Comment ne pas développer un pays. Essai de pathologie économique - article ; n°26 ; vol.7, pg 255-276
23 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Comment ne pas développer un pays. Essai de pathologie économique - article ; n°26 ; vol.7, pg 255-276

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
23 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Tiers-Monde - Année 1966 - Volume 7 - Numéro 26 - Pages 255-276
22 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1966
Nombre de lectures 26
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Rudolf Biani
Comment ne pas développer un pays. Essai de pathologie
économique
In: Tiers-Monde. 1966, tome 7 n°26. pp. 255-276.
Citer ce document / Cite this document :
Bićanić Rudolf. Comment ne pas développer un pays. Essai de pathologie économique. In: Tiers-Monde. 1966, tome 7 n°26.
pp. 255-276.
doi : 10.3406/tiers.1966.2202
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1966_num_7_26_2202COMMENT
NE PAS DÉVELOPPER UN PAYS
ESSAI DE PATHOLOGIE ÉCONOMIQUE
par Rudolf Bicanig*
Des projets de développement économique, il en existe de nomb
reux (i), établis pour de nombreux pays par de nombreux économistes,
suivant des méthodes variées, donnant des résultats plus ou moins
satisfaisants. Devant pareille affluence nous avons entrepris d'aborder le
problème sous un angle différent : comment ne pas développer un pays.
Cette approche n'est pas aussi négative qu'il y paraît à première vue
et nous espérons qu'elle pourra également apporter une contribution
positive au problème du développement.
Nous sommes ici plus intéressés par le processus du développement
que par ses conditions préalables ou ses objectifs finaux.
* Professeur à la Faculté de Droit, Université de Zagreb.
(i) Afin de distinguer ces termes macro-économiques connexes, nous proposons les
définitions suivantes :
— Croissance économique : est généralement définie comme un accroissement de l'output
réel ou du revenu réel (agrégats), global ou per capita sur une période donnée. Quoique
communément acceptée, cette définition n'est pas satisfaisante. Nous préférerions la consi
dérer comme un accroissement de la capacité de production, c'est-à-dire un accroissement
du capital pour lequel le revenu national per capita n'est qu'une mesure externe. Nous intro
duirions ainsi une croissance à trois dimensions : la croissance verticale, ou
du capital réel per capita ; une croissance horizontale, ou accroissement de l'interdépen
dance économique ; et la croissance en profondeur, ou qualitatif du capital.
— Développement économique : pourrait être défini comme une croissance économique due
à une action consciente de l'homme, amenée volontairement, comme une élévation du
niveau d'équilibre (ou de quasi-équilibre) d'un certain niveau à un autre, grâce à des
moyens autonomes.
Le premier concept appartient à la science économique générale, tandis que le deuxième
terme est du domaine de la politique économique.
V. R. BicaniC, Economie growth, Development and Planning in Socialist countries,
E. Nelson (édit.), growth Rationale, Problems, Cases, University of Texas Press,
i960, p. 171.
255 RUDOLF BIČANIČ
Supposons que le développement soit une « bonne chose » (i) et
que les dirigeants d'un pays aient décidé d'entreprendre une action en ce
domaine, comment se déroulera le processus ? En nous appuyant sur
l'expérience d'un certain nombre de pays, nous allons tenter une général
isation de ce processus au niveau de la politique économique et essayer
de le simplifier en dégageant les étapes suivantes :
1. Économie des super seigneur s ;
2.de supercontrainte ;
3. Économie souterraine ;
4.de superchangement.
Au départ le développement est une mission. Les dirigeants se
lancent à fond dans cette aventure épique qu'est le programme de
développement. Nous appellerons cette étape de la politique écono
mique : V économie des super seigneur s.
La deuxième étape apparaît lorsque les contraintes du développement
commencent à se faire sentir et que de sérieux problèmes s'accumulent.
Le développement n'est plus alors une mission, mais une profession.
Nous appellerons cette période : Г économie de super contrainte.
Quand les contraintes exercées par la politique de développement
deviennent trop fortes, la population réagit à de nombreux égards et
les gens cherchent à satisfaire leurs besoins par d'autres moyens. La
politique de développement devient alors une politique de pression.
Nous appellerons cette période : V économie souterraine.
Enfin une nouvelle étape commence lorsque la politique de dévelop
pement est tellement compromise qu'une politique de conception nouv
elle s'impose : tout doit changer. Nous appellerons cette nouvelle
approche : Г économie de superchangement.
A ce stade le cycle est achevé. Un autre cycle va-t-il commencer, et
si tel est le cas, se répétera-t-il ou empruntera-t-il une voie différente ?
Généraliser serait difficile. En tout état de cause ce cycle de dévelop
pement nous fournit assez de matériaux pour s'insérer dans une théorie
plus générale sur le processus du développement.
Nous exposerons les principes directeurs suivis lors de ces étapes,
(1) Pour la controverse sur les définitions de la croissance de ce point de vue, voir le
'Rapport de la réunion d'experts sur les conditions sociales de la croissance économique, Kyrénia,
Chypre, 1963, U.N.E.S.C.O./55/38, avril 1964, p. 171.
256 COMMENT NE PAS DÉVELOPPER UN PAYS
car bien qu'ils échappent parfois à l'attention des théoriciens et des
doctrinaires du développement, ils sont une source constante d'ennui
pour les agents d'exécution et font même parfois leur désespoir en ce
qu'ils s'y heurtent au cours de leurs activités quotidiennes.
Nous suivrons pour notre exposé le schéma économique le plus
simple (i) c'est-à-dire : les buts, les agents, les instruments et l'env
ironnement.
I. — L'ÉCONOMIE DES SUPERSEIGNEURS
(The Economies of Overlords)
Les agents de cette politique de développement sont les dir
igeants du pays. Fascinés par leur tâche héroïque et écrasante, ils se
doivent de développer leur pays. Ils proclament que leurs méthodes
et leurs intentions sont les meilleures du monde. Ils exigent en échange
une obéissance parfaite de la part des intéressés, instaurent un régime
autoritaire de droit ou de fait, pour le bienfait du peuple. La vie de la
population doit changer, mais les politiciens du développement ne
tiennent compte ni des risques ni des difficultés qu'implique la transfor
mation de tout un mode de vie qui, « neuf, innovateur, peut parfois
entrer en conflit avec les normes sociales existantes ou les modes de
comportement éprouvés » (2) sans laisser d'autres choix, ni de réassurance
possibles. Ils traitent de conservateurs ceux qui s'opposent à leur plan.
Afin que le développement reste sous le contrôle des responsables,
un mécanisme social doit être aménagé, ou tout au moins esquissé — un
appareil centralisé, administratif et bureaucratique, dirigé par les politi
ciens, reposant sur les experts. Plus il est centralisé, plus il est censé
être efficace. Mais il se peut que les experts soient des technocrates
conservateurs — beaucoup le sont — convaincus de la supériorité
indiscutable de leur propre domaine, encore que ce soit en raison de son
côté imitatif, plutôt que pour ses possibilités créatrices. Si les experts
nationaux font défaut ou s'ils manquent d'expérience, ou bien encore
si leurs points de vue sur le développement de leur pays diffèrent de
ceux des politiciens quant aux buts à atteindre, aux instruments à utiliser
(1) J. Tinbergen, Economic Policy, Principles and Design, pp. 6-24.
(2) B. HosELiTZ, Economie growth and Development, American Economie Review, 1956,
suppl. p. 37; et Approche sociologique au développement économique (Centro Nazionale
di Prevenzione e difese sociale), Actes du Congrès international des études sur le problème des
régions sous-développées, 1955, Milan, pp. 755-78.
257 RUDOLF BIČANlC
et au rythme à suivre, on les considère alors comme un frein au dévelop
pement et les chefs font appel à l'assistance d'experts étrangers jouissant
initialement d'une plus grande estime. On attend de ces experts qu'ils
combinent manière miraculeuse, tout à la fois le génie, l'ascétisme
et l'apostolat, alors qu'en réalité, les gouvernements ne peuvent mettre
à la disposition des pays étrangers pour le développement que des experts.
Après de multiples et vains efforts pour convaincre les chefs suprêmes,
ils se plient à un travail consciencieux de 9 heures 

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents