Un discours chez Nonnos ou la transposition du roman grec - article ; n°1 ; vol.36, pg 41-50
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Collection de la Maison de l'Orient méditerranéen ancien. Série littéraire et philosophique - Année 2006 - Volume 36 - Numéro 1 - Pages 41-50
Au chant IV des Dionysiaques de Nonnos de Panopolis, Aphrodite se présente à sa fille Harmonie sous les traits de la jeune Peisinoé afin de la convaincre de suivre Cadmos. Dans l’argumentation du discours et l’ἐγκώμιον du héros (v. 77-176), Nonnos transpose des discours et des topoi du roman grec mêlés à des échos internes de son propre poème, et se livre à un exercice littéraire et rhétorique non dépourvu d’humour qui aboutit à un pastiche: au comportement masculin de Peisinoé répond la féminisation de Cadmos par l’inversion des canons traditionnels de la beauté.
In book IV of the Dionysiacs of Nonnos of Panopolis, Aphrodite presents herself to her daughter Harmony in the form of Peisinoe in order to convince her to follow Cadmos. In the argumentation of the speech and the ἐγκώμιον of the hero (v. 77-176), Nonnos transposes speeches and topoi of the Greek romance mixed with internal echoes of his own poem, and engages in a literary and rhetorical exercise that is not without humour and ends in a pastiche: the feminisation of Cadmos is a response to the masculine behaviour of Peisonoe, in an inversion of the traditional canons of beauty.
10 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2006
Nombre de lectures 22
Langue Français

Extrait

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UN DISCOURS CHEZ NONNOS OU LA
TRANSPOSITION DU ROMAN GREC
1Hélène FRANGOULIS
RÉSUMÉ
Au chant IV des Dionysiaques de Nonnos de Panopolis, Aphrodite se
présente à sa fille Harmonie sous les traits de la jeune Peisinoé afin de la
convaincre de suivre Cadmos. Dans l’argumentation du discours et l’egkwmion
du héros (v. 77-176), Nonnos transpose des discours et des topoi du roman grec
mêlés à des échos internes de son propre poème, et se livre à un exercice
littéraire et rhétorique non dépourvu d’humour qui aboutit à un pastiche : au
comportement masculin de Peisinoé répond la féminisation de Cadmos par
l’inversion des canons traditionnels de la beauté.
ABSTRACT
In book IV of the Dionysiacs of Nonnos of Panopolis, Aphrodite presents
herself to her daughter Harmony in the form of Peisinoe in order to convince
her to follow Cadmos. In the argumentation of the speech and the egkwmion of
the hero (v. 77-176), Nonnos transposes speeches and topoi of the Greek
romance mixed with internal echoes of his own poem, and engages in a literary
and rhetorical exercise that is not without humour and ends in a pastiche: the
feminisation of Cadmos is a response to the masculine behaviour of Peisonoe, in
an inversion of the traditional canons of beauty.
Le discours qui sera l’objet de notre étude se situe au chant 4 des
Dionysiaques, long poème épique de quarante-huit chants composé par Nonnos de
ePanopolis au V s. ap. J.-C. et retraçant la légende de Dionysos, de ses ancêtres à son

1. Université de Toulouse-le-Mirail. j
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42 H. FRANGOULIS
2apothéose . Rappelons d’abord en quelques mots les circonstances dans lesquelles il
fut prononcé : Cadmos vient d’arriver dans l’île de Samothrace dont le roi est
Émathion, qui gouverne au nom de sa mère Électre, la fille d’Atlas. Au palais vit
également Harmonie, née des amours d’Arès et d’Aphrodite et fille nourricière
3d’Électre . À la fin du chant précédent, Zeus a envoyé son messager Hermès auprès
4d’Électre pour lui ordonner de faire partir Harmonie avec Cadmos ; et le chant 4
débute par le refus d’Harmonie qui ne veut pas, dit-elle, abandonner sa patrie pour
5épouser un vagabond . C’est finalement Aphrodite qui parviendra à la convaincre
dans un discours qui occupe les vers 77 à 176 ; mais elle n’intervient pas sous les
traits de la déesse de l’Amour prête à favoriser le bon déroulement d’un mariage ou
6comme une mère s’adressant à sa fille : elle se présente sous les traits d’une jeune
voisine qui, en feignant d’être elle-même amoureuse de Cadmos, va parvenir à ses
fins en « soumettant par son propre désir à l’aiguillon du désir la docile jeune
7fille » . Il est difficile de distinguer l’organisation interne du discours : son désordre
8veut refléter l’agitation que prétend ressentir le personnage incarné par Aphrodite .
Mais au fil des propos de la déesse, apparaissent un certain nombre d’éléments qui
attestent de l’influence incontestable du roman grec sur Nonnos. Alors que dans la
suite de l’épisode, lorsqu’il raconte le départ d’Harmonie et de Cadmos, le poète
9s’inspire du départ de Médée chez Apollonios de Rhodes , le discours d’Aphrodite
trouve son sens dans la transposition de discours et de topoi du roman grec, aussi
bien dans la diversité des arguments utilisés pour convaincre Harmonie que dans le
plus important d’entre eux, l’egkwmion de Cadmos.
La ruse au service de la persuasion : tels sont les moyens et la finalité du
discours d’Aphrodite, ruse dans l’amour mensonger que prétend éprouver la jeune
fille dont la déesse emprunte l’apparence (dans les dix vers qui précèdent les propos

