Aux racines de l identité : mémoire et espace chez les Yeke du Shaba, Zaïre - article ; n°2 ; vol.65, pg 201-220
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Journal des africanistes - Année 1995 - Volume 65 - Numéro 2 - Pages 201-220
AUX RACINES DE L'IDENTITÉ : MÉMOIRE ET ESPACE CHEZ LES YEKE DU SHABA, ZAÏRE Hugues Legros Si la colonisation a eu un rôle important dans la formation des identités ethniques, dont celle des Yeke, elle n'en est pas l'unique créatrice. Au delà des remous de l'histoire et des expressions, on perçoit l'existence et la formation d'une identité Yeke qui puise ses racines dans la culture africaine, tant précoloniale que coloniale et contemporaine.
ABSTRACT Hugues Legros Although the colonization played an important part in the forming of ethnic identities, it is not the only source. Despite the history's upheavals and its expressions, we can notice the existence and the forming of a Yeke identity that originates in the pre-colonial as well as in the colonial and contemporary African cultures.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 44
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Hugues Legros
Aux racines de l'identité : mémoire et espace chez les Yeke du
Shaba, Zaïre
In: Journal des africanistes. 1995, tome 65 fascicule 2. pp. 201-220.
Résumé
AUX RACINES DE L'IDENTITÉ : MÉMOIRE ET ESPACE CHEZ LES YEKE DU SHABA, ZAÏRE Hugues Legros Si la
colonisation a eu un rôle important dans la formation des identités ethniques, dont celle des Yeke, elle n'en est pas l'unique
créatrice. Au delà des remous de l'histoire et des expressions, on perçoit l'existence et la formation d'une identité Yeke qui puise
ses racines dans la culture africaine, tant précoloniale que coloniale et contemporaine.
Abstract
ABSTRACT Hugues Legros Although the colonization played an important part in the forming of ethnic identities, it is not the only
source. Despite the history's upheavals and its expressions, we can notice the existence and the forming of a Yeke identity that
originates in the pre-colonial as well as in the colonial and contemporary African cultures.
Citer ce document / Cite this document :
Legros Hugues. Aux racines de l'identité : mémoire et espace chez les Yeke du Shaba, Zaïre. In: Journal des africanistes. 1995,
tome 65 fascicule 2. pp. 201-220.
doi : 10.3406/jafr.1995.2440
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jafr_0399-0346_1995_num_65_2_2440LEGROS* Hugues
Aux racines de l'identité :
mémoire et espace
chez les Yeke du Shaba, Zaïre
L'identité des sociétés africaines s'est exprimée en Occident, et plus particulièr
ement parmi le monde académique des africanistes, au moyen du terme de l'«ethnie »'.
Si l'époque où celle-ci était appréhendée comme un donné « froid et stable », comme
l'expression de groupes homogènes, tant racialement, linguistiquement que culturelle-
ment et politiquement, semble révolue, cette notion n'en demeure pas moins floue,
voire polémique2. Après la seconde guerre mondiale, sous l'influence de l'ethnologie
anglo-saxonne, cette définition va évoluer vers une notion plus souple et opératoire
mettant l'accent sur le sentiment d'appartenance à une collectivité. On évolue progres
sivement de la notion réifiante d'entités discrètes à une définition où l'ethnie existe
parce que ses membres pensent et agissent en fonction de son existence3.
Cette approche dynamique et ascriptive va conduire à la réintroduction de l'his
toire dans l'appréhension de l'identité et, quelquefois, à une remise en question pure et
simple de la notion d'ethnie. On s'attache désormais à souligner le rôle ambivalent
joué par la colonisation : déstructuration des identités préalables et reconstruction
d'identités réifiées et figées4. La donnée historique que représente la période colonial
e semble être devenue le pivot autour duquel s'articulent les définitions de l'ethnie. Se
réclamant d'une démarche tant historique qu'anthropologique, Amselle pousse cette
réflexion au bout de sa logique et estime qu'il est impossible de trouver dans l'Afrique
précoloniale des entités humaines racialement, culturellement et linguistiquement
homogènes5. Il n'aurait existé que des unités sociales inégales, hétérogènes, dont
l'identité - qu'il nomme « culture » - variait en fonction de leur histoire et des rela
tions avec les entités voisines. Les agents coloniaux seraient responsables de la fixa
tion des identités et de la création artificielle d'entités considérées comme homogènes
et immuables. En tant que groupe dominant, ils auraient figé les sociétés africaines
dans de nouvelles identités qu'ils ont qualifiées ď « ethniques », sans tenir compte de
leur histoire et des rapports de force existants.
*. Chargé de recherches au FNRS, ULB. Centre d'Anthropologie Culturelle, Institut de Sociologie de
l'ULB, 44, av. Jeanne, 1050 Bruxelles.
