Un danseur javanais en France : Raden Mas Jodjana (1893-1972) - article ; n°1 ; vol.54, pg 225-242
19 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un danseur javanais en France : Raden Mas Jodjana (1893-1972) - article ; n°1 ; vol.54, pg 225-242

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
19 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Archipel - Année 1997 - Volume 54 - Numéro 1 - Pages 225-242
Marcel Bonneff
Between the two world wars, the professional career of the Javanese danser, Raden Mas Jodjana, was known in all of Europe. Relying mainly on his family archives, this article follows his trail («From Yogyakarta to La Réole»); analyses the reasons for his success («The Triumph of Shiva»); his contacts with his own culture («Sangkan-paran») ; and his birthplace («The Meaning of Being an Exile»). The final section of this article («A French Destiny») focuses on the time he spent in France — with his wife, children and his disciple Roemahlaiselan. In southern France, he established an «International Cultural Centre» in 1934. It attracted numerous artists who wanted to learn his methods of corporal expression. His artistic destiny and that of his wife, Raden Ayou Jodjana, opened the way to a greater degree of cultural understanding [between the East and the West], which corresponded to the «orientalist» context that reigned during this epoch.
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1997
Nombre de lectures 36
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Marcel Bonneff
Pierre Labrousse
Un danseur javanais en France : Raden Mas Jodjana (1893-
1972)
In: Archipel. Volume 54, 1997. pp. 225-242.
Abstract
Marcel Bonneff
Between the two world wars, the professional career of the Javanese danser, Raden Mas Jodjana, was known in all of Europe.
Relying mainly on his family archives, this article follows his trail («From Yogyakarta to La Réole»); analyses the reasons for his
success («The Triumph of Shiva»); his contacts with his own culture («Sangkan-paran») ; and his birthplace («The Meaning of
Being an Exile»). The final section of this article («A French Destiny») focuses on the time he spent in France — with his wife,
children and his disciple Roemahlaiselan. In southern France, he established an «International Cultural Centre» in 1934. It
attracted numerous artists who wanted to learn his methods of corporal expression. His artistic destiny and that of his wife,
Raden Ayou Jodjana, opened the way to a greater degree of cultural understanding [between the East and the West], which
corresponded to the «orientalist» context that reigned during this epoch.
Citer ce document / Cite this document :
Bonneff Marcel, Labrousse Pierre. Un danseur javanais en France : Raden Mas Jodjana (1893-1972). In: Archipel. Volume 54,
1997. pp. 225-242.
doi : 10.3406/arch.1997.3425
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arch_0044-8613_1997_num_54_1_3425BONNEFF & Pierre LABROUSSE Marcel
Un danseur javanais en France :
Raden Mas Jodjana (1893-1972)
Une maison emplie de souvenirs. Des épreuves de studio aux poses hiéra
tiques et comme nimbées par l'énergie mystique du danseur, et, quelque peu
fanés, des programmes de galas dans les grandes capitales européennes; les
dithyrambes de maints critiques connus de l'entre-deux-guerres, lesquels
appartenaient de surcroît à la pléiade des personnalités amies, mais, plus que
tout, aussi fragmentaire et énigmatique soit-il, le souvenir d'une carrière vouée
à l'idée que les racines javanaises de son art pouvaient naturellement s'épa
nouir dans le terreau du vieux continent : à la croisée des cultures, pendant
plus d'un demi-siècle, R.M. Jodjana nous paraît incarner le désir de l'art et de
la sensibilité partagés.
Nous allons retracer la trame de sa vie, où la France occupe une place parti
culière («De Yogyakarta à La Réole»). Puis nous reviendrons plus en détail
sur sa carrière de danseur et de plasticien, pour en souligner à la fois la réussi
te et l'originalité («Le triomphe de Shiva»). Cette originalité appellera des
commentaires sur ses origines et son imprégnation par la culture javanaise,
dans leur rapport avec l'Occident («Sangkan-paran ») . Au passage, nous nous
demanderons ce qu'il en fut de son destin d'Indonésien : des années de jeunes
se en Hollande parmi ses pairs, étudiants de l'Archipel, aux de vieillesoù perce la nostalgie d'un pays devenu bien lointain, en tout état de cause,
Java et l'Indonésie n'ont jamais cessé de prodiguer du sens à son exil («Le
sens d'un exil»). Nous évoquerons enfin son ancrage en France, l'accomplis
sement avec le «Centre Jodjana» du désir de transmettre son art, mais aussi
les aléas de la guerre qui le vouèrent avec sa famille à « Un destin
français »(!).
