Certains l aiment nature (Commentaire) - article ; n°1 ; vol.9, pg 21-37
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Description

Sciences sociales et santé - Année 1991 - Volume 9 - Numéro 1 - Pages 21-37
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 8
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Charles Fredrikson
Certains l'aiment nature (Commentaire)
In: Sciences sociales et santé. Volume 9, n°1, 1991. pp. 21-37.
Citer ce document / Cite this document :
Fredrikson Charles. Certains l'aiment nature (Commentaire). In: Sciences sociales et santé. Volume 9, n°1, 1991. pp. 21-37.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/sosan_0294-0337_1991_num_9_1_1182u
Sciences Sociales et Santé, vol. IX, n° 1, mars 1991
Commentaire
Certains V aiment nature
Charles Fredrikson*
À entendre Michel Galy, paradoxalement, « tout mal est défait
un malheur » (1). La maladie est due « non à la contingence biol
ogique mais à la malveillance sociale », par le truchement
d'attaques en sorcellerie. Il tient donc manifestement à se situer,
d'entrée de jeu, dans le droit fil de V orthodoxie anthropologique en
reprenant explicitement à son compte le modèle des « usages
sociaux de la maladie » (Zempléni, 1982). Pour ce faire, il est dis
posé à aller jusqu' à durcir le « principe de cohérence » qui pose la
prééminence des « étiologies sociales » en milieu social primitif, et
exclure aussi bien par la position que par la négation toute modalit
é de thérapeutique qui n'en relèverait pas. Quitte, bien évidem
ment, pour cela à voir s' évanouir V objet-même de son article.
Cependant, étonnant mais salutaire revirement, l'acte d' allégeance
envers V orthodoxie s' avère manière de concession ad hominem.
Car « à entendre le discours autochtone sur le corps, force est de
reconnaître », en revanche, qu'il est, chez les Avikam, une « expli
cation "naturaliste" » de la maladie, qui « persiste durablement »,
et qui possède une « logique propre. . . [et] relativement autono
me ». Or les deux propositions, nettes, carrées, et qui dessinent des
objets mutuellement exclusifs, se suivent dans le texte de Galy à
quelques lignes de distance à peine.
* Charles Fredrikson, anthropologue, 2, rue St-Jacques, 78100 St-Germain-en-
Laye.
(I) Martine Bungener, Elisabeth C laverie, Nicolas Dodier et Nathalie Heinich ont
bien voulu commenter une version antérieure de ce texte. Je les remercie de leur
patience et de la pertinence de leurs remarques. CHARLES FREDRIKSON 22
En se proposant d'explorer un secteur des représentations
relatives au corps et à ses affections caractérisées par leur inser
tion dans un champ référentiel « naturel », M. Galy s'avance dans
une voie qui ne cesse défaire problème. Le paradoxe que je relevai
chez lui il y a un instant n'est qu'un précipité de tensions paradig-
ma tiques qui paraissent consubstantielles de V anthropologie de la
maladie. Ce « savoir » fait figure de corps étranger chez ceux-là
même qu'on appelait pourtant, naguère, les Naturvolkern. C'est
que cette « nature »-ci serait radicalement « sociale ». Les seules
étiologies pertinentes (génies, dieux, ancêtres, sorcellerie), sont
censées tirer leur raison d'être de leur fonction d' intégration et de
mise en ordre sociales. Logique du malheur et structure sociale
s'étayent et se pénètrent mutuellement. En effet, la trame ontolo
gique des « étiologies sociales » est un principe de cohérence sym
bolique, condition simultanément de leur objectivation scientifique
et de leur efficacité idéologique objective. Tout mal, ou en tout cas,
tout mal « pertinent », est dès lors un malheur, imputable à des
causes exclusivement « surnaturelles », et fonctionnant au profit de
l'ordre éthique et politique.
Si maintenant, à l'intérieur de ce même paradigme, on object
ive malgré tout ces étiologies non sociales, on déploiera typique
ment, pour ce faire, un modèle de la perception cognitive culturel-
s' agissant des représentations lement neutre, à l'antipode donc,
« magico-religieuses », des schèmes exclusivement «fonctionnels »
mis en œuvre. Quel que soit le vocable — empirique, rationnel,
pseudo- ou proto-scientifique, médical — par lequel on les qualifie,
les thérapeutiques « naturelles », semblent, en effet, d'emblée se
détacher de la substance mythique des sociétés dites primitives
conçues de la sorte. On posséderait là l'interface grâce à laquelle,
malgré V opposition massive les distinguant sous d'autres rapports,
il y aurait une manière de continuité entre sociétés primitive et
moderne. Phytothérapie et binarisme (« hippocratique ») des
humeurs, notamment, seraient hétérogènes à la fonctionnalité des
représentations. Le savoir touchant aux plantes curatives annoncer
ait une attitude positive visant V exploitation matérialiste du milieu
écologique. L' explication binariste (chaud/ froid, secl humide, etc.)
de la maladie apparaît comme l'embryon de schèmes simultané
ment causals et rationnels, c'est-à-dire, virtuellement scientifiques.
c' Du point de vue de l' anthropologie sociale, par conséquent,
est en somme à peine un objet. Pour l'approche génétiste adoptée
en histoire des sciences et en épistémologie, en revanche, ainsi que
(de manière moins patente) dans les disciplines qui forment comme
une périphérie à V anthropologie (ethnoscience, ethnomédecine, CERTAINS L'AIMENT NATURE 23
ethnobotanique , etc.), cette « nature » n'est souvent pas loin de
constituer l'objet de recherches par excellence. Dans ce deuxième
cas, semble-t-il, V on est bien près de perdre la socialité de l'objet;
dans le premier, c'est l'objet lui-même que, sous prétexte de social
ité, l'on n' est pas loin de perdre. Nous verrons que, malgré la
divergence de surface entre approches, un accord tacite, d'ordre
paradigmatique, préside ici et là à l'information d'un objet ressor
tissant au « bon sens » positif Bon sens qui, après tout, est la chose
du monde la mieux partagée, et formerait ainsi ce substrat commun
de l'humanité sans lequel celle-ci ne serait pas, ou ne serait pas
une.
Dès lors, et très schématiquement, deux postures s'offrent au
savant. La première approche est celle que Von peut qualifier glo
balement d' ethno scientifique (et, plus spécifiquement, d'ethnomé-
dicale). Les questions pertinentes y portent notamment sur le degré
relatif de rationalité ou de magisme à accorder au Primitif ; sur la
possibilité de procédés « empiriques » à efficacité réelle au sein de
pratiques ostensiblement « magiques » ; sur les conditions d'une
efficacité proprement magique (ce qui implique que Von intervert
isse l'ordre paradigmatique en rendant compte de la « crédulité »
primitive, plutôt qu'on ne la présuppose comme substrat omni-
explicatif [cf. Lévi-Strauss, 1958]) ; ainsi que, éventuellement, sur
le processus de transformation de la mentalité « pré-logique » en
attitude scientifique (ou son impossibilité). La deuxième approche
est celle adoptée en anthropologie sociale. On peut simplement
refuser de prendre connaissance de la « nature » (« Tout mal est un
malheur, etc. »). Du coup, elle cesse évidemment défaire problème.
Si l'on en prend acte, en revanche, se pose inéluctablement la quest
ion de la rupture apparente qu' elle provoque dans la cohérence du
système de représentations constitutives de la société primitive —
et du modèle anthropologique. Un procédé très courant est d'en
minimiser aussitôt, vaille que vaille, la portée. Un autre est de la
« naturaliser » en la ramenant à l'attitude magique propre au
n' est qu' apparence Primitif : la « nature » (ou la proto-rationalité)
que le savant a pour tâche de dissiper. Souvent, en fait, on trouve
les trois stratégies côte à côte chez le même auteur. D' où la nécess
ité, lorsqu'on considère l'état de la science en la matière, de pro
céder à une lecture plurielle, celle-là même qu'appelle la compré
hension de l'article de M. Galy, et que je ne fais donc ici que
préparer.
S' agissant de la première des approches, Ackerknecht mont
rait la voie en s' intéressant aux « Natural diseases and rational CHARLES FREDRIKSON 24
treatment i

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