Un écologisme à la danoise - article ; n°1 ; vol.74, pg 201-216
17 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un écologisme à la danoise - article ; n°1 ; vol.74, pg 201-216

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
17 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Communications - Année 2003 - Volume 74 - Numéro 1 - Pages 201-216
Le Danemark fait aujourd'hui figure de pionnier dans le domaine de la sécurité alimentaire et sanitaire. Mis à mal par les nouveaux modèles condamnant l'agriculture productiviste, il semble avoir trouvé dans la « bio » et le savoir-faire environnemental matière à guérir ses maux, à gérer les tensions. On interroge ici cette vague « verte » et cette revendication de pureté en les analysant à partir du système de la viande et des changements de rapports à l'animal et à la nature.
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Anne Elene Delavigne
Un écologisme à la danoise
In: Communications, 74, 2003. pp. 201-216.
Résumé
Le Danemark fait aujourd'hui figure de pionnier dans le domaine de la sécurité alimentaire et sanitaire. Mis à mal par les
nouveaux modèles condamnant l'agriculture productiviste, il semble avoir trouvé dans la « bio » et le savoir-faire
environnemental matière à guérir ses maux, à gérer les tensions. On interroge ici cette vague « verte » et cette revendication de
pureté en les analysant à partir du système de la viande et des changements de rapports à l'animal et à la nature.
Citer ce document / Cite this document :
Delavigne Anne Elene. Un écologisme à la danoise. In: Communications, 74, 2003. pp. 201-216.
doi : 10.3406/comm.2003.2136
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_2003_num_74_1_2136Anne-Élène Delavigne
La viande verte :
un écologisme à la danoise
Le Danemark s'est longtemps illustré par un des modes de production
agricole les plus intensifs d'Europe. Dans la décennie 1990, la mise en
cause du productivisme a profondément ébranlé une représentation
jusqu'alors consensuelle de la nature civilisée, qu'on pouvait même consi
dérer comme un support de l'idéologie nationale. La société danoise
vouait une grande reconnaissance à son secteur agricole, pour avoir réussi
jusqu'au bout l'exploitation de l'environnement, et assuré le « bien-être »
de la population.
Le pays a basculé dans l'écologie dans la mouvance des idées popular
isées par le sommet de Rio en 1992. Le Global Deal, stratégie danoise
de. politique environnementale « durable » *r n'a pu- manquer d'inspirer
le sommet de Johannesburg de l'été 2002, présidé par les Danois. On
s'interrogera sur les valeurs de cet écologisme à la danoise en analysant
cette vague « verte » et cette revendication de pureté à partir du système
de la viande et des changements de rapports à l'animal et à la nature.
Pureté chimique et bactériologique.
Dans la seconde moitié des années 90, la viande biologique des rayons
des supermarchés de Copenhague2 affiche sa « pureté », comme les autres
produits « bio3 ». Ce n'est pas nouveau. Depuis la fin du XIXe siècle*, tout
l'effort d'un secteur agricole résolument orienté vers l'exportation a porté
sur la recherche d'aliments standardisés et garantis sans danger pour la
santé, notamment le bacon et le beurre. « Clean, safe and fresh » : en 1995,
le ministre de l'Agriculture H. Dam Kristensen utilisait les mêmes critères
pour caractériser la production biologique °.
Depuis, les produits biologiques animaux ont connu un succès rapide
et unanime, car les Danois sont toujours très préoccupés par la sécurité
201 Anne-Élène Delavigne
alimentaire. C'est pourquoi les pouvoirs publics se sont intéressés de près,
ces dernières années, à l'ensemble des conditions de production. Le minis
tère de la Santé publique a réformé le système de contrôle des aliments
en 1996 pour une meilleure maîtrise des paramètres en amont de la
chaîne :
II est clair que les problèmes principaux proviennent du secteur pri
maire. C'est de là que nous viennent les bactéries salmonelles, œstro
gènes, pesticides. Si on veut les éradiquer, il faut les combattre à la
Un aliment est généralement qualifié d'« authentique » sous une forme
négative : il ne nuit pas à la santé - on le garantira par exemple sans
salmonelles, sans adjonction d'additifs, ni résidus de pesticides, pauvre
en matières grasses, etc. Dans un bulletin d'information officiel destiné
aux Français, l'agriculture biologique a été présentée comme une « expé
rience de production non empoisonnée7 ». Elle met sur le marché des
denrées saines, naturelles, pures (ren) 8, dont la consommation, selon les
publicités, « participe au maintien d'une nature pure ».
