Tradition et changement dans le Royaume du Bouganda - article ; n°1 ; vol.13, pg 88-119
33 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Tradition et changement dans le Royaume du Bouganda - article ; n°1 ; vol.13, pg 88-119

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
33 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Revue française de science politique - Année 1963 - Volume 13 - Numéro 1 - Pages 88-119
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Monsieur Michel Cartry
Tradition et changement dans le Royaume du Bouganda
In: Revue française de science politique, 13e année, n°1, 1963. pp. 88-119.
Citer ce document / Cite this document :
Cartry Michel. Tradition et changement dans le Royaume du Bouganda. In: Revue française de science politique, 13e année,
n°1, 1963. pp. 88-119.
doi : 10.3406/rfsp.1963.392705
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_1963_num_13_1_392705Tradition et Changement
dans le Royaume du Bouganda
MICHEL CARTRY
Si l'évolution constitutionnelle et politique du Protectorat britan
nique de l'Ouganda est si difficile, cela tient principalement aux
divisions internes de la population africaine et tout particulièrement
aux tendances séparatistes du Bouganda. Le Bouganda est le pays des
Baganda — le groupe ethnique le plus important du Protectorat 1 — et
il correspond à l'aire d'expansion d'un royaume « traditionnel » qui, à
l'arrivée des Européens, était encore en plein développement et que les
autorités britanniques ont toujours reconnu comme une entité politique
séparée. Cela explique qu'à la différence des trois autres provinces, qui
sont des divisions administratives assez artificielles, l'actuelle province du
Bouganda constitue une unité relativement homogène sur le plan ethnique
et culturel et qu'elle continue d'être administrée par un Etat indigène
placé sous l'autorité suprême d'un roi (le Kabaka du Bouganda).
Malgré les nombreuses relations — surtout économiques — qu'ils
entretiennent avec les autres groupes ethniques de l'Ouganda, les Baganda
ont une conscience aiguë de leur individualité et ont toujours refusé une
forme d'union politique trop étroite avec le reste du Protectorat. Ils pré
féreraient s'en détacher complètement, plutôt que d'être absorbés par
un Etat centralisé.
Pour de multiples raisons, mais d'abord à cause de sa prospérité
économique, cette province constitue comme le centre vital du Protectorat.
Si elle devait faire sécession, on voit mal comment le reste du pays
pourrait se constituer en nation, d'autant que son exemple pourrait être
suivi par d'autres groupes ethniques (ou d'autres régions) également très
soucieux de maintenir leur individualité.
(*) Cet article a été rédigé avant l'accession à l'indépendance de l'Ou-
yanda, survenue en octobre iyb'2.
1. D'après les recensements de 1959, l'Ouganda a une population totale
de 6 522 000 habitants (dont seulement 87 000 non-Africains). La province du
Bouganda compte 1 834 000 Africains dont plus d'un million de Baganda.
88 Royaume du Bouganda Le
Après toute une série de crises assez graves que nous analyserons
dans la dernière partie de cet article, une solution semble avoir été
trouvée pour empêcher l'éclatement du territoire. Au terme de la Confé
rence constitutionnelle qui s'est tenue à Londres en septembre-octobre
1961, les représentants du gouvernement britannique et les quelque
quatre-vingts délégués du Protectorat sont enfin parvenus à un accord :
l'Ouganda sera une fédération et le Bouganda gardera ses propres struc
tures politiques. Mais il reste à traduire ces décisions dans la réalité et
de nombreux indices révèlent que les problèmes ne sont pas vraiment
résolus.
On a quelquefois comparé le Bouganda à un second Katanga et l'on
peut en effet discerner certaines analogies. La position économique privi
légiée du Bouganda par rapport aux autres provinces explique en partie
la répugnance de ses habitants à s'intégrer dans un Etat centralisé. Les
importants revenus que lui permet la vente de son coton et de son café
assurent déjà au Bouganda un niveau de vie plus élevé qu'ailleurs et l'on
conçoit aisément que ce dernier craigne de voir une partie de ses richesses
lui échapper au profit de contrées plus démunies. Mais là s'arrête la com
paraison avec le Katanga dont la situation est par ailleurs aussi différente
que possible.
Les revendications séparatistes des Baganda ne sont pas non plus ass
imilables à une simple manifestation de tribalisme — ou de régionalisme —
dont l'Afrique noire nous donne tant d'exemples. Ou si l'on tient absolu
ment à parler de tribalisme, il faut alors donner à ce terme une signifi
cation très particulière. Ce qui caractérise en effet les Baganda, c'est
qu'ils continuent à dépendre d'un système de gouvernement monarchique
et d'un système de chefferies auxquels — bien que pour des raisons
diverses — ils restent, pour la plupart, profondément attachés. Quels que
soient les conflits — et ils sont nombreux — qui ont pu ou qui peuvent
encore les opposer les uns aux autres, quelles que soient leurs différences
de statut social et politique, quel que soit leur niveau d'éducation, les
Baganda restent unis dans leur refus de voir remis en question le rôle et
la fonction de Mutesa II, l'actuel Kabaka du Bouganda-. Malgré les
transformations profondes de la société Kiganda durant la période colo
niale, et malgré les pressions exercées de l'extérieur par les divers partis
nationalistes de l'Est africain, les Baganda ont conservé une idéologie
politique de type « traditionnel ». Comment interpréter ce phénomène qui
n'a jamais manqué de surprendre les observateurs de la vie politique du
Bouganda ? Pour tenter de répondre à cette question, il nous faut au
préalable examiner l'organisation politique traditionnelle.
2. La lignée dont est issu Mutesa II compte 35 (ou 37) souverains suc
cessifs.
89 Michel Cartry
I. L'ORGANISATION POLITIQUE TRADITIONNELLE
La région des grands lacs de l'Afrique orientale a connu une riche
diversité de systèmes politiques, de type étatique. Certains cie ces Etats
ayant pu se maintenir durant la période coloniale, les anthropologues ont
pu les observer directement, bien que sous une forme altérée; ils sont
ainsi parvenus à reconstituer — au moins en partie — leur structure et
leur fonctionnement 3.
L'origine de ces Etats est mal connue. L'on sait cependant qu'entre
le XIe et le xive siècle des « royaumes » plus ou moins importants — ou
des confédérations de chefferies — se sont progressivement constitués
dans la région comprise entre le lac Victoria, le lac Kyoga, le lac Albert
et le lac Edward. Pour retracer le processus de leur formation, les anthro
pologues, aidés par les linguistes, ont proposé l'hypothèse suivante. Venant
du Nord — ou du Nord-Est — par vagues successives, des peuples
pasteurs, d'origine hamitique et nilotioue, se seraient installés avec leurs
troupeaux dans cette région propice à l'élevage et auraient peu à peu
conquis et soumis les populations « autochtones », composées d'agricul
teurs bantous. Pour assurer le maintien de leur domination, ils auraient
été conduits à créer des embryons d'Etats et un système d'administration
centralisée.
Un des traits caractéristiques de la plupart de ces sociétés « inter
lacustres » est l'existence de pseudo-castes. La population tend à se diviser
en deux groupes, quelquefois trois : le groupe des descendants réels ou
supposés des peuples pasteurs immigrants, détenteur de l'autorité poli
tique, et le groupe des agriculteurs bantous. Chacun des groupes conserve
certains traits culturels originaux, voire une activité économique spéci
fique. Selon les Etats considérés, les frontières séparant les classes ou les
castes, sont plus ou moins rigides : encore assez nettement marquées dans
les royaumes du Ruanda et de l'Ankole, elles ne sont plus guère percept
ibles dans les royaumes du Bunyoro et du Toro.
Au Bouganda, un tel système ne laissait plus guère de traces au XIXe
siècle. Bien au contraire, du jeu des influences réciproques entre les diverses
ethnies, et grâce au pouvoir centralisateur de l'Etat, émergea peu à peu
une population, relativement homogène et largement unifiée sur le plan
culturel. Les conquérants étrangers fusionnèrent plus ou moins complè
tement avec le reste de la population, délaissant l'élevage, au comme
activité économique principale.
5. li serait à ailleurs souhaitable que se poursuivent les recherches com
paratives,

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents