Sur la dramaturgie des jeux de combat - article ; n°1 ; vol.67, pg 149-164
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Description

Communications - Année 1998 - Volume 67 - Numéro 1 - Pages 149-164
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 23
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mr Christian Pociello
Sur la dramaturgie des jeux de combat
In: Communications, 67, 1998. pp. 149-164.
Citer ce document / Cite this document :
Pociello Christian. Sur la dramaturgie des jeux de combat. In: Communications, 67, 1998. pp. 149-164.
doi : 10.3406/comm.1998.2022
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1998_num_67_1_2022Christian Pociello
Sur la dramaturgie
des jeux de combat1
Les historiens des jeux et ceux de la guerre ont souvent observé que les
hommes ont, de tout temps, joué à se battre. Et depuis leurs plus lointaines
origines, ces types particuliers d'affrontement (d'où découlent les sports
collectifs de combat) sont restés des spectacles privilégiés. On reconnaîtra
aisément que fut franchi un seuil capital, décisif, dans le « procès de
civilisation » lorsqu'on a substitué à la guerre dévastatrice, peuple contre
peuple et masse contre masse (associée au sentiment troublant qui saisit
le vainqueur dans la perspective excitante d'une « montée aux extrê
mes »), un combat réglé, en champ clos, de quelques champions valeureux
auxquels est dévolu le sort collectif des armes. C'est dire si les autres
combattants, armes aux pieds, ne restent pas pour autant inactifs face
au spectacle offert de la violence déléguée. Est-il besoin de préciser que
cette situation est restée longtemps instable en ce que, dans l'excitation
habituelle du spectacle d'un combat sans merci - qu'accroît encore
l'importance de l'enjeu -, les spectateurs sont toujours prêts à franchir,
de nouveau, le pas de la violence collective ? Peut-on avancer que le sport,
dans ses modalités collectives et individuelles d'affrontement direct,
conserve intact, de ces origines, son potentiel de violence et d'agressivité
qui attire éminemment les hommes ? Football et rugby (pour la* Vieille
Europe), football américain, basket et hockey (pour le Nouveau Monde)
sont des spectacles capables de rassembler, en masses gesticulantes et
vociférantes, un public - à majorité masculine - vibrant devant les effets
les plus réalistes des chocs et les effets déstabilisants des mouvements
dans ces guerres de conquête et de défense de territoires limités. Mais, en
dépit des plaisirs archaïques que peuvent encore inspirer ces spectacles
de la « violence maîtrisée », on observe qu'ils réunissent un public socia
lement et culturellement hétérogène, de « supporters » et de « puristes »,
de « connaisseurs » et de « profanes » qui n'y perçoivent pas les mêmes
149 Christian Pociello
« choses » mais qui y cherchent - et y trouvent - tous du sens, y puisant
un plaisir partagé évident.
On se propose d'identifier les différents niveaux de lecture des systèmes
sémiotiques sportifs dans leurs variantes « agonales », d'analyser les caté
gories culturelles de perception - et d'appréciation - capables de décoder
les messages subtils qu'ils contiennent, enfin d'aborder, le mécanisme
mental de production de « figures » — ou, mieux, d'« oppositions figura-
les » — donnant un surcroît de sens aux combats sportifs à travers une
insolite théâtralisation de leurs spectacles. Seule cette dramaturgie par
ticulière peut expliquer l'intérêt (et la projection) d'un ensemble social
ement composite de spectateurs. La recherche des ressorts dramatiques
de ces spectacles sportifs doit comprendre, en effet, leur pouvoir de
mobilisation spectaculaire large, dépassant le cercle restreint des
« connaisseurs ». Ce sont à la fois l'ampleur de cette mobilisation et la
fondamentale hétérogénéité culturelle — et sexuelle — du public de ces
spectacles sportifs qui font ici l'objet d'une analyse. On la qualifiera de
« socio-sémiologique » pour orienter la recherche en direction des ressorts
socioculturels qui peuvent expliquer cet attrait « massif » et surtout pour
identifier les formes, les signes, les symboles (voire les « allégories ») qui
les (sous) -tendent. On veut pouvoir comprendre les résonances collectives
et le retentissement dans les inconscients individuels de ce « système
sémiotique » particulier des combats sportifs les plus « populaires ». D'où
vient ce pouvoir de mobilisation spectaculaire des grands sports d'affron
tement collectifs (football et rugby surtout), mais aussi des combats indi
viduels les plus culturalisés (comme le tennis) ou les plus violents (boxe) ?