Pour ceux qui veillent à leur santé, les produits bio paraissent indis
pensables9. Les Bouchers Verts, groupement d'artisans de la banlieue de
Copenhague, ont mis au point une filière courte avec des animaux nourris
« naturellement », c'est-à-dire sans recours aux farines animales ou aux
traitements antibiotiques ; ils garantissent « une viande saine ! » et leurs
cochons « regorgent de santé » 10. Un épicier de Copenhague range ce qui
est bio dans sa boutique sous l'appellation « produits de qualité ». Depuis
1987, date de la décision législative pour la promotion de cette agricul
ture, l'État apporte un soutien financier à la filière biologique, avec pour
objectif une meilleure alimentation et, à long terme, un moindre coût
pour la santé publique11. Les institutions travaillant avec les enfants
(restauration scolaire et extrascolaire, crèches, etc.) ont ainsi été encou
ragées dès 1994 à se convertir à une alimentation « bio ». Même dans
des familles peu argentées, les parents, tout en continuant à s'alimenter
eux-mêmes de manière conventionnelle, se sont mis à l'utiliser pour leurs
enfants.
Au milieu des années 90, différents partis politiques ont pris position
en faveur de l'agrobiologie, en même temps que s'engageait, sous l'impul
sion conjointe du ministère de l'Agriculture et de la Pêche et du ministère
de la Culture, une réflexion à l'échelle de la société tout entière sur la
nature de l'alimentation danoise.* Elle a abouti à un projet de « Maison
des repas », un programme d'amélioration de l'alimentation quotidienne
des Danois, prenant la forme d'un lieu d'exposition et de recherche 12.
202 La viande verte : un écologisme à la danoise
Pureté morale : les conditions d'élevage
de l'animal de rente.
Pour Maj, interviewée par le journal de l'Association des cardiaques,
De l'appétit pour la vie :
il est important que les aliments qu'elle sert à sa famille soient purs.
Cela veut dire avant toute chose, bio ; et quant à la viande, qu'elle ait
été produite dans des conditions convenables, [...] pour le consommat
eur cela coûte plus d'argent. Et cela coûtera peut-être le prix du voyage
annuel au Ténériffe, mais ainsi est la vie. Faite de choix qui coûtent 13.
La viande inoffensive et « pure » de l'agriculture biologique sort des
« élevages du bien-être », ceux qui offrent de meilleures conditions d'éle
vage pour obtenir un meilleur produit. Les chartes danoises d'élevage bio
ont immédiatement intégré la prise en compte du « respect » de l'animal
de rente, mettant l'accent sur la satisfaction des besoins physiologiques
et comportementaux, les conditions de logement et les soins aux animaux.
Le sommet de Rio a par ailleurs vulgarisé les notions de chaîne biologique
et d'écosystème.-Des scandales médiatiques ont éclaté14, qui ont permis
de faire le lien entre traitements médicamenteux dans les élevages et
résistance aux antibiotiques dans les hôpitaux. L'idée que la viande puisse
prendre le goût de ce que mange l'animal 15 s'est popularisée ; c'est « leur
vie non stressée qui sert le goût de la viande », affirme la marque de
viande Frilands gris (« Porcs de plein air »). C'est même le bonheur ani
mal qu'évoquent d'autres appellations - en 1995, d'autres marques créent
les slogans du « cochon heureux », de « la viande du bien-être ». « La
plupart d'entre nous souhaitent manger un poulet qui a vécu heureux,
bref, un poulet que l'on peut déguster avec un bon goût dans la bouche »,
surenchérissent, les protecteurs des animaux. Les, marques de viande
s'assurent leur concours et la vignette de la SPA devient un gage supplé
mentaire de qualité pour cette viande « conforme 16 » . Les consommateurs
craignent un arrière-goût que laisserait la chair des bêtes de l'élevage
intensif. Les Bouchers Verts justifient ainsi les prix élevés qu'ils prati
quent : « Au consommateur de décider comment il veut que les animaux
soient élevés. » Comme l'écrit Pierre Cen

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents