Quelques remarques sur les grès d Angkor - article ; n°2 ; vol.46, pg 619-634
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Description

Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient - Année 1954 - Volume 46 - Numéro 2 - Pages 619-634
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Edmond Saurin
XX. Quelques remarques sur les grès d'Angkor
In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 46 N°2, 1954. pp. 619-634.
Citer ce document / Cite this document :
Saurin Edmond. XX. Quelques remarques sur les grès d'Angkor. In: Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Tome 46
N°2, 1954. pp. 619-634.
doi : 10.3406/befeo.1954.5612
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/befeo_0336-1519_1954_num_46_2_5612QUELQUES REMARQUES
SUR LES GRÈS D'ANGKOR
par
Edmond SAURIN
Membre Correspondant de l'École Française d'Extrême-Orient
Parmi les matériaux dont sont bâtis les monuments d'Angkor, grès, latérites et
briques, les grès, matériau le plus important, tant par leur emploi généralisé que
par le problème de leur provenance, ont déjà fait l'objet d'un examen pétro-
graphique.
Dans une note à l'Académie des Sciences W, J. Fromaget et F. Bonelli ont en effet
mentionné la nature pétrographique d'échantillons de grès prélevés à Angkor par
Henri Parmentier, alors Chef du Service Archéologique de l'Ecole Française
d'Extrême-Orient. Ils relèvent, parmi les échantillons qui leur furent adressés, la
présence de deux sortes de grès : des grès verdâtres, arkosiques, et des grès rou-
geâtres, siliceux, dont la position géologique au Cambodge est ensuite analysée.
Mais les provenances précises de ces spécimens ne sont pas indiquées, de sorte
que ces déterminations ne fournissent que des indications très générales et quelque
peu sommaires.
Pour ma part, j'ai été frappé de la grande homogénéité des grès employés dans
le groupe d'Angkor proprement dit.
Les matériaux gréseux d'Ankor Vàt, du Bàkhèn, des portes d'Ankor Thom et
des balustrades de dieux et démons qui les précèdent, ceux du Bàyon, du Bàphûon,
de Ta Prohm, des petits temples de Thommanon et de Cau Sày Tevoda appar
tiennent tous à la série des grès verdâtres. Il en est de même des édifices du
Práh Khan, de Ta Sôm, du Mébon oriental et de Prè Вир.
Un seul monument montre de l'hétérogénéité dans ses matériaux gréseux parmi
lesquels figurent aussi des grès analogues aux précédents : le Ta Kèv. Les archéo
logues ont d'ailleurs signalé sa singularité, son absence de décoration, son aspect
inachevé et sa sobre puissance, et M. Marchai^ se demande si ces particularités
ne sont précisément pas dues à la nature des matériaux employés, sur laquelle
nous reviendrons.
On sait que ces monuments ne sont pas tous contemporains et que l'emploi du
grès y prend selon les époques une importance variable.
(г) J. Fromaget et F. Bonelli, A propos des matériaux d'Angkor et sur quelques points de la stratigra
phie et de la structure géologique du Cambodge septentrional et oriental (C. R. Ac. Se, Paris, t. 196,
p. 538, 19 septembre 193a).
(*) H. Marchai, Guide archéologique aux temples d'Angkor, Paris, 1938. 620 EDMOND SAURIN
Dans l'art, dit d'Indravarman où sont encore fréquentes les constructions de
briques, les grès ne sont souvent employés qu'en tympans, linteaux, chambranles
et piliers de portes, vantaux de fausses portes.
Leur emploi se généralise au xie siècle pour être exclusivement utilisé à l'époque
d'Ankor Vàt et à celle du Bàyon, où cependant des blocs de latérite se mêlent par
fois au grès W, mais en remplissage et invisibles à l'extérieur.
D'après les archéologues et les historiens de l'art khmèr (2\ les monuments
précités appartiennent aux époques suivantes : fin du ixe siècle, Bàkhèn ; deuxième
moitié du x* siècle, Mébon oriental et Prè Rup; première moitié du xi" siècle,
Ta Kèv; deuxième moitié du xie siècle, Bàphûon; fin du xie siècle ou début du
xiie, Thommanon, Čau Sày; première moitié du xne siècle, Ankor Vât; fin du
xii* siècle et début du xme siècle, portes d'Ankor Thom, Bàyon, Práh Khan, Ta
Prohm, Ta Sóm.
