Systèmes de production et types d'organisation spatiale induits par les formes de colonisation rurale en Nouvelle-Calédonie. - article ; n°78 ; vol.40, pg 5-15

Alain Saussol

Description

Journal de la Société des océanistes - Année 1984 - Volume 40 - Numéro 78 - Pages 5-15
Les interrelations entre systèmes de production, espace et société apparaissent avec une remarquable netteté en Nouvelle-Calédonie où se sont juxtaposés trois types de colonisation rurale : le grand élevage extensif, la petite agriculture micro-fondiaire issue du bagne et les plantations de café. Chacun de ces ensembles, inscrit dans un cadre physique particulier, a modelé un type de société et d'espace aux structures économiques et foncières différentes qui se sont maintenues à peu près intactes jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, donnant l'illusion d'une pérennité.
Depuis 1945, les nouvelles conditions économiques, sociales et politiques ont affecté différemment chacun de ces trois espaces : intensification et morcellement des vastes « stations » d'élevage, concentration foncière, mécanisation et spécialisation des vallées agricoles, naufrage des plantations de café de la côte est, aujourd'hui en première ligne sur le front de la revendication mélanésienne qui annonce, en lui-même, d'autres transformations.
Interrelations between productive system, space and society appear with much distinctness in New Caledonia where three types of rural colonization are present: large extensive stock farming, small landed estates which came out of the penal servitude system and coffee plantations. Each of these systems, associated to a particular physical environment, shaped a type of society and space with different economic and land tenure structures, which remained almost intact until the Second World War and give the image of everlasting.
Since 1945, new economic, social and political conditions affected differently each of those spaces: intensification and parcelling out of the largest stock farms, concentration of land control, mechanization and specialization in valley agriculture, collapse of coffee plantations on the East Coast, today the frontline of Melanesian claims which, in itself, announce other transformations.
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: JOURNAL_DE_LA_SOCIETE_DES_OCEANISTES
• Publié le: 01 janvier 1984
• Nombre de lectures: 39
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Alain Saussol
Systèmes de production et types d'organisation spatiale induits
par les formes de colonisation rurale en Nouvelle-Calédonie.
In: Journal de la Société des océanistes. N°78, Tome 40, 1984. pp. 5-15.
Résumé
Les interrelations entre systèmes de production, espace et société apparaissent avec une remarquable netteté en Nouvelle-
Calédonie où se sont juxtaposés trois types de colonisation rurale : le grand élevage extensif, la petite agriculture micro-fondiaire
issue du bagne et les plantations de café. Chacun de ces ensembles, inscrit dans un cadre physique particulier, a modelé un
type de société et d'espace aux structures économiques et foncières différentes qui se sont maintenues à peu près intactes
jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale, donnant l'illusion d'une pérennité.
Depuis 1945, les nouvelles conditions économiques, sociales et politiques ont affecté différemment chacun de ces trois espaces :
intensification et morcellement des vastes « stations » d'élevage, concentration foncière, mécanisation et spécialisation des
vallées agricoles, naufrage des plantations de café de la côte est, aujourd'hui en première ligne sur le front de la revendication
mélanésienne qui annonce, en lui-même, d'autres transformations.
Abstract
Interrelations between productive system, space and society appear with much distinctness in New Caledonia where three types
of rural colonization are present: large extensive stock farming, small landed estates which came out of the penal servitude
system and coffee plantations. Each of these systems, associated to a particular physical environment, shaped a type of society
and space with different economic and land tenure structures, which remained almost intact until the Second World War and give
the image of everlasting.
Since 1945, new economic, social and political conditions affected differently each of those spaces: intensification and parcelling
out of the largest stock farms, concentration of land control, mechanization and specialization in valley agriculture, collapse of
coffee plantations on the East Coast, today the frontline of Melanesian claims which, in itself, announce other transformations.
Citer ce document / Cite this document :
Saussol Alain. Systèmes de production et types d'organisation spatiale induits par les formes de colonisation rurale en
Nouvelle-Calédonie. In: Journal de la Société des océanistes. N°78, Tome 40, 1984. pp. 5-15.
doi : 10.3406/jso.1984.2527
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jso_0300-953X_1984_num_40_78_2527Systèmes de production
et types d'organisation spatiale induits
par les formes de colonisation rurale
en Nouvelle-Calédonie
par
Alain SAUSSOL *
Les interrelations entre système de product Entre 1895 et la première guerre mondiale, ce
