Acteurs islamistes et modernité dans l Égypte des vingt denières années - article ; n°141 ; vol.36, pg 145-161
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Acteurs islamistes et modernité dans l'Égypte des vingt denières années - article ; n°141 ; vol.36, pg 145-161

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Tiers-Monde - Année 1995 - Volume 36 - Numéro 141 - Pages 145-161
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Nicole Khouri
Acteurs islamistes et modernité dans l'Égypte des vingt denières
années
In: Tiers-Monde. 1995, tome 36 n°141. pp. 145-161.
Citer ce document / Cite this document :
Khouri Nicole. Acteurs islamistes et modernité dans l'Égypte des vingt denières années. In: Tiers-Monde. 1995, tome 36 n°141.
pp. 145-161.
doi : 10.3406/tiers.1995.4949
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1995_num_36_141_4949ACTEURS ISLAMISTES
ET MODERNITÉ DANS L'EGYPTE
DES VINGT DERNIÈRES ANNÉES
par Nicole Khouri
Cet article a pour objet d'organiser l'intelligibilité de la lecture des
conduites dites islamistes autour de deux pôles : l'islamisation et la
modernité. Ce qui se passe depuis vingt ans interdit de penser un terme
sans l'autre. L'expression violente des mouvements dits radicaux
(gamaa'at) depuis 1988 et de ceux qui, entre 1977 et 1984, avaient
occupé le devant de la scène politique égyptienne nous ferait facilement
prendre ce qui est spectaculaire pour ce qui est central : central par rap
port aux autres tendances de la mouvance islamiste ; aussi du
point de vue du champ de l'analyse, comme si leur visibilité devait être
le lieu quasi privilégié de l'exercice des conduites islamistes.
D'où la thèse déjà évoquée à propos du Jihâd en 1981 comme « l'a
lternative du gouvernement en Egypte »' ou celle qui se vit dans certains
milieux aujourd'hui « changer la société par le Jihâd ». Elle renvoie
d'une part à la justification de la violence comme réaction à la répres
sion de l'Etat et à son pouvoir autocratique et, d'autre part, à la radica-
lisation de tous les acteurs islamistes tirés vers et par la radicalité des
gama 'at.
Pour contrebalancer cette vision est évoquée toute la gamme des
positions de l'islamisme politique en faisant des moyens d'actions des
protagonistes le critère de leur différence ; différence entre ceux qui choi
sissent la rupture et ceux qui optent pour les moyens légaux et institu
tionnels. Cette position à la fois pédagogique et sans doute politique
rend justice aux différentes manifestations de la mouvance. Le reflux de
la tendance radicale de l'Islam politique entre 1984 et 1988 s'est accom-
1 . Titre de l'ouvrage de N. Guénéna : The Jihad, an islamic alternative to Egypt, Le Caire, AUC Press,
1986.
Revue Tiers Monde, t. XXXVI, n° 141, janvier-mars 1995 146 Nicole Khouri
pagné de toute une littérature sur l'islamisation par le bas et l'on a
accordé une grande importance aux game 'yât, genre associatif (services
sociaux intégrés) qui se multipliaient depuis les années 70. Parallèle
ment, une typologie beaucoup plus ambitieuse a tenté de mettre à plat
toute la mouvance islamiste, pays et continents confondus, nous parlant
d'un style d'islamisation par le haut et un autre réformiste, néo-fondam
entaliste, wahhabite, par le bas. Bien que cette polarité n'ait abouti à
aucune clarté, ce qui me semble encore plus grave c'est l'option (qu'on
ne discute même pas comme si c'était une évidence) que l'islamisation
renvoie aux conduites politiques (radicales ou pas) d'une part, et aux
conduites associatives (game 'yât) d'autre part.
