Des paysans plus professionnels que les développeurs ? L exemple du coton au Tchad (1930-2002) - article ; n°180 ; vol.45, pg 841-865
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Des paysans plus professionnels que les développeurs ? L'exemple du coton au Tchad (1930-2002) - article ; n°180 ; vol.45, pg 841-865

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Tiers-Monde - Année 2004 - Volume 45 - Numéro 180 - Pages 841-865
Claude Arditi — Peasants more professional than developers ? An example of Coton in Chad (1930-2002).
The history of cotton brings to light many misunderstandings between developers and the developed. Yesterday's developers and today's ngo's, which advice peasants on becoming professionals, have in common a total lack of interest in knowing local societies. The NGO's, just as aid and cooperation organisations, prefer agronomy, human and veterinary medicine, etc., at the expense of the social sciences. The understanding of peasant strategies should constitute the first basis of the process of professionalizing of developers.
25 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Claude Arditi
Des paysans plus professionnels que les développeurs ?
L'exemple du coton au Tchad (1930-2002)
In: Tiers-Monde. 2004, tome 45 n°180. pp. 841-865.
Abstract
Claude Arditi — Peasants more professional than developers ? An example of Coton in Chad (1930-2002).
The history of cotton brings to light many misunderstandings between developers and the developed. Yesterday's developers
and today's ngo's, which advice peasants on becoming professionals, have in common a total lack of interest in knowing local
societies. The NGO's, just as aid and cooperation organisations, prefer agronomy, human and veterinary medicine, etc., at the
expense of the social sciences. The understanding of peasant strategies should constitute the first basis of the process of
professionalizing of developers.
Citer ce document / Cite this document :
Arditi Claude. Des paysans plus professionnels que les développeurs ? L'exemple du coton au Tchad (1930-2002). In: Tiers-
Monde. 2004, tome 45 n°180. pp. 841-865.
doi : 10.3406/tiers.2004.5531
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_1293-8882_2004_num_45_180_5531DES PAYSANS PLUS PROFESSIONNELS
QUE LES DÉVELOPPEURS?
L'EXEMPLE DU COTON AU TCHAD
(1930-2002)
par Claude Arditi*
L'histoire du coton met en lumière les nombreux malentendus entre
développeurs et développés. Développeurs d'hier et ONG actuelles, qui
« conseillent » les paysans afin qu'ils deviennent professionnels, ont en
commun une absence totale de désir de connaissance des sociétés locales.
Les ONG, comme les organismes d'aide et de coopération, privilégient
l'agronomie, la médecine (humaine et vétérinaire), etc., au détriment des
sciences sociales. La compréhension des stratégies de développement des
paysans devrait constituer le premier acte du processus de professionnali-
sation des « développeurs ».
La professionnalisation des ONG est ici située dans le temps long
du développement, celui de l'histoire de la culture du coton au Tchad.
Introduite dès l'époque coloniale chez les paysans sara1 vivant dans le
sud, le coton est de nos jours le principal produit d'exportation du
pays2. On peut, en reconstituant les principales phases de son histoire,
analyser les discours et les pratiques des principaux acteurs qui, à un
moment ou à un autre, ont joué un rôle dans le développement de
cette nouvelle culture. On peut aussi mettre ainsi en évidence les conti-
• Anthropologue, UPRES A 8038, ehess, Paris.
1. Terme qui désigne de nos jours un ensemble de populations, estimé à plus de 2 millions de per
sonnes, parlant des langues parentes et vivant en zone soudanienne. Il existe une identité « sudiste » (forte
scolarisation, christianisme, culture du coton, etc.) qui s'oppose à une identité « nordiste » (faible scolari
sation, islam, élevage, culture des céréales, de l'arachide, rôle du commerce, etc.). Chaque groupe a
assumé successivement, depuis l'indépendance, la direction du pays pendant une vingtaine d'années.
2. Nous ne prenons pas en compte ici les revenus du projet pétrolier Tchad-Cameroun qui a com
mencé à produire du brut courant 2003.
