De la Peinture romantique allemande - article ; n°16 ; vol.7, pg 82-94
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Description

Romantisme - Année 1977 - Volume 7 - Numéro 16 - Pages 82-94
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 41
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

M. Alain Montandon
De la Peinture romantique allemande
In: Romantisme, 1977, n°16. pp. 82-94.
Citer ce document / Cite this document :
Montandon Alain. De la Peinture romantique allemande. In: Romantisme, 1977, n°16. pp. 82-94.
doi : 10.3406/roman.1977.5099
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1977_num_7_16_5099Alain MONTANDON
De la peinture romantique allemande
Г /
L'admirable exposition consacrée à la peinture allemande à l'époque
romantique qui s'est tenue à l'Orangerie des Tuileries, a sans doute dissipé
plus d'un préjugé concernant un art, ignoré résolument par le public fran
çais jusqu'alors. Et d'abord l'idée tenace que l'art romantique allemand
est avant tout littéraire et musical. Il suffit pourtant de lire avec attention
Novalis, Jean Paul, Tieck et leurs contemporains pour découvrir dans
leurs œuvres un sens nouveau de la nature et du paysage évoqués avec une
imagination picturale grandiose. Le roman de Tieck à lui seul (mais on
pourrait y ajouter quantité d'autres), Les Pérégrinations de Franz Sternbald
témoigne de la place fondamentale occupée par la peinture dans l'esthé
tique allemande de l'époque. Si la musique est le modèle romantique par
excellence, parce qu'elle est, comme l'écrit Hoffmann, l'expression de
l'infini, cela ne signifie pas qu'elle détrône, en tant que genre la peinture :
l'art pictural romantique est par essence même musical.
Et pourtant, malgré le catalogue extrêmement bien fait des musées
nationaux 1, où les contributions de Michel Laclotte, Werner Hoffmann,
Hans Joachim Neidhardt et de Youri Kouznetsov sont inestimables par
leur clarté et leur précision, ainsi que par le souci d'une présentation à la
fois scientifique et pédagogique fort louable, il n'est pas sûr que le public
français ne soit à nouveau victime de malentendus. Ne serait-ce d'abord
par le simple fait qu'il s'agit de la peinture à Г époque romantique et non pas
uniquement de la peinture romantique proprement dite (qui reste encore
aujourd'hui l'objet de controverses quant à la limitation exacte). Les œuvres
néobaroques, classiques et réalistes sont également présentes : pour aller
de la salle des Runge à celle des Friedrich, il fallait traverser une salle où
les tableaux de Koch, peintre de paysage héroïque, représentant l'idéalisme
objectif, ne peuvent en aucun cas être pris pour des œuvres romantiques.
Les repères formels sont également des guides très incertains dans la mesure
où le romantisme est plus un état d'esprit, une représentation du monde
et une expérience de la nature et de l'histoire qu'un style.
Le second malentendu, beaucoup plus grave, vient du sens même des
œuvres romantiques, tombées, rappelons-le, dans un oubli profond en
Allemagne jusqu'au début du XXe siècle. Une série d'études dirigées par De la Peinture romantique allemande 83
Werner Hofmannj^ publiées en 1974, a tenté de retracer la réception de
Friedrich en dévoilant les valeurs idéologiques qui supportent et utilisent
sofToubli et ses réhabilitations successives, depuis le rejet d'harmonisation
entre l'homme et la nature offert par la Restauration, la « réhabilitation »
nationaliste du peintre devenu porte-parole de « vraies valeurs » allemandes,
sa « mobilisation » sous le fascisme, et enfin son exploitation par l'industrie
capitaliste de la RFA qui s'approprie le désir d'une recherche de la nature
et de l'identité de soi qui ne se distingue plus de sa fonction commerciale.
Le chapitre concernant l'extraordinaire vogue de Friedrich en France
resterait à écrire, où l'on verrait le peintre de Greifswald devenu porte-
parole de l'angoisse tragique de l'homme face à la perte de la nature et
d'une certaine nostalgie écologique 3.
La série d'interprétations et de réappropriations successives d'une _œuvre
d'art par l'histoire est certes un phénomène normal. Mais il prend avec le
romantisme allemand une ampleur parfois considérable, où le malentendu
approche de la mystification. Car cette peinture est fondamentalement liée
à l'idéologie romantique allemande dans laquelle elle s'inscrit — et qui^
si on Ja méconnaît, devient illisible. Non pas que chaque époque n'ait pas
le droit ni le devoir de réactualiser à son profit les œuvres du passé. Encore
faut-il que cette réactualisation ait le courage de s'affirmer comme telle
et soit explicitée. Il est d'ailleurs remarquable que le grand public — qui
admet plus volontiers de replacer une œuvre littéraire dans son époque
pour mieux la comprendre — semble attendre avec une impatience farouche,
dans la peinture, que tout soit donné immédiatement dans une approche
picturale « naïve »... Cette approche idéologique d'une œuvre d'art implique
une conception très précise de la beauté et du sens même de l'activité
esthétique, fort répandue dans notre culture, imprégnée par les idéaux de
la Renaissance, du classicisme et de l'impressionisme. Cette mise en garde
ne vise pas à « excuser » la peinture romantique allemande qui pour certains
manque de couleur et de chaleur, dans une perspective historisante. Elle
n'est pas non plus une peinture « littéraire » dans la mesure où elle suppos
erait un réfèrent extra pictural, et elle est encore moins illustrative chez
un Friedrich ou un Runge. Elle est une peinture qui exige un autre type
de lecture, et ce n'est que dans cette conversion du regard qu'elle pourra
révéler sa lisibilité.
L'une des caractéristiques les plus frappantes de cette peinture, et sans
doute la plus étrangère à la culture et à la sensibilité française, réside moins
dans une iconographie spécifiquement germanique, que dans la conception
même de l'œuvre d'art, qui est une fenêtre ouverte sur le monde de l'invi
sible. Aussi les critères servant à mesurer le talent d'un Géricault ou d'un
Delacroix, sont-ils tout à fait inadéquats pour pénétrer cette peintui:e_jrelir
gieuse et mystique qui cherche à sonder les secrets ultimes de la destina
tion de l'homme et du monde, à retrouver dans un monde profane l'expé
rience du sacré et de l'absolu. La peinture, en tant qu'acte de foi et geste
de piété est également l'opposé d'un « art pour l'art ». Sa mission sacrée,
qui fait de l'artiste le nouveau prêtre des temps modernes, se détourne
résolument de la beauté sensible en elle-même. Elle ne recherche pas la
valeur plastique pour elle-même, puisque la touche de peinture n'est que
le support visible, d'une réalité qui semble échapper à la représentation
elle-même. A la limite, l'image n'est plus que cette camera obscura qui
donne à voir ce qui est en dehors. Lieu d'un renversement ou tout au moins
d'un déplacement, elle se refuse à user de la richesse du sensible pour lui- Alain Montandon 84
même, puisque l'objet représenté est en dehors de la toile, dans le cœur
de l'artiste et du spectateur d'une part et dans cet au-delà, ce lieu de la
transcendance vers lequel tend avec nostalgie le geste de l'artiste, d'autre
part.
La réhabilitation du sentiment, de l'imagination créatrice, l'éveil d'une
religiosité nouvelle alliée à l'intuition de l'infini, n'est pas separable dé
cette « perte de l'équilibre », que Hans Sedlmayr appelle Verlust der Mitte 4,
incarnée par la Révolution française du point de vue politique et religieuse,
et par la révolution kantienne et fichtéenne du point de vue philosophique.
L'art romantique n'est pas seulement l'art de l'infini, de l'expérience méta
physique, de la solitude tragique de l'être et de la quête nostalgique d'un
idéal inacessible, c'est un art qui a déplacé le sens même de l'art. La pein
ture romantique allemande est la première manifestation théologique de
l'art moderne, qui nous conduit de Schleiermacher à Karl Barth. De Runge
et Friedrich à Van Gogh, Kandinsky, Klee, Max Ernst et Rothko, du
romantisme à l'art contemporain, nous trouvons une filiation spirituelle
identique dans une recherche faite d'angoisse et du même sentiment myst
ique

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