1. Nous sommes infiniment reconnaissants à Madame Parvati Chavoix-Jodjana, sans qui cet
article n'aurait pas pu être écrit. Mme Chavoix-Jodjana est la fille de Raden Mas et Raden Ayou
Jodjana, épouse du docteur Pierre Chavoix (décédé en 1996), elle-même pédiatre et diabétologue
retraitée à La Réole, ville de résidence de la famille. Parvati Jodjana a très chaleureusement
ouvert à Pierre Labrousse sa maison, riche en souvenirs du danseur javanais et de sa femme, et
Archipel 54, Paris, 1997, pp. 225-242 226 Marcel Bonneff & Pierre Labrousse
De Yogyakarta à La Réole
Raden Mas Jodjana naquit à Yogyakarta le 6 février 1893. Par son père, il
était d'une famille aristocratique descendant des régents de Madiun ; par sa
mère, elle-même fille de R.P. Purbowinoto, il descendait de Sultan Sepuh,
c'est-à-dire Hamengku Buwono II, le deuxième souverain de la principauté de
Yogyakarta (2). Son père, R.T. Surodiningrat exerçait des fonctions importantes
(Regent Patih) dans l'administration de la principauté, en rapports étroits avec
le Palais (kraton) où l'un de ses frères aînés avait rang de patih. Dixième
enfant d'une fratrie nombreuse (dont une demi-sœur qui deviendra l'épouse du
prince Hadigenoro de Yogyakarta), Jodjana fut élevé dans un contexte traditio
naliste mais fréquenta également l'école élémentaire destinée en priorité aux
enfants européens (Europeesche lagere school), puis l'école de formation des
fonctionnaires indigènes (OS VIA, Opleidingsschool voor Inlandsche ambtena-
ren) à Magelang, d'où il sortit diplômé en 1910. Il fut affecté dans l'administ
ration coloniale, dans le département des Affaires intérieures (sous l'autorité
d'un frère aîné, R.T. Notopradjarto ?) et, à Batavia, il commença semble-t-il à
suivre les cours de l'« École de formation des spécialistes indigènes du Droit»
(Opleidingsschool voor Inlandsche rechtskundigen)^3).
Au début de l'année 1914, l'occasion lui fut donnée de se rendre aux Pays-
Bas avec une bourse d'études, dans la suite du tout nouveau prince héritier de
Yogyakarta, P.A.A. Hamengku Negara (R.M. Sujadi), qui régnerait quelques
années plus tard sous le nom de Hamengku Buwono VIII (1921-1939) et que
Jodjana assista fidèlement pendant tout son séjour en Hollande (jusqu'en
1921). Il s'inscrivit à l'École supérieure de commerce de Rotterdam
(Rotterdamsche Handelshoogeschool, comme Moh. Hatta à partir de 1922)
mais il abandonna bientôt ses études, en 1916 W.
Cette année 1916 marque un tournant dans sa vie : les 15 et 17 mars, lors
de deux « soirées indiennes » en faveur des victimes d'une grave inondation
aux Indes néerlandaises, R.M. Jodjana fait apprécier son art dans la danse de
Kelana, morceau de bravoure de tout danseur javanais s'identifiant à cet arché
type du chevalier errant de l'âge classique, en quête de sa belle. Les deux
représentations dont il s'agit sont organisées au grand théâtre de La Haye,
conjointement par l'Association « Oost en West», l'Association des
« Indologues » (Indologen Vereeniging ; étudiants néerlandais se destinant au
service dans la colonie) et surtout la Indische Vereeniging (5). Cette dernière
association (fondée en 1908) réunissait la plupart des étudiants d'origine indo
communiqué sans la moindre hésitation les documents en sa possession ainsi que ses notes personn
elles, pour partie fondées sur les souvenirs de son père, consignés en néerlandais dans un cahier
manuscrit. Ces documents et notes ont fourni l'essentiel de notre information, complétée par-
diverses sources imprimées qui seront signalées en notes de bas de page.
2. Hamengku Buwono II régna à trois reprises : 1792-1810, 1811-12, 1826-28.
3. Cette précision est donnée par K.H. Dewantara, «Hoe Europa de Javaansche dans waardeert :
Koninklijke belangstelling», Keluarga Putera, 1937, th. I, n° 3 ; reproduit dans : Ki Hadjar
Dewantara, Karja, Bagian II A : «Kebudajaan», Jogja, Madjelis-Luhur Taman Siswa, 1967, pp.
325-327 (traduction en indonésien pp. 327-329).
4. Ceci est confirmé par Ki Hadjar Dewantara, op. cit.
5. Voir H.A. Poeze (éd.), In het land van de overheerser. I. Indonesiërs in Nederland, 1600-1950,
Archipel 54, Paris, 1997 Un danseur javanais en France 227
nésienne, guère plus de deux ou trois dizaines, à des fins d'entraide et de
loisir; les principaux animateurs en étaient de jeunes aristocrates, qui ne son
geaient pas encore à contester le système colonial, comme ce sera le cas
quelques années plus tard lorsque l'association prendrait le nom
d'« Association Indonésienne» (Indonesische Vereeniging, 1922, puis
Perhimpunan Indonesia, en 1925)^. Pour l'heure, les ambitions artistiques du
groupe étaient incarnées par de jeunes nobles javanais, tel que le poète R.M.
Noto Soeroto^7) - avec lequel Jodjana paraissait très lié - ou encore
Soorjopoetro et Soerjowinoto, spécialistes de musique javanaise. Un autre des
parti

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents