Direction culturelle, éducation et développement au Mozambique - article ; n°97 ; vol.25, pg 189-204
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Description

Tiers-Monde - Année 1984 - Volume 25 - Numéro 97 - Pages 189-204
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1984
Nombre de lectures 6
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Lavinia Gasperini
Direction culturelle, éducation et développement au
Mozambique
In: Tiers-Monde. 1984, tome 25 n°97. pp. 189-204.
Citer ce document / Cite this document :
Gasperini Lavinia. Direction culturelle, éducation et développement au Mozambique. In: Tiers-Monde. 1984, tome 25 n°97. pp.
189-204.
doi : 10.3406/tiers.1984.3366
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1984_num_25_97_3366DIRECTION CULTURELLE
ÉDUCATION ET DÉVELOPPEMENT
AU MOZAMBIQUE
par Lavinia Gasperini*
La notion de « direction culturelle » est due à Gramsci. Il a élaboré une
théorie de l'efficacité spécifique de la superstructure en considérant le fait
culturel comme aussi essentiel et nécessaire que l'économique et le politique.
Gramsci distingue dans la superstructure deux grands niveaux : la société
politique et la société civile1.
Selon sa conception de l'Etat, la société politique remplit la fonction de
domination directe de la classe hégémonique par la voie de la coercition. Les gou
vernements politique, juridique et militaire constituent les appareils destinés
à soumettre par la force les masses à un mode de production déterminé. A
l'inverse, la fonction d'Etat de direction culturelle se réalise grâce au consensus,
par la voie des organismes qui composent la société civile, comme par exemple
l'Eglise, les Syndicats, l'Ecole, les Partis. La culture englobe l'idéologie,
l'éducation, l'information, etc.
La conquête, la reproduction et le développement de l'hégémonie d'une
classe ou d'un groupe social déterminé par rapport à tous les autres dépendent,
selon Gramsci, de la capacité d'étendre sa direction culturelle, soit avant soit
après la prise de pouvoir. Prendre le pouvoir ou le perdre dépend, dans les
deux cas, de l'action politique et économique autant que de l'action culturelle.
Cela dépend de la capacité de créer un « bloc historique » unissant les masses
autour de la façon de penser, de sentir et d'agir de la classe qui veut devenir
dominante. Cela dépend également de la capacité de faire assumer à chaque
citoyen, au niveau subjectif, le caractère nécessaire et universel d'un mode
de production déterminé.
Bien que le rapport pédagogique visant à étendre la direction culturelle d'un
groupe social à tous les autres se réalise à travers une multiplicité d'institutions
de la « Société civile », l'Ecole est, par définition, le principal appareil culturel.
Notre analyse se limitera à celle-ci2.
* Chargée de mission au Mozambique.
1. Antonio Gramsci, Gli Intellettuali e Г organiv^a^iom délia cultura, Einaudi, Torino, 1966.
2. Pour analyser d'autres aspects que ceux définis comme « direction culturelle » il faut
se référer, pour la période coloniale, par exemple, à Eduardo Sousa Ferreira, Le colonialisme
portugais en Afrique, la fin d'une ère, Paris, Unesco, 1974 — et — pour la période postérieure à
l'indépendance à Armand Mattelart, Mozambique : Communication et transition socialiste,
in Revue Tiers-Monde, « Audiovisuel et Développement », t. XX, n° 79, juillet-septembre 1979,
p. 487-582.
Revue Tiers Monde, t. XXV, n° 97, Janvier-Mars 1984 I90 LAVINIA GASPERINI
Education et culture seront considérées dans un rapport d'unité et de dis
tinction caractérisé par le fait que la première fait partie et est le reflet de la
deuxième, mais en même temps, et à son tour, se reflète sur elle et la détermine3.
I. — Direction culturelle coloniale
ET SYSTÈME D'ENSEIGNEMENT
Dans la création du sous-développement au Mozambique le colonialisme
portugais a joué un rôle qui ne s'est pas limité aux seuls aspects économiques
et sociaux de la vie du pays.