2. Sur la chronologie de Nonnos, cf. F. Vian, Introduction des Dionysiaques, CUF, t. 1, Paris, 1976,
p. IX-XVIII ; F. Vian, « Théogamies et sotériologie dans les Dionysiaques de Nonnos », Journal
des savants, 1994, p. 197-233.
3. Tous ces événements sont racontés en Dionysiaques, 3, 1-408.
4. Dionysiaques, 3, 373-375 ; 409-444.
5. Dionysiaques, 4, 1-63.
6. Comme le remarque P. Chuvin, « il est surprenant qu’Aphrodite n’intervienne pas comme mère
d’Harmonie » ; selon lui, l’explication est double : dans un état antérieur de la légende, Harmonie
était la fille véritable d’Électre et l’introduction du personnage d’Aphrodite n’est pas due à Nonnos
mais à un modèle (cf. P. Chuvin, Dionysiaques, CUF, t. 2, Paris, 1976, p. 42).
7. Dionysiaques, 4, 178 (ei~ poqon oistrhsasa poqw peiqhmona kourhn) ; la traduction du chant 4
est celle de P. Chuvin dans la CUF.
8. À ce sujet, voir P. Chuvin, op. cit., p. 42-43 : la seule véritable symétrie provient des réponses aux
objections présentées par Harmonie en 4, 36-63.
9. Dionysiaques, 4, 207-248 : à rapprocher d’Ap. Rh., 4, 26-65. `
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UN DISCOURS CHEZ NONNOS OU LA TRANSPOSITION DU ROMAN GREC 43
10d’Aphrodite, le poète accumule d’ailleurs les expressions allant dans ce sens) ,
11persuasion évidente dans le nom évocateur qu’elle porte, Peisinoé et dans
l’argumentation qui rappelle certains discours prononcés par des personnages
principaux ou secondaires du roman grec.
Le premier argument s’inspire des œuvres de Chariton et d’Achille Tatius : il
s’agit de persuader une femme qui refuse l’amour d’un homme de la chance unique
qui est la sienne. C’est le sens des premières paroles d’Aphrodite-Peisinoé
(v. 77-79) : « Quelle bonne fortune (olbih) ! Posséder chez toi un si beau
vagabond ! Posséder un tel prétendant, quel comble de bonheur (makartath) ! Voir
un époux si charmant, qui n’a été accordé à aucune vierge ! » Chez Chariton,
12Plangon elle aussi déploie toute sa ruse pour convaincre Callirhoé de sa bonne
13fortune (eutucw~) lorsqu’elle fait l’éloge de son maître Dionysios . Mais
l’argument est surtout employé plus loin dans le roman par Artaxate, l’eunuque du
roi de Perse : avec insistance, il dit à Callirhoé qu’il lui apporte « un merveilleux
trésor de bonheur (megalwn... agaqwn... qhsauron) », « un bienfait
14 15(euergesia~) » , une « bonne nouvelle (euaggelion) » , et conclut : « Voici
précisément quel est ton bonheur (auto touto eutuchsa~) [...], bénis ta chance
(makarize seauthn, expression à rapprocher du makartath de Nonnos) », la
16chance bien sûr d’être aimée du roi de Perse . Plangon et Artaxate, voilà donc deux
modèles pour Peisinoé. Mais on peut aussi retenir celui de Sosthénès qui chez
Achille Tatius annonce comme une bonne nouvelle à Leucippé l’amour de son
17maître Thersandre et lui vante sa bonté, sa richesse, sa jeunesse et sa beauté : il est
18
kalo~ (beau) comme Cadmos l’est pour Peisinoé.
Le deuxième argument que je retiendrai est plutôt une prière : aux vers
122-123, Peisinoé déclare pouvoir satisfaire sa passion par « les ténèbres d’une seule
nuit, où ce vagabond étreindrait Peisinoé (mia nukto" omiclh, ⁄ th eni Peisinohn
prosptuxetai outo~ alhth") » ; le thème est repris à la fin du discours
(v. 172-173), quand elle demande à Harmonie de lui accorder « pour un seul jour (e"


10. Cf. kerdalew, dolofradmwn (v. 68) ; tupon... metallaxasa (v. 71) ; Kadmon a per poqeousa
(v. 73) ; dolihn... fwnhn (v. 76).
11. De plus, elle se revêt « de voiles qui inspirent l’amour, ceux de Persuasion (Peiqou~) » (v. 69).
12. Chariton rappelle constamment que Dionysios veut gagner « Callirhoé par la persuasion (peisein) »
(II, 6, 4, trad. G. Molinié, CUF) et que Plangon use de toute son habileté pour servir son maître
(cf. II, 6, 5 ; 8, 2 ; 10, 7).
13. Chariton, II, 2, 1.
14. Chariton, VI, 5, 1.
15. Chariton, VI, 5, 5.
16. Chariton, VI, 5, 7 ; cf. aussi VI, 7, 6 et 11.
17. Achille Tatius, VI, 11, 3-4.
18. Achille Tatius, VI, 12, 2. `
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