Sont-ils de même nature ? Existe-t-il, au-delà des différents niveaux de
lecture identifiables, un principe invariant susceptible de capter l'intérêt
de gens qui s'y projettent sans connaître les règles du jeu, qui s'y absorbent
sans comprendre ?...
Un public socialement - et sexuellement - hétérogène...
Les femmes sont réputées « détester » les spectacles des sports collectifs
à la télévision. C'est ce que confirme l'examen de la structure de l'audience
des retransmissions télévisées des grands matchs de football2. Mais les
femmes ne sont pas totalement absentes des tribunes des stades. Elles
avouent, en nombre significatif, être «intéressées » par, les matchs de
rugby et on en connaît même, qui animent, avec passion, des clubs de
supporters de football à Marseille. Des élégantes se montrent volontiers
au tournoi de tennis de Roland-Garros et l'histoire photographique de la
150 Sur la dramaturgie des Jeux de combat
boxe révèle leur présence - enthousiaste ou déchaînée — autour des rings
de l'entre- deux-guerres.
On sait que les tournois féroces - et parfois mortels - des chevaliers,
au Moyen Age, avaient besoin de la présence des dames (dont ils portaient
ostensiblement les couleurs) pour consentir à mettre littéralement leur vie
en jeu, et l'on pouvait remarquer qu'il n'y avait « point de chevaliers
valeureux sans dames à la tribune »... Il en fut de même, pendant long
temps, des batailles, au corps à corps, des « jeux de vilains ». Jusqu'au
milieu du XIXe siècle, les jeunes filles à marier se pressent aux cérémonies
populaires de la soûle où les jeunes gens les plus vigoureux des villages
s'affrontent, avec fougue, jusqu'au sang. Force, vaillance, mépris des
blessures... sont des vertus que la gent féminine a pu longtemps apprécier,
à leur juste valeur, dans le choix des partenaires. Si les garçons présentent
encore cette disposition culturelle à la bataille, les filles continuent (plus
ou moins secrètement) de l'apprécier, « en deuxième ligne », par personne
interposée...
Par ailleurs, les intellectuels critiques dénoncent dans ces spectacles
« frustes » un « opium du peuple », instrument d'« abrutissement des
masses ». Tous les ne partagent pas cet avis et cette detestat
ion. On sait, en effet, que les retransmissions des grandes rencontres
internationales rassemblent un public très large et composite, qui ne se
réduit pas aux fractions les plus culturellement défavorisées ou politiqu
ement aliénées de la population. Notables locaux et grands cadres diplômés
du secteur privé s'abonnent régulièrement aux tribunes d'honneur dans
les stades de football. Au bourg, toute la communauté est réunie pour
assister aux matchs dominicaux de rugby et on a pu montrer, par l'analyse
sociologique approfondie, que le public de ces cirques modernes « recom
posent l'espace social des grandes villes où ils sont implantés » (G. Brom-
berger et alii, 1995). Des intellectuels et des artistes se sont intéressés à
ces étranges scènes. Parfois même, ils ont pu célébrer le souffle vital qui
en émane. Montherlant, Giraudoux, Morand, Cocteau... et, plus près de
nous, Jean Lacouture ont pu reconnaître apprécier les spectacles sportifs
jusqu'aux plus triviaux. Pour sa part, Woody Allen, orfèvre de la mise en
scène, estime qu'« il n'y a rien de plus dramatique qu'un bon match de
football [américain] ».
Certes on reconnaît des différences dans la composition sociale des
différents publics des divers combats ou duels sportifs offerts et on ne
peut nier une certaine sélection dans le recrutement des supporters et des
adeptes — passionnés ou occasionnels - de la boxe, du football, du rugby
ou du tennis. Le public - sélect - de Rola

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