Visions étrusques de l autochtonie - article ; n°1 ; vol.12, pg 295-313
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Description

Dialogues d'histoire ancienne - Année 1986 - Volume 12 - Numéro 1 - Pages 295-313
La question des origines étrusques a toujours été l'objet d'un vaste débat - et déjà dans l'antiquité comme le montre Denys d'Halicarnasse. Mais le débat n'a pas alors été d'ordre purement scientifique. Défendre une opinion sur les origines étrusques signifie adopter une position par rapport aux Etrusques eux-mêmes. Ainsi les auteurs grecs qui défendent la thèse de l'origine pélasgique ou lydienne (qui rattache les Etrusques à l'univers des Grecs) signifie leur être favorable ; défendre celle de l'autochtonie (qui fait d'eux de purs Italiens, des barbares) leur être hostile. Le débat ne concernait pas seulement les étrangers : il a eu une importance idéologique pour les Etrusques aussi. Ainsi il semble que l'autochtonie a joué un rôle dans le contexte des troubles socio-économiques de la période hellénistique : Cette thèse a fourni un moyen à la classe dirigeante de justifier sa position dominante par rapport à la classe inférieure : celle-ci était présentée comme composée d'immigrants tardifs, d'étrangers qui n'avaient aucun droit sur une terre qui appartenait à celle-ci, qui la possédait depuis le temps des origines.
Problem of Etruscan origins has always been matter of great debate among scientists - already in classical times, as shown by Dionysus of Halicarnassus. But the debate was not then a purely scientific one. Uphold an opinion about Etruscan origins means adopt a position about the Etruscan themselves. Thus for Greek writers defend the theory of a Pelasgian or Lydian origin (i.e. connecting Etruscan with Greek universe) means be favourable to them ; defend that of autochtony (i.e. making them purely Italian, barbarian) means be adverse. Debate was not only among foreigners : it had an ideological importance for the Etruscan too. So autochtony seems to have been stressed upon by Etruscan during the social - economic disturbances of the hellenistic period. It was a mean for the leading class to justify their privileges against the lower one : the later was presented as later immigrants, foreigners who had no rights to hold the country, which belonged to the former, who had been granted with it from the origins.
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 45
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Dominique Briquel
Visions étrusques de l'autochtonie
In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 12, 1986. pp. 295-313.
Citer ce document / Cite this document :
Briquel Dominique. Visions étrusques de l'autochtonie. In: Dialogues d'histoire ancienne. Vol. 12, 1986. pp. 295-313.
doi : 10.3406/dha.1986.1724
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/dha_0755-7256_1986_num_12_1_1724Résumé
La question des origines étrusques a toujours été l'objet d'un vaste débat - et déjà dans l'antiquité
comme le montre Denys d'Halicarnasse. Mais le débat n'a pas alors été d'ordre purement scientifique.
Défendre une opinion sur les origines étrusques signifie adopter une position par rapport aux Etrusques
eux-mêmes. Ainsi les auteurs grecs qui défendent la thèse de l'origine pélasgique ou lydienne (qui
rattache les Etrusques à l'univers des Grecs) signifie leur être favorable ; défendre celle de l'autochtonie
(qui fait d'eux de purs Italiens, des barbares) leur être hostile. Le débat ne concernait pas seulement les
étrangers : il a eu une importance idéologique pour les Etrusques aussi. Ainsi il semble que
l'autochtonie a joué un rôle dans le contexte des troubles socio-économiques de la période hellénistique
: Cette thèse a fourni un moyen à la classe dirigeante de justifier sa position dominante par rapport à la
classe inférieure : celle-ci était présentée comme composée d'immigrants tardifs, d'étrangers qui
n'avaient aucun droit sur une terre qui appartenait à celle-ci, qui la possédait depuis le temps des
origines.
Abstract
Problem of Etruscan origins has always been matter of great debate among scientists - already in
classical times, as shown by Dionysus of Halicarnassus. But the was not then a purely scientific
one. Uphold an opinion about Etruscan origins means adopt a position about the Etruscan themselves.
Thus for Greek writers defend the theory of a Pelasgian or Lydian origin (i.e. connecting Etruscan with
Greek universe) means be favourable to them ; defend that of autochtony (i.e. making them purely
Italian, barbarian) means be adverse. Debate was not only among foreigners : it had an ideological
importance for the Etruscan too. So autochtony seems to have been stressed upon by Etruscan during
the social - economic disturbances of the hellenistic period. It was a mean for the leading class to justify
their privileges against the lower one : the later was presented as later immigrants, foreigners who had
no rights to hold the country, which belonged to the former, who had been granted with it from the
origins.12 1986 295-313 DHA
VKIONS ÉTRUSQUES DE L'AUTOCHTONIE
Dominique BRIQUEL
La question des origines étrusques a été pendant longtemps un lieu d'a
ffrontement entre étruscologues : aux partisans de l'origine orientale et à ceux
de l'autochtonie, thèses déjà exprimées dans l'Antiquité, se sont adjoints, à
époque moderne, ceux d'une origine septentrionale (1). Et ce n'est que rel
ativement récemment qu'on s'est avisé, grâce en particulier aux travaux de
M. Pallottino, que le problème était mal posé, et qu'au lieu de vouloir définir
les Etrusques en termes de dérivation — comme si cela pouvait rendre compte de
ce qu'ils ont été réellement — il fallait chercher à comprendre la formation
de l'Etrurie historique à partir d'apports locaux et externes nombreux et divers.
