Sainteté, pouvoir et société : Tamgrout aux XVIIe et XVIIIe siècles - article ; n°3 ; vol.35, pg 615-641
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Description

Annales. Histoire, Sciences Sociales - Année 1980 - Volume 35 - Numéro 3 - Pages 615-641
Holiness, power and society : Tamgrout in the 1 7th and 18th centuries A. Hammoudi This study deals with the zaouia of Tamgrout in the 1 7th and 18th centuries. On the basis of written sources, oral traditions and ethnographic data, the author tries to achieve an understanding of the conditions for the appearance and success of a religious brotherhood. The nâsriya zaouia emerged in the context of a crisis in which the question of religious and policial legitimacy was posed in a very clearcut manner. But the existence of this crisis cannot, by itself, explain the success of Tamgrout. The biography of its founder reveals a paradigm and a strategy. The paradigm emphasizes certain features such as 'ilm and initiation, and it differs from other paradigms such as, for example, mahdism and statism. The strategy exhibits a close connection with the sedentary peasantry, matrimonial alliances, and some relationships with the central government and with nomadic groups who determined the control of commercial routes. The dissemination of this religious order and the establishment of its affiliates over a period of three generations following the founder's death clearly demonstrate the importance both of competition and negotiation with the central government. One can, following Laroui, attribute the success of the zaouia exclusively to its complicity with the central authorities or, following Gellner, to its role in moderating segmentary conflicts. On the other hand, behind the pseudo-unity of maraboutism (which Geertz takes as his principal point of reference), one can track contradictory ideologies and strategies which correspond to the struggles between antagonistic organized groups.
27 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 191
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Abdallah Hammoudi
Sainteté, pouvoir et société : Tamgrout aux XVIIe et XVIIIe
siècles
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 35e année, N. 3-4, 1980. pp. 615-641.
Abstract
Holiness, power and society : Tamgrout in the 1 7th and 18th centuriesA. Hammoudi This study deals with the zaouia of
Tamgrout in the 1 7th and 18th centuries. On the basis of written sources, oral traditions and ethnographic data, the author tries
to achieve an understanding of the conditions for the appearance and success of a religious brotherhood. The nâsriya zaouia
emerged in the context of a crisis in which the question of religious and policial legitimacy was posed in a very clearcut manner.
But the existence of this crisis cannot, by itself, explain the success of Tamgrout. The biography of its founder reveals a paradigm
and a strategy. The paradigm emphasizes certain features such as 'ilm and initiation, and it differs from other paradigms such as,
for example, mahdism and statism. The strategy exhibits a close connection with the sedentary peasantry, matrimonial alliances,
and some relationships with the central government and with nomadic groups who determined the control of commercial routes.
The dissemination of this religious order and the establishment of its affiliates over a period of three generations following the
founder's death clearly demonstrate the importance both of competition and negotiation with the central government. One can,
following Laroui, attribute the success of the zaouia exclusively to its complicity with the central authorities or, following Gellner, to
its role in moderating segmentary conflicts. On the other hand, behind the pseudo-unity of maraboutism (which Geertz takes as
his principal point of reference), one can track contradictory ideologies and strategies which correspond to the struggles between
antagonistic organized groups.
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Hammoudi Abdallah. Sainteté, pouvoir et société : Tamgrout aux XVIIe et XVIIIe siècles. In: Annales. Économies, Sociétés,
Civilisations. 35e année, N. 3-4, 1980. pp. 615-641.
doi : 10.3406/ahess.1980.282657
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1980_num_35_3_282657POUVOIR ET SOCIÉTÉ : SAINTETÉ,
Tamgrout aux XVIIe et XVIIIe siècles
Deux mots ont fait fortune dans la littérature historique et anthropologique
traitant de la société marocaine : zaouia et makhzen. D'ordinaire, le premier terme
est rendu par confrérie religieuse, le second par État central. Mais cette traduction
oublie les sens premiers qui réfèrent avant tout à deux espaces. Le premier est le
lieu où se réunissent les partisans d'une voie mystique (tarïqa) pour la méditation,
la prière et la perpétuation de la tradition instituée par le fondateur ; le second est
le lieu où doivent s'accumuler les moyens majeurs de gouvernement : le trésor.
Deux espaces donc interdits, où ne sont admis que des spécialistes dûment
qualifiés : des hommes consacrant leur vie, dans un cas au service de Dieu, dans
l'autre à celui de l'État.
Nul doute que l'administration des affaires du monde et le retrait que
manifeste l'option confrérique montrent, de prime abord, leurs rapports
antithétiques ; la tension qui en résulte n'est pas étrangère à la fascination que la
zaouia et la sainteté ont exercée sur tous les observateurs, qu'ils soient
autochtones ou étrangers. Car bien avant l'intérêt porté aux cultures exotiques par
l'Europe conquérante, récits hagiographiques, écrits ou oraux, dictionnaires
biographiques, essais et épîtres exaltent les pieux personnages et conservent leurs
dires, gestes et miracles. Rarement, cependant, la relation d'une vie exemplaire va
sans évoquer les difficultés rencontrées pour édifier le peuple, ou remettre un
gouvernant sur la « voie droite » '.
Édifier le peuple et censurer le prince. Voilà qui d'emblée soulève l'épineuse
question du rapport entre le saint et le politique. L'histoire coloniale et plus encore
l'anthropologie ont interrogé avec insistance la vie des confréries religieuses pour
mesurer leur poids dans la vie politique marocaine précoloniale. Des réponses
n'ont pas tardé à s'esquisser : point d'ancrage du groupe local, la zaouia, centre
politique et social de diffusion de l'islam, le saint et ses adeptes instruments du
makhzen dans un pays fragmenté et politiquement non unifié, ou encore agents
des regroupements et ressaisissements ethniques locaux et régionaux contre la
centralisation. C'est selon ce dernier axe qu'ont été interprétées, en particulier, les
multiples fondations qui ont vu le jour dans le Moyen Atlas et le Haut Atlas
central 2. Les difficultés soulevées par de telles interprétations et notamment leur
615 L'ISLAM ET LE POLITIQUE
enracinement dans l'idéologie coloniale — toujours prompte à nier l'unité du
pays colonisé — n'intéressent pas directement notre propos. Au demeurant, elles
ont été plus d'une fois mises en évidence.
En revanche, et bien que des recherches récentes aient tenté d'ouvrir de
nouvelles voies, le débat sur les rapports entre État et société civile est loin d'être
clos. A la dichotomie qu'opère la littérature coloniale entre un territoire contrôlé
par le pouvoir central (blad-al-makhzen) et un territoire échappant à ce contrôle
(blad-al-siba), succèdent deux nouvelles orientations théoriques. La première
insiste sur l'homogénéité culturelle de la société marocaine tout en soulignant sa
fragmentation politique ; la seconde met en valeur les aspects historiques de son
intégration. C'est à ce débat que l'on se propose de contribuer par la description
des modalités de la tension entre le central et le local grâce à l'examen d'un cas :
celui de la zaouia de Tamgrout, située dans la vallée du Dra et à laquelle la famille
des Nàsiriyïne a su donner une vigoureuse impulsion au xvne siècle. Une telle
entreprise ne saurait éviter l'évaluation des théories en présence, que nous allons
maintenant évoquer avant de formuler le détail de nos propres objectifs.
Il était fatal que la théorie de la segmentante rencontrât la zaouia et le
makhzen. Élaborée par Evans-Pritchard, elle fut d'abord systématiquement
appliquée par lui à l'étude des tribus dites « sans État » du Soudan méridional et
par la suite, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale aux Bédouins de la
Cyrénaïque 3. Ernest Gellner a récemment raffiné le modèle pour l'étendre aux
tribus berbères du Haut Atlas central. La question fondamentale, pour lui comme
pour son prédécesseur, peut être ainsi formulée : comment, en l'absence d'un État
ou plus généralement d'agences spécialisées dans l'exercice du pouvoir politique,
un minimum d'ordre civil peut-il être maintenu ? La réponse, Gellner pense la
trouver dans la structure même des groupes sociaux. A ses yeux, la société
segmentaire évite le conflit généralisé grâce aux rapports structuraux d'opposition
entre lignages tribaux de niveau identique et de force comparable d'une part, et à
l'action des lignages sacrés d'autre part ; tenus de par leur statut même d'être
pacifistes, ceux-ci, étant du coup situés en dehors de tout conflit, peuvent exercer
un arbitrage qui limite la violence segmentaire. C'est dans ces termes que Gellner
décrit la place de la zaouia Ahansal dans l'équilibre politique du Haut Atlas
central 4.
Le modèle, élégant et suggestif, rencontre cependant de nombreuses
difficultés qu'historiens et anthropologues se plaisent à souligner. Germain
Ayache soutient que l'arbitrage n'est pas l'apanage des seules zaouias et montre le
makhzen aussi bien engagé dans cette activité, tandis qu'Abdallah Laroui affirme
que sans le concours de l'État, le chef de la confrérie religieuse ne saurait ni
s'imposer ni exercer une quelconque action de conciliation. L'un et l'autre sont
opposés à l'idée d'une fragmentation qu'implique la description d'une vie
autonome des tribus régie par le seul principe de la segmentarité 5. Par son
insistance sur l'homogénéité culturelle et l'action intégrante des valeurs
islamiques, Clifford Geertz dépasse également la dichotomie blad-al-makh
zen I blad-as-siba. Mais à cette traditionnelle fragmentatio

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