La contradiction qui a opposé colonisateurs et colonisés et qui a fait que
le développement des uns signifie la négation du développement des autres
a existé aussi au niveau culturel. Dans le domaine de l'éducation, elle s'est
exprimée comme contradiction entre « l'éducation par le travail » et « l'éducation
par le ' non-travail ' ».
a) U antagonisme entre V école et la « non-école »
dans la formation sociale coloniale
Au Mozambique plus encore que dans les autres zones coloniales l'école
n'a représenté une possibilité de formation que pour une partie minime de la
population. Pendant quatre siècles, le colonialisme mercantiliste portugais,
caractérisé par le trafic d'esclaves et le pillage de matières premières, s'est un
iquement maintenu par l'usage de la force.
La création d'un système scolaire destiné à former la classe dirigeante et
à répandre, d'autre part, une culture capable de légitimer la domination, au
sein des colonisés autant que des colonisateurs, n'est devenue nécessaire que
dans la phase de transformation capitaliste de l'économie du pays.
Cependant, les idéologues du régime portugais au xxe siècle ont voulu
présenter la colonisation comme une entreprise de caractère éminemment
culturel dès son origine au xve siècle.
« Libérer les indigènes de leur dégradant état primitif en remplaçant leur
culture traditionnelle et rudimentaire par celle plus vaste de la métropole »,
telle aurait été l'intention qui aurait poussé les missionnaires à accompagner
l'armée en se faisant les apôtres de la révélation évangélique et les maîtres
de la lecture, de l'écriture et du calcul en langue portugaise4.
Les faits ont démenti cette théorie. Plusieurs auteurs ont déjà analysé de
façon approfondie les objectifs réels et les méthodes de la colonisation portu-
3. Nous préférons l'analyse de Gramsci à celles de Louis Althusser (Idéologie et appareils
idéologiques d'Etat, La Pensée, Paris, 1970) ou de Pierre Bourdieu - Jean-Claude Passeron
(La Reproduction, Paris, Minuit, 1970) dans la mesure où, en ne tenant compte que du rôle
des faits culturels dans la reproduction d'un mode de production donné, leurs théories peuvent
servir à analyser le passé colonial du Mozambique mais s'avèrent inadéquates quand on passe
à l'analyse de la guerre de libération nationale et de la transition socialiste. Par contre, l'œuvre
de l'auteui italien fournit les instruments conceptuels utiles à l'analyse à la fois de la repro
duction et de la transformation du pouvoir.
4. Manuel Ferreira Rosa, O ponto e 0 rumo do ensino ultramarino, Porto, Ed. Lello, 1973,
p. 77 et 188. DÉVELOPPEMENT AU MOZAMBIQUE . 191
gaise ainsi que leurs effets dans le domaine culturel en général, et éducatif,
en particulier6.
Il surfit donc de rappeler que même au plus fort de son expansion, en 1974,
le système scolaire touchait à peine plus d'un demi-million d'élèves sur une
population d'environ dix millions d'habitants. Au moment de l'indépendance,
près de 90 % de la population étaient analphabètes.
Le pourcentage du pnb que le gouvernement colonial consacrait à l'édu
cation était le plus bas de toute l'Afrique et était essentiellement investi dans
les zones occupées par les colons, le reste du pays étant pratiquement sans
écoles.
Au Mozambique, l'école naît donc de la nécessité de former les fils des
colons à assumer la direction économique et politique du pays.
Une colonisation effective exigeait, de fait, l'homogénéité et la cohésion
idéologique de ses protagonistes, d'origines socio-économiques et culturelles
assez diverses.
C'est ainsi que l'école, faite pour intégrer la classe dominante et en assurer
la reproduction, s'est structurée en tant qu' « éducation par le non-travail ».
Pour la majorité des Mozambicains qui était destinée à fournir de la main-
d'œuvre à bon marché pour les mines des pays voisins, pour l'exploitation
agricole du pays et pour la construction de l'infrastructure nécessaire au
projet colonial, qui était soumise aux travaux forcés et aux cultures obli
gatoires — le processus éducatif a continué, au contraire, à être ce que l'on
appelle généralement Véducation traditionnelle.
Dans c

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