Mais, si le temps des positions tranchées et exclusives semble heureusement révo
lu, on peut demander pourquoi le débat a connu une telle ampleur : on ne cons
tate rien de tel à propos de bien d'autres peuples pour lesquels le problème
aurait pu se poser.
Or, il est clair que les modernes n'ont fait que prolonger un débat qui
avait déjà existé dans l'Antiquité, opposant les tenants de l'autochtonie à
ceux de l'origine orientale. On le constate clairement chez Deny s d'Halicarnasse
qui expose les deux thèses et les discute pour trancher en faveur de l'autochto
nie (2). Ceux qui ont écrit après ce «premier étruscologue» se sont bornés à
poursuivre la controverse, dans les mêmes termes, en appliquant des catégories
dont l'insuffisance nous apparaît aujourd'hui.
Mais ces catégories étaient celles de la réflexion antique, grecque, sur les
origines des peuples. Comme Га montré E J. Bickermann, les Hellènes classaient
les populations en celles auxquelles ils attribuaient une origine hellénique, en
faisant intervenir des migrations de peuples ou de héros grecs, et en celles pure
ment indigènes, autochtones (3). Pour les Etrusques on constate que le débat D. BRIQUEL 296
a tourné autour de ces deux catégories : Denys distingue ceux qui font d'eux des
immigrés de ceux qui font d'eux des autochtones (4). La seule nuance est que,
pour ces Barbares non hellénophones, on a eu recours dans le premier cas non
à des Grecs véritables, mais à des sortes de para-Hellènes, distincts des Grecs,
mais en même temps assez proches pour établir une certaine liaison avec l'univers
hellénique : les Pélasges et les Lydiens (5).
En l'occurrence fl ne s'agissait nullement d'un débat théorique, et ses
implications étaient loin d'être purement scientifiques — quand bien même
Denys paraît aborder la question d'une manière parfaitement objective, en
ayant recours à des arguments (faits de langue, de civilisation) qui annoncent
tout à fait ce qu'on trouve dans des exposés modernes du problème (6). C'est
le mérite de D. Musti d'avoir montré que la conception de l'autochtonie des
Etrusques qui apparaît chez Denys, et qui implique le rejet de la thèse opposée,
les rapprochant du monde des Grecs (qu'ils soient alors des Pélasges ou des
Lydiens), est indissociable de la perspective d'ensemble de son œuvre (7) :
présenter Rome comme une polis helléms, et même faire d'elle la seule ville
véritablement grecque de l'Italie, lui réservant ainsi, dans une péninsule tout
entière barbare, le privilège d'une suggéneia hellénique (8).
Attribuer aux autres peuples une origine locale, autochtone, participe
clairement de ce dessein : cela revient à en souligner la nature barbare, et à faire
ressortir d'autant la place exceptionnelle de Rome (9). Et à propos des Etrusques
le problème se posait avec une acuité particulière. П s'agissait d'un peuple sans
conteste puissant et important — Denys le reconnaît volontiers (10) —, auquel
certains étaient portés à attribuer un rôle primordial par rapport à Rome — au
point que Rome ait pu passer pour une polis tyrrhènis, affirmation contre la
quelle Denys s'insurge (1 1). Or les thèses pélasgique et lydienne revenaient à
associer ces Etrusques au monde grec, et tout porte à croire que, sinon la pre
mière, bien passée de mode, du moins la seconde était couramment admise à
l'époque de Denys (12). Il était donc important que Denys défendît contre ces
théories la thèse de l'autochtonie (13).
On voit ainsi se manifester, à propos des Etrusques, une conception né
gative de l'autochtonie. Faire de ce peuple un peuple autochtone revient à
lui refuser tout rapport profond avec l'hellénisme. Ce qui est en jeu, c'est la
question de la relation entre Etrusques et Grecs. Il s'agit au fond d'un problème
externe, et la thèse de l'autochtonie n'est alors que l'envers de la thèse opposée,
celle qui fait, par le biais des Pélasges ou des Lydiens, des Etrusques des sortes
de quasi-Hellènes, Barbares sans doute, mais bien proches des Grecs et par là
émergeant des populations véritablement barbares. Or ce n'a pas été là un
simple débat intellectuel. La question du rattachement des Etrusques au monde
grec, par les Pélasges ou les Lydiens, a joué un rôle dans les rapports entre
l'Etrurie et la Grèce au temps de l'apogée de la puissance étrusque, entre le Vie
et le IVe s. Elle a été au centre de controverses entre les Etrusques, leurs alliés D'HISTOIRE ANCIENNE 297 DIALOGUES
et leurs adversaires au sein du monde grec (14). Et on peut émettre l'hypothèse
que ce soit dans ce contexte que soit née la thèse de l'autochtonie, telle qu'elle
apparaît chez Denys (15), soit mise au service d'une conception dépréciative,
et tributaire d'une mise en forme très hellénique (explication du nom des Tyr
rhenes par tursei

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