Comment lier les études de terrain engrangées depuis vingt ans dans
les différentes facultés d'économie et de sociologie, au cnrsc1 et
d'autres centres de recherche, et qui attestent une différenciation socio-
économique très complexe depuis l'Infitah (l'ouverture économique ini
tiée en 1974) avec les études qui, jusqu'à maintenant, étaient beaucoup
plus fondées sur les discours, les typologies des moyens d'action et une
approche politicienne de la mouvance islamiste ? Radicalité ou modérat
ion renvoient à des phénomènes structurels plus profonds qui commenc
ent à s'exprimer autour de 1988 dans la formation d'une contre-élite
islamiste d'un côté et d'une masse dominée dont les déshérités peuvent
se retrouver dans des mouvements néo-communautaires radicaux, d'un
autre côté. A un autre niveau, il s'agit de mettre en relation ce qui se
donne déjà dans les termes d'une sociologie classique liée aux transfo
rmations socio-économiques dans le contexte d'une économie de marché
et la mouvance islamiste énoncée dans les termes d'une sociologie moins
classique liée à la naissance et à l'évolution des mouvements culturels.
Or, on ne comprendrait rien à ce qui se passe en Egypte si on ne
mettait pas l'islamisation en relation avec la modernisation saisie à la
fois comme mode de développement et comme modèle culturel :
—mode de développement, c'est-à-dire comme accumulation
des richesses, capacité de production et ouverture à une participa
tion sociale plus grande ; mode de développement qui se traduit en
termes de rapports sociaux internes de plus en plus différenciés, si ce
n'est conflictuels ;
— et comme modèle culturel, c'est-à-dire comme effort de création
d'une société égyptienne islamique et moderne. Ce modèle culturel
ne relève pas seulement d'une « cité cultuelle »2 (acquisition d'un
langage commun, d'une forme partagée de conscience du réel appe-
1 . Centre national de recherche scientifique et criminologique, Le Caire.
2. Au sens où Polignac en parle dans La naissance de la cité grecque, Paris, La Découverte, 1984. Acteurs islamistes et modernité en Egypte 147
lée à modeler des formes d'action) et ne se réduit pas non plus à un
modèle culturel religieux qui à première vue est celui d'un ordre qui
cherche à s'imposer (c'est-à-dire celui où « les activités religieuses
contribuent en tant que telles, et autrement que par défaut, à la
configuration de l'espace public, en circonscrivant les lignes de soli
darité ou d'exclusion sociales, les schemes d'identification politique,
le contenu de la rationalité étatique et économique, l'esthétique des
styles de vie »').
Comment en islamisant plus profondément la société, les élites isl
amistes entreprennent-elles aussi de la moderniser ? Quels sont les signes
repérables de cette modernisation ? Nous distinguerons trois périodes :
1970-1984, 1984-1988, et 1988-1993.
1970-1984
Avec la défaite de 1967, la liaison Etat-nation/société se rompt. De
son côté, le pouvoir se dissocie de son projet éthique et normatif et les
manifestations de masse balancent entre l'appel à l'Etat-providence
épuisé et l'appel au modèle libéral antérieur tant politique qu'écono
mique. Durant près de dix ans, les débats se donnent comme exclusifs
les uns des autres : projet libéral versus projet national étatique, démoc
ratie et laïcité versus référence religieuse.
Avec l'Etat de Sadate s'achève ce qu'une idéologie nationale popul
iste avait maintenu ensemble. Le pouvoir politique s'étant déjà disso
cié du thème éthique, l'Infitah entraîne en 1974 une autre dissociation,
celle du politique et de Y économique. Le pouvoir en appelle aux Frères
musulmans comme envers du pouvoir nassérien et aux gama'at isla-
miyya comme jeunesse étudiante capable de déstabiliser l'hégémonie
du courant nassérien et marxiste dans les universités. Mais, dès 1977,
il est clair pour toutes les forces d'opposition (nassériens, marxistes,
libéraux et islamistes) que le pouvoir ne se soutient d'aucun garant (ni
nation, ni développement, ni Dieu, ni loi). Le monde du profit, de
l'économie de marché, dont les retombées sociales sont quasi nulles,
permet le développement d'une économie totalement chaotique, seg
mentée, essentiellement dépendante de l'étranger (surtout de l'aide
américaine et de ses contraintes) et de l'émigration. Parallèlement, les
hommes d'affaires égyptiens se constituent en groupes de pression, exi-
1. J.-F. Fayard, Religion et modernité politique, p. 310, Paris, L'Harmattan, 1993. 148 Nicole Khouri
géant l'accélération des mesures de libéralisation de l'économie et de
privatisation du secteur public.
De leur côté, les « islamistes » (gama 'at

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