Dix ans d'expérience de prévision de l'emploi - article ; n°3 ; vol.16, pg 427-446

Françoise Leridon

Description

Population - Année 1961 - Volume 16 - Numéro 3 - Pages 427-446
souffrances pour les travailleurs, suivant que l'on laisse l'évolution se faire d'elle-même ou que l'on essaie de la prévoir et d'agir en conséquence sur l'orientation des hommes, sur les investissements, etc. La question de l'emploi est une des préoccupations essentielles du Commissariat général au Plan. Depuis dix ans, des prévisions sont faites sur la population active. Mlle Françoise Leridon, qui travaille auprès de M. J. Fourastié à l'I.N.E.D. et dont les recherches portent principalement sur l'emploi, expose ici les résultats obtenus depuis dix ans.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Sujets

• Sociologie, société et politique

Informations

• Publié par: POPULATION0
• Publié le: 01 janvier 1961
• Nombre de lectures: 9
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Françoise Leridon
Dix ans d'expérience de prévision de l'emploi
In: Population, 16e année, n°3, 1961 pp. 427-446.
Résumé
souffrances pour les travailleurs, suivant que l'on laisse l'évolution se faire d'elle-même ou que l'on essaie de la prévoir et d'agir
en conséquence sur l'orientation des hommes, sur les investissements, etc. La question de l'emploi est une des préoccupations
essentielles du Commissariat général au Plan. Depuis dix ans, des prévisions sont faites sur la population active. Mlle Françoise
Leridon, qui travaille auprès de M. J. Fourastié à l'I.N.E.D. et dont les recherches portent principalement sur l'emploi, expose ici
les résultats obtenus depuis dix ans.
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Leridon Françoise. Dix ans d'expérience de prévision de l'emploi. In: Population, 16e année, n°3, 1961 pp. 427-446.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pop_0032-4663_1961_num_16_3_9842ANS D'EXPÉRIENCE DIX
DE PRÉVISION DE L'EMPLOI
Les recherches en matière d'emploi tenaient, jusqu'à une date
récente, une place très réduite sinon nulle dans la science éc
onomique. Les études portaient sur le chômage mais non sur
l'emploi. Depuis quelques années (particulièrement depuis 1945)
certains économistes, (Fisher,Colin Clark, J. Fourastié) ont mont
ré l'influence prépondérante du facteur emploi sur la vie éc
onomique; les recherches en ce domaine se sont développées après
la guerre, en France particulièrement.
Ces études ont mis en évidence les profondes transformations
de la répartition de la main-d'œuvre entre les diverses branches
d'activité au cours du développement économique. C'est un véri
table cheminement.
La cause première de cette évolution est le progrès technique.
En effet, au cours de la période traditionnelle, une main-d'œuvre
à peu près numériquement constante produisait une quantité de
biens également constante; seules, les variations aléatoires des
conditions météorologiques modifiaient le volume annuel des
récoltes.
Le progrès technique a bouleversé cette stabilité ancienne,
l'a même détruite et a permis d'obtenir, avec un même nombre
de travailleurs, un accroissement du volume de la production
et une diversification de la nature des produits. Depuis lors,
les effets du progrès technique n'ont cessé de s'accentuer, mais
de façons diverses selon les secteurs. Et par ailleurs, la consom
mation a augmenté de façon très inégale selon les produits.
Ces modifications de la production, en quantité et en qualité,
commandent une modification de la répartition de la main-
d'œuvre.
Le plein emploi en période de croissance économique est
incompatible avec la stabilité de l'emploi. Les déplacements de
main-d'œuvre, nécessaires pour adapter la production à la
demande de la consommation, et l'orientation appropriée d'une
main-d'œuvre nouvelle sont donc une condition de l'équilibre
et de la croissance économique (1). Les déplacements se font
toujours, mais avec plus ou moins de retard, plus ou moins de
difficultés, plus ou moins de heurts, de mécontentements et de
W Ces idées, maintenant assez largement répandues, et couramment admises, ne le sont
que depuis une date récente ; cf. notamment Jean Fourastié : « L'économie française dans I e
monde » (lre édition 1945) et « Le grand espoir du XXe siècle » (lre édition 1948). 428 DIX ANS D'EXPÉRIENCE DE PRÉVISION DE L'EMPLOI
