995, édition dirigée par Jacques Aubert, trad. 6' Ulysse par A. Morel assisté par
§ S. Gilbert, revue par V. Larbaud et J. Joyce, 1929; ou p. 280-328 in Ulysses, J. Joyce,
| Penguin Books, 1968 (première publication en 1922). Les références indiquées dans les
o notes suivantes concernent l'édition de La Pléiade. inférentielle d'un lecteur cartographe 107 Promenade
Face à cette combinatoire spatio-temporelle complexe, il me
semblait que Joyce (j'entends par là mon « auteur modèle5 », tel
que je me le « figure ») lançait un défi à son lecteur: déjouer les
arcanes des Rochers errants en représentant de manière cohé
rente la scène de ce chapitre. Pour relever ce défi, je décidai de
reconstituer un plan de Dublin, représentation cartographique
sur laquelle je pourrai situer tous les protagonistes ainsi que
leurs itinéraires. Je me fixai cependant comme « règle du jeu »
d'exclure tout recours à des documents extérieurs, tel que le
plan existant de la ville, de m'en tenir aux seules informations
livrées par le texte et à mes propres capacités d'inférence6.
Deux hypothèses se trouvent au principe de cette démarche.
- si la fiction des Rochers errants répond aux règles du monde
réel - Ulysse n'est pas un roman de science fiction -, alors la
ville décrite par Joyce (nommée « Dublin ») s'accorde avec la
logique spatiale d'une ville réelle (la cité dublinoise que je sais
exister) et peut par conséquent se traduire en langage
cartographique ;
- si Joyce a voulu faire de la ville la « figure » centrale de ce
chapitre et si une représentation cartographique cohérente du
théâtre des Rochers errants doit être reconstituée par le lecteur,
alors ce texte et lui seul, indépendamment du reste du roman,
offre les indices nécessaires et suffisants.
J'avais pour hypothèse centrale que, si je parvenais à reconsti
tuer ce plan de la ville fictive, la méthode mise en p

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