1. W. Mac Gaffey, 1986 : 42-49 ; V.Y. Mudimbe, 1988 ; J. Vansina, 1986 : 28-41.
2. M. Izard, 1992 : 89-90 ; P. Mercier, 1961 ; A. С Taylor, 1992 : 242-244.
3. Cf. entre autres, F. Barth, 1969 : 9-38 ; M. Fortes, 1945 : 16 ; S.F. Nadel, 1971 : 122-124.
4. Cf. entre J.P. Chrétien, 1989; L. Vail, 1989.
5. J.L.Amselle, 1985 : 23-44.
Journal des africanistes 65 (2) 1995 : 201-220 202 JOURNAL DES AFRICANISTES
II est intéressant d'aborder le phénomène ethnique à la lueur de cet apport théo
rique puisqu'il aborde pour la première fois l'histoire des cultures et des acteurs
sociaux dans l'élaboration des identités. Appliquées à l'analyse d'une société particul
ière, le royaume des Yeke du Shaba, ces notions d'histoire et de rapports de force per
mettront de mieux comprendre l'origine, l'évolution historique et les transformations
des « identités » d'un groupe particulier. Il s'agira de définir le contenu politique,
social, culturel et économique de l'identité yeke, de comprendre ses et
ses permanences de sens et de contenu et de saisir la manière dont elle s'exprime,
c'est-à-dire d'identifier ce que recouvre socialement cette « ethnie » yeke dans le
contexte historique du Shaba précolonial. D'autre part, on s'attachera à mieux cerner
les représentations et les expressions -culturelles et matérielles- de cette identité pro
clamée. Dans ce cadre, il s'agit de déterminer si la colonisation représente une ruptu
re identitaire ou si cette approche n'est qu'une pierre de plus à notre édifice épistémo-
logique occidental où l'irruption de l'Europe dans les sociétés africaines est perçue et
présentée comme l'événement historique marquant de ces sociétés.
L'IDENTITE « YEKE » COMME SIGNIFICATION D'APPARTENANCE
AU GROUPE DOMINANT DU ROYAUME YEKE PRÉCOLONIAL
Les Yeke sont originaires du Busumbwa et de l'Unyamwezi, deux régions situées
dans le nord-ouest de l'actuelle Tanzanie6. A la suite d'échanges commerciaux qui
s'instaurent dès le début du 19e siècle, ils s'implantèrent dans le sud du Shaba
(République du Zaïre) où ils établirent une structure politique originale pour la région,
tant sur le plan de l'organisation politique qu'au niveau des options économiques,
basées sur une incorporation plus complète dans l'économie mondiale de marché. Au
faîte de sa puissance, ce nouvel Etat éclipsa l'influence politique et économique jus
qu'alors prépondérante des centres voisins: les royaumes luba et lunda de Kazembe.
Plaque tournante du commerce transitant par le Copperbelt zaïrois et zambien, le
royaume yeke devint l'objet des convoitises des puissances coloniales. Suite à une
révolte des populations autochtones soumises et à la mort de son souverain, M'siri, il
s'effondra brutalement en 1891. Dès 1893, toute la région fut officiellement incorpo
rée dans le territoire de l'Etat Indépendant du Congo (EIC). La formation historique
particulière du royaume yeke, « à l'articulation spécifique d'une spatialité et d'une tem
poralité », pour reprendre l'expression dTzard7, offre un intérêt tout particulier dans le
cadre d'une analyse du concept d'ethnie puisqu'il est possible de déterminer histor
iquement le moment où celle-ci apparaît et se transforme.
Avec la structuration progressive du royaume yeke, de 1870 à 1891, parallèl
ement à l'établissement de leur domination sur tout le sud du Shaba et le nord de l'ac
tuelle Zambie, ce groupe se définit ou est défini progressivement en tant que « Yeke ».
Il est nécessaire de cerner la structure politique et le réseau de domination mis en
place pour identifier les acteurs sociaux qui revêtent cette identité de « Yeke ».
6. Pour une étude plus détaillée de l'histoire yeke, cf. H. Legros, 1994.
7. M. Izard, 1992 : 59.
JJournal des africanistes 65 (2) 1995 : 201-220 AUX RACINES DE L'IDENTITE 203
La structure de cet Etat s'établit en fonction d'une dynamique centre/périphéries8.
Le centre politique du royaume, constitué de Bunkeya -la capitale yeke- et des terres
considérées comme appartenant en propre aux Yeke, est géré directement par le grou
pe des notables yeke. A l'extérieur de ce centre, toutes les relations avec les sociétés
soumises s'établissent selon un mode prédateur ou tributaire. Dans le cas de rapports
pr

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