Création de lien social dans les protestantismes français - article ; n°1 ; vol.79, pg 39-61
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Description

Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique - Année 2003 - Volume 79 - Numéro 1 - Pages 39-61
23 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2003
Nombre de lectures 31
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Isabelle Grellier
Création de lien social dans les protestantismes français
In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et politique. N°79-80, 2003. pp. 39-61.
Citer ce document / Cite this document :
Grellier Isabelle. Création de lien social dans les protestantismes français. In: Autres Temps. Cahiers d'éthique sociale et
politique. N°79-80, 2003. pp. 39-61.
doi : 10.3406/chris.2003.2452
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/chris_0753-2776_2003_num_79_1_2452Création de lien social
dans les protestantismes français
Isabelle Grellier
Malgré l'utopie dont elles sont porteuses, celle d'un creuset qui permettrait
de dépasser les différences, les villes n'ont jamais été vraiment homogènes.
Plus que jamais, pourtant, la ville éclate, en différents lieux fortement diffé
renciés, si ce n'est même radicalement séparés. « Une nouvelle logique tra
vaille le cœur des villes et œuvre à la séparation de ses composantes sociales
à raison du préjudice économique, scolaire et sécuritaire que représente la
proximité avec plus pauvre que soi », note Jacques Donzelot1. Cette logique
de séparation s'appuie sur une logique de méfiance qu'elle contribue à son
tour à développer. Si le terme « urbanité » évoque encore à nos esprits « le
respect d'autrui et de soi-même », selon la belle définition de Giraudoux2, ce
qui se développe en fait dans nos villes, c'est l'idée que l'autre est plutôt un
inconvénient pour soi, surtout quand cet autre est plus pauvre que soi.
Cette logique d'un regard négatif sur l'autre agit à plusieurs niveaux: elle
joue entre les différents espaces de la ville, tendant à augmenter les processus
de ségrégation qui sont à l'œuvre entre les quartiers; en témoignent les
conflits entre cités de grands ensembles rivales ou, à l'autre extrême, l'appa
rition en France de ces gated communities qui se développent depuis
quelques décennies aux USA. La méfiance se manifeste aussi à l'intérieur de
chacun des quartiers de la ville - et pas seulement dans ceux où les condi
tions de vie sont les plus précaires - contribuant à amplifier ce fameux sent
iment d'insécurité qui semble si fort aujourd'hui, alors même que, vu sur le
long terme, notre société reste sans doute l'une des plus sûres que le monde
ait jamais connues.
Dans toutes les sociétés, un des rôles importants que jouent les religions
est de créer du lien social. Elles le font de plusieurs façons : au niveau idéolo
gique, en affirmant l'existence d'une relation particulière entre les membres
du groupe religieux, compris par exemple comme enfants d'un même Dieu;
de façon concrète, en rassemblant leurs membres pour célébrer des rites com
muns: au niveau éthique enfin, en incitant ceux qui se réclament d'elles à
mettre en œuvre une certaine qualité d'attention aux autres.
Affirmant que les chrétiens sont tous frères, le christianisme est porteur
d'un lien social fort. Pendant longtemps, il l'a été d'autant plus facilement
qu'il occupait dans les sociétés occidentales une place centrale, reconnue par
1 . « La nouvelle question urbaine », Esprit nov. 1 999, p. 1 08
2. cité par le Petit Robert
39 Isabelle Grellier
tous. La situation est bien sûr tout autre aujourd'hui, dans une société sécular
isée. Les différents groupes chrétiens continuent, avec plus ou moins de suc
cès, à participer à l'établissement de sociabilités, mais celles-ci n'arrivent
guère à combiner intensité et extensivité. La dimension universelle du chris
tianisme tend à céder le pas devant une communautaire limitée à
un petit noyau de proches3. Pourtant bien des chrétiens portent le souci de
l'effritement du lien social au niveau global de la société française et ils
s'interrogent sur ce que pourrait être l'apport de leurs Églises à la résolution
de ce problème.
C'est à étudier différentes formes de cette participation des groupements
chrétiens à la consolidation d'un lien social que je vais m'attacher, en veillant
à les différencier selon les divers lieux de la ville. J'ai choisi de centrer le
regard sur le monde chrétien, car les questions se posent en des termes trop
différents pour les autres religions, en particulier l'islam, pour que je puisse
les aborder ici. Je proposerai une première approche, typologique, des diffé
rents lieux de la ville, pour tenter de situer quelles sont pour chacun les réali
tés et les besoins propres. Dans un second temps je tenterai une analyse de
quelques réalités ecclésiales françaises, en m'appuyant surtout sur l'exemple
des protestantismes strasbourgeois, afin d'essayer de comprendre la contribu
tion de divers lieux ecclésiaux à la formation d'un lien social.
Des lieux et des liens
A lieux différents, relations différentes. Sans tomber dans une vision déter
ministe qui ferait des formes du lien social une simple conséquence des
conditions de l'habitat, on ne peut pour autant nier que, pour de multiples rai
sons, par effets directs ou indirects, il existe une certaine corrélation entre le
type de quartier et les relations sociales qui s'y établissent.
Il me faut donc proposer une typologie des différents lieux urbains. On
peut - sans prétendre forcément couvrir ainsi tout l'espace urbain - distin
guer trois types de quartiers bien différents, qui sont présents dans à peu près
toutes les grandes agglomérations : les centres villes, lieux de passage et de
commerce, les banlieues pavillonnaires dont l'habitat est relativement homo
gène et les cités de grands ensembles, avec le risque de ghettoïsation que
connaissent certaines. Je voudrais tracer à grands traits quelques-unes des
caractéristiques, quant aux formes du lien social, de ces trois types de lieux
urbains. Bien qu'un peu sommaire, cette typologie peut éclairer la réflexion.
Quelques outils:
Je m'aiderai, pour brosser ce tableau, de la distinction très classique établie
par F. Tônnies entre communauté et société. Pour le sociologue allemand, la
communauté se caractérise par l'existence d'une solidarité de type organique
3. Je reviendrai sur la tension entre universel et communautaire que Danièle Hervieu-Léger analyse
avec pertinence, par exemple dans Le pèlerin et le converti, La religion en mouvement, Paris,
Flammarion, 1999, pages 71 à 81.
40 Création de lien social dans les protestantismes français
entre les individus, les relations sociales y étant marquées non seulement par
la proximité spatiale, mais surtout par l'existence de liens affectifs ou spiri
tuels. « Le sentiment d'appartenance transcende celui de la différence, l'inté
rêt collectif celui de l'intérêt individuel » 4.Tônnies voit dans la famille, le
village ou la communauté religieuse les types mêmes de la communauté.
Dans les sociétés, par contre, les solidarités de type organique disparaissent;
les relations sont moins spontanées, elles reposent sur le calcul, sur la
volonté réfléchie de l'individu humain, « représentant les suites (vraisem
blables ou certaines) d'actions possibles émanant de lui-même et les appré
ciant [...], et, d'après ce processus, triant et ordonnant en vue d'une réalisa
tion future déterminant ces actions possibles » 5 ; c'est dire qu'il n'existe pas,
dans la société, d'unité a priori, c'est l'intérêt personnel qui guide les rela
tions qui s'y établissent, dans le sens de ce que Weber appelle une conduite
rationnelle en finalité. L'échange marchand constitue pour Tônnies l'exemple
type de la société. « Tandis que, dans la communauté, [les hommes] restent
liés malgré toute séparation, ils sont dans la société, séparés malgré toute lia
ison » 6.
On a pu reprocher à Tônnies une vision nostalgique, opposant un passé vil
lageois idéalisé à la déstructuration sociale apportée par l'urbanisation. Ses
catégories, à la frontière de la psychologie et de la sociologie, constituent
cependant des instruments utiles pour analyser l'état du lien social dans un
ensemble donné.
Une autre t

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