C'est donc pendant près de cinq siècles que les mêmes grès ont été employés
dans la région d'Angkor (3>, et très certainement parce que leurs qualités avaient
été reconnues et qu'ils ont été judicieusement choisis par les architectes, les maîtres
d'œuvre et les carriers.
Si un architecte occidental relève à Angkor de nombreuses « erreurs de construc
tions, notamment dans le mode d'assemblage des pierres M, du moins, d'une façon
très générale, l'examen de ces matériaux ne laisse pas l'impression de blocs de
«qualités très inégales» entassés «sans grand discernement» (*\ par une armée de
coolies, dans une sorte de frénésie mystique stimulée par la férule.
Et l'opinion selon laquelle les temples d'Angkor furent l'œuvre de décorateurs
ignorants de l'art de construire, ordinairement répandue, paraît quelque peu outrée
si l'on considère entre autres, l'admirable stéréotomie des petits édicules de Thom
manon et de Cau Sày et l'intacte et solennelle splendeur d'Ankor Vàt.
M. Glaize M a d'ailleurs réagi contre cette opinion et dit au contraire combien ce
grand art fut purement architectural, au sens le plus intellectuel du terme : étro
itement asservi à des règles rigoureuses, il associe dans un symbolisme constant
le culte des dieux et des rois.
Cette identité de matière confère aux édifices d'Angkor, dans la diversité résultant
de leur décor et de leurs destinations particulières, une unité fondamentale qui n'est
pas étrangère à l'impression qu'ils produisent.
On a d'ailleurs souligné l'influence des matériaux et de la géologie locale sur
l'architecture et les styles, sur l'évolution et la localisation des écoles artistiques,
sur l'aspect général des constructions régionales (').
A cet égard, l'art khmèr a été à sa grande époque un art du grès. Et l'on pourrait
aussi bien inverser la proposition précédente, et se demander si les Khmèrs, bâtis
seurs peut-être plus ou moins habiles, ne sont pas précisément devenus des déco-
O) H. Marchai, C. R. : P. Stern, Le Bàyon d'Angkor et l'évolution de l 'art khmèr {BEFEO, t. XXVIII,
1928, n° i-a, p. З00).
(2> G. Cœdès, La date du Bàyon (BEFEO, t. XXVIII, 1938, n° 1-2, p. 81); M. Glaize, Les
monuments du groupe d'Angkor, Saigon, 19^8.
(3) Des grès analogues ont été également, dans tout le Cambodge où ils sont largement répandus,
la matière favorite des statuaires khmèrs dès l'époque de l'art primitif (vi'-vh* siècle).
(*) H. Marchai, La construction des temples khmèrs (Arts et archéologie khmèrs, t. I, Paris, 1921-
1922), p. a 1-57.
(5) G. Groslier, Angkor (Paris, Laurens, 19 2 4), p. 28 et suiv.
(•) M. Glaize, Les monuments du groupe d'Angkor (loc. cit.), cf. p. З2-З9.
О H. Hoermann, Geologie und Denkmalpflege (Zeitschrift der deutschen geol. Gesellschaft, vol. 1,
1960, Hannover, ig5i, p. З76-З79. QUELQUES REMARQUES SUR LES GRÈS D'ANGKOR G21
rateurs, parfois prolixes, que parce qu'ils disposaient de ces grès tendres, dociles au
ciseau.
C'est probablement aussi à ces grès, d'exploitation, de taille et d'assemblage faciles
d'une résistance convenable que, délaissant les briques et la latérite, ils ont du de
concevoir de vastes ensembles architecturaux, et de devenir aussi de véritables
constructeurs.
Mais ce déterminisme géologique laisse cependant place à des facteurs psycho
logiques. C'est ainsi qu'en dehors des peintures et dorures superficielles, il est
remarquable que les Khmèrs n'aient'pas recherché, dans le choix des matériaux des
édifices entièrement construits en grès, des effets de polychromie qui leur étaient
possibles dans les structures mêmes. Ils disposaient en effet dans la même région,
d'autres grès de couleur rouge, ayant des propriétés physiques analogues, qui
n'ont pas été mélangés aux grès verts W, et avec lesquels par contre a été construi

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