souffrances pour les travailleurs, suivant que l'on laisse l'évo
lution se faire d'elle-même ou que l'on essaie de la prévoir et
d'agir en conséquence sur l'orientation des hommes, sur les
investissements, etc.
La question de l'emploi est une des préoccupations essent
ielles du Commissariat général au Plan. Depuis dix ans, des
prévisions sont faites sur la population active.
Mlle Françoise Leridon, qui travaille auprès de M. J. Fou-
rastié à l'I.N.E.D. et dont les recherches portent principalement
sur l'emploi, expose ici les résultats obtenus depuis dix ans.
La nécessité de prévoir les orientations souhaitables de l'économie, afin de
permettre le meilleur développement possible du pays, est apparue de façon
particulièrement urgente au lendemain de la dernière guerre. La rareté des
matières premières et des ressources financières demandait, en effet, d'en
assurer la meilleure utilisation possible, afin d'accroître rapidement la pro
duction et d'éviter une détérioration du niveau de vie de la population. Cet
objectif posait des options sur les secteurs à développer en priorité et obligeait
à utiliser d'une façon concertée toutes les disponibilités nationales, humaines
et financières.
Le plan Monnet. C'est pourquoi un décret du 3 janvier 1946 prescrivit
l'établissement d'un premier plan d'ensemble pour la
modernisation et l'équipement économique du pays. Ce plan, était-il précisé,
devait avoir notamment pour objet :
— de développer la production nationale et les échanges extérieurs;
— d'accroître le rendement du travail;
— d'assurer le plein emploi de la main-d'œuvre;
— d'élever le niveau de vie de la population.
Cette tâche était confiée à un organisme nouveau, nommé Commissariat
général du Plan, à qui était imparti un délai de six mois pour l'exécution de
ses travaux et la présentation de ses conclusions.
Bien que la pénurie ait disparu vers 1949, et que la nécessité d'orienter
les divers secteurs de l'économie ne se fasse plus sentir avec autant d'évidence
et d'urgence, le caractère bénéfique d'un tel plan — précisant les lignes direc
trices d'orientation souhaitables de l'économie — est apparu assez nettement
pour que l'étude d'autres plans de développement quinquennaux ait été
confiée au Commissariat du Plan.
Nous voyons donc que, dès le premier Plan, un des objectifs principaux
était d'assurer le plein emploi de la main-d'œuvre et pour cela de prévoir
son orientation. L'objet de cet article est précisément de voir quelles ont été
les méthodes et les résultats des travaux effectués par le Commissariat du DIX ANS D'EXPÉRIENCE DE PRÉVISION DE L'EMPLOI 429
Plan en ce domaine. Une première partie analysera les méthodes possibles
d'une prévision de l'emploi. Une deuxième partie sera consacrée à une étude
critique de la concordance entre les prévisions et les réalisations.
Première partie
LES MÉTHODES
Le mécanisme économique. La prévision de l'emploi ne saurait se faire en
dehors d'un cadre plus vaste de prévision éco
nomique. En effet, ce que l'on appelle l'équilibre économique est essentiell
ement un équilibre entre la production et la consommation. Il s'agit non de
consommer absolument ce que l'on a produit, mais de produire ce que la
population désire consommer. Il faut donc adapter la production à la demande
de la consommation et cette adaptation se fait principalement par l'inte
rmédiaire de la population active, qui en se déplaçant d'une activité vers une
autre, d'un secteur vers un autre, permet de modifier la structure de la pro
duction. Finalement, pour déterminer l'orientation souhaitable de la main-
d'œuvre, il faut connaître la structure souhaitée de la production, connaissance
qui suppose une prévision de la consommation.
Chacune des deux grandeurs — production et consommation — est sou
mise, mais plus ou moins directement et indépendamment l'une de l'autre, à
l'influence du progrès technique. Il n'est pas nécessaire de développer ici
les effets directs du progrès technique sur la production : découverte de
nouvelles matières premières, de nouvelles formes d'énergie, de nouvelles
machines ou de nouvelles techniques de travail.
Sur la consommation, les effets du progrès technique, pour être sans doute
moins évidents, n'en sont pas moins certains. En effet, l'augmentation du
volume et de la valeur de la production par travailleur permet une augment
ation des salaires et des revenus; toute modif