ion, espace et société apparaissent avec une fut au contraire le temps des petits planteurs
particulière netteté dans les pays de colonisa de café dans les vallées alluviales du nord-
tion relativement récente où la projection dans ouest et de la côte est. Entre-temps, de 1870
l'espace du modèle socio-économique garde à 1897, se situe la période de colonisation
toute sa fraîcheur. Le cas de la Nouvelle- pénale génératrice d'agriculteurs microfon-
Calédonie est, de ce point de vue, exemplaire. diaires dans les vallées du centre-ouest, in
Nous laisserons de côté l'espace précolonial cluses dans le domaine pénitentiaire.
encore qu'il traduise dans son organisation et Ces trois systèmes de colonisation ont mod
ses paysages la réalité sociologique des clans elé chacun un type d'homme ou de société,
et des chefferies, leurs hiérarchies et les con un mode de production et un type d'espace
traintes de l'agriculture autarcique. Il y aurait différents. Ils apparaissent aujourd'hui encore
matière à réflexion sur la structure de l'habit largement dans la trame foncière de l'île
at, la dispersion des hameaux lignagers, l'a (comme le montre la structure des propriétés
rticulation des terroirs humides et secs, les flux européennes et leur distribution géogra
d'échanges et les réseaux de solidarité qui phique), dans la nature des productions domi
maillent l'espace traditionnel. Cette note s'en nantes et dans la dynamique des mutations
tiendra cependant aux seuls exemples de la économiques.
société rurale issue de la colonisation qui pré
sente en elle-même un panorama suffisam
ment large. Le pastorat extensif.
Au-delà de l'extrême variété de ses expé
riences, la colonisation calédonienne juxta • Les origines.
pose trois systèmes différents qu'incarnent
trois types de colons : le grand éleveur, le En 1853, au début de la colonisation, les
petit cultivateur et le planteur de café. Ces Européens trouvent, à partir de Nouméa que
trois modèles se sont historiquement succédé l'on appelait alors Port-de-France, une côte
et juxtaposés sur le terrain sans se mêler. ouest mamelonnée largement « savanisée »
En simplifiant, on peut dire que, de 1860 à par les feux de brousse précoloniaux et où
1890, la colonisation libre s'est largement prédominait la forêt claire à niaoulis (Méla-
identifiée aux grands éleveurs principaux fac leuca leucodendron) avec une strate herbacée
teurs de la dynamique du front pionnier. de graminées pantropicales (Hétéropogon,
• Université de Montpellier. SOCIÉTÉ DES OCÉANISTES
Impérata), que les premiers officiers de d'un troupeau. Le capital est amorti en trois
marine prirent pour de plantureux herbages. ans. Les cours sont élevés (plus élevés qu'en
Leurs rapports contribuèrent à l'illusion des Australie où il est donc impossible d'export
premiers administrateurs quant à la richesse er). Les coûts de production sont extrême
des pâturages calédoniens, alors qu'il ne ment faibles, aucun investissement, pas même
s'agissait que de parcours assez pauvres, sur d'obligation d'enclore. Une main-d'œuvre ré
tout en saison sèche. duite à sa plus simple expression : un gérant
Le ravitaillement de la garnison, des quel permanent et trois ou quatre manœuvres
ques fonctionnaires et des premiers colons occasionnels embauchés une fois par an, au
agglutinés dans la bourgade qu'était Nouméa, moment du rassemblement et du tri du bétail
créa un petit débouché pour la viande. suffisent à exploiter un domaine de plusieurs
Celui-ci s'enfla démesurément après 1864 avec centaines à quelques milliers d'hectares. Tous
l'installation du bagne en Nouvelle-Calédonie. ces avantages font, jusqu'en 1880, de l'él
Le grand éleveur sera le complément écono evage une activité lucrative et facile qui enri
mique du petit concessionnaire. chit rapidement les notables investisseurs. De
Le manque de main-d'œuvre locale (les rapides fortunes s'édifient qui se réinvestissent
Mélanésiens refusant de s'embaucher chez les aussitôt dans de nouveaux domaines, nourris
colons) le coût élevé des introductions de tra sant l'accaparement boulimique du front
vailleurs de la Réunion ou d'Australie, firent pionnier. On aboutit, en 1878, à la grande
de l'élevage extensif le moyen le plus facile et insurrection canaque, née des spoliations des
le plus rentable de tirer parti des étendues terres mélanésiennes et des empiétements du
herbeuses de la côte ouest, premier champ bétail à demi-sauvage dans les jardins vivriers.
d'expansion du front pionnier. C'était égale
ment l'avis de l'administration qui, confortée • Un système de production fondé sur l'util
par l'exemple australien, entreprit de favoriser isation permanente et anarchique du par
l'élevage qu'elle jugeait adapté au pays par de cours.
larges aliénations de terre et par les contrats
de fourniture de viande. Dans les premières L'absence de main-d'œuvre et son corol
années, elle avait imposé des introductions de laire sa relative cherté, le manque de capitaux
souches de bétail parmi les conditions de mise et l'inexistence de crédit à la production, con
en valeur, d'abord d'une tête par hectare ; frontés à la relative abondance de terres, a
mais cette exigence s'avérant trop dure, on se débouché sur l'élaboration d'un système de
contenta d'une tête pour 5 hectares, taux qui production hyper-extensif.