Revue Tiers Monde, t. XLV, n° 180, octobre-décembre 2004 842 Claude Arditi
nuités ainsi que les nombreux malentendus, plus ou moins productifs,
qui, à propos du coton, ont caractérisé les relations entre développeurs
et développés. La professionnalisation des ong au nom du besoin légi
time, exprimé par ceux qui travaillent dans la solidarité internationale,
d'être considérés comme des professionnels dans les milieux du déve
loppement ne sera donc pas analysée ici en tant que telle mais à tra
vers le prisme de la pertinence et de l'efficacité des diverses actions de
développement mises en œuvre par les ong1, à la suite de nombreux
autres acteurs. Ce n'est qu'au terme de cette démarche qu'il sera, à
notre sens, possible et légitime de porter un jugement sur l'efficacité
des interventions et sur le degré de professionnalisme de ceux qui les
ont conçues et mises en œuvre. Cette évaluation externe, prenant en
compte, au premier chef, les sociétés locales qui doivent en dernière
instance accepter les changements qui leur sont proposés, s'appuie
nécessairement sur des travaux de professionnels (anthropologues, his
toriens et géographes et parfois aussi agronomes et économistes) ayant
effectué des observations prolongées sur le terrain et sur des recher
ches centrées sur l'écoute des principaux intéressés, les paysans eux-
mêmes. On se situe ainsi très loin des discours convenus qui mettent
en avant la satisfaction des partenaires et autres « bénéficiaires »2 des
interventions, tels qu'ils figurent dans la plupart des évaluations inter
nes, genre très prisé par les ong3.
Il paraît donc indispensable, dans un premier temps, d'évoquer
les conditions de l'introduction et du développement des cultures
de rente, en particulier le coton, destinées au marché européen, de
l'époque coloniale à nos jours, dans des contextes économiques et
politiques très différents. Au Tchad, le du coton a
connu les phases suivantes : coercition avec l'État colonial, puis inci
tation économique avec l'État indépendant, et enfin participation
paysanne dans le cadre de la politique d'ajustement structurel visant
à libéraliser la filière. C'est dans ce dernier contexte, caractérisé par le
désengagement de l'État, à la suite de la signature d'un Programme
d'ajustement structurel (pas) avec les institutions de Bretton Woods
(fmi et Banque mondiale), que des fonctions telles que la commercia-
1 . Les analyses critiques des discours et des actions mises en œuvre par certaines ONG qui intervien
nent dans le sud du Tchad sont fondées sur une pratique professionnelle de plus de trente ans. Celle-ci a
toujours privilégié, qu'il s'agisse d'étude ou d'évaluation externe d'opérations de développement rural,
l'écoute des paysans.
2. Il est frappant de constater que le vocabulaire utilisé de manière courante dans le monde du déve
loppement a une connotation positive (bénéficiaire, performance, etc.). On induit ainsi, avant toute éva
luation externe, une vision a priori positive de l'intervention.
3. Quand, par hasard, des échecs sont constatés, ils ne font pratiquement jamais référence aux
« défaillances de la vision et du style d'intervention des organismes d'appui » (Rodari, 1998, 4). Des paysans plus professionnels que les développeurs ? 843
lisation primaire du coton (autrefois assurée par une société d'État,
ont été attribuées à des organisations paysannes (marchés autogérés)
et que de nombreuses ong locales et internationales ont commencé à
intervenir. Cette dernière étape intervient après une longue période
(de 1920 à 1990) au cours de laquelle la distribution des semences et
des intrants, l'encadrement des paysans, la commercialisation, etc.),
ainsi que la fixation du prix au producteur étaient totalement maîtri
sés par des structures étatiques ayant un monopole sur l'achat et
l'égrenage du coton. Le paysan, dans un tel système, n'avait guère la
possibilité de prendre des initiatives, ce qui ne signifie en aucun cas,
comme nous souhaitons le montrer, que son comportement ait été
totalement passif. La seconde période, inaugurée en 1990, se définit
par la libéralisation de la filière, ce qui a donné lieu à un vif débat
entre la cfdt1, qui a mis en œuvre et géré les filières cotonnières en
Afrique subsaharienne et qui ne souhaite pas les voir démantelées, et
la Banque mondiale, qui, sous couvert de libéralisme et de lutte
contre la pauvreté, est fortement soupçonnée de privilégier les inté
rêts des producteurs nord-américains de coton. Le paysan africain,
conformément à l'idéologie libérale, doit désormais, bon gré mal gré,
s'adapter en devenant rapidement un farmer qui achète, au meilleur
prix, son engrais sur le marché, vend son coton au plus offrant, etc.
Ce n'est qu'en agissant ainsi qu'il pourra sortir de la pauvreté...
pense-t-on à la Banque mondiale. Face à ce scénario optimiste, quasi
hollywoodien, on doit pourtant remarquer qu'il suppose que les pay
sans accordent leur confiance à ce

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