Du fait divers à l histoire sociale. Criminalité et moralité en Sicile au début de l époque moderne - article ; n°1 ; vol.28, pg 226-246
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Du fait divers à l'histoire sociale. Criminalité et moralité en Sicile au début de l'époque moderne - article ; n°1 ; vol.28, pg 226-246

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Description

Annales. Économies, Sociétés, Civilisations - Année 1973 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 226-246
21 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 78
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Carmelo Trasselli
Maurice Aymard
Monique Aymard
Du fait divers à l'histoire sociale. Criminalité et moralité en Sicile
au début de l'époque moderne
In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 1, 1973. pp. 226-246.
Citer ce document / Cite this document :
Trasselli Carmelo, Aymard Maurice, Aymard Monique. Du fait divers à l'histoire sociale. Criminalité et moralité en Sicile au
début de l'époque moderne. In: Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 28e année, N. 1, 1973. pp. 226-246.
doi : 10.3406/ahess.1973.293340
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1973_num_28_1_293340fait divers à l'histoire sociale : Du
Criminalité et moralité en Sicile
au début de l'époque moderne
Le xvie siècle sicilien est généralement placé sous l'étiquette « Sicile espa
gnole », et, plus grave encore, confondu dans une prétendue unité historique
avec Г Italie méridionale : comme si l'union personnelle sous Ferdinand le
Catholique avait annulé d'un coup des différences séculaires.
Sans aucun doute la Sicile a connu des événements et des manifestations
spirituelles qui peuvent se replacer dans le cadre général de la domination
étrangère, ou dans celui, plus vaste encore, de la Renaissance. Mais on n'a
jamais sérieusement cherché si la Sicile conservait encore au début du xvie siècle
son individualité, et si les groupes sociaux les plus en vue — feudataires et
patriciats urbains — avaient des aspirations propres que le déclin de la culture
juridique spécifiquement sicilienne n'avait pas encore nivelées.
Une des conséquences les plus manifestes de l'imprimerie fut en effet l'entrée
massive en Sicile d'œuvres juridiques italiennes : elles remplirent les bibli
othèques des juristes et des magistrats, tandis que des œuvres d'excellents
juristes siciliens du xve siècle ne connurent jamais les honneurs de l'impression.
Le xvie siècle vit fleurir le commerce des livres publiés à Venise ou à Lyon ;
mais si quelques volumes de « Coutumes municipales » siciliennes furent impri
més à Venise, les éditions de sources législatives se comptent sur
les doigts d'une main, et le seul traité de droit sicilien — en fait une practica —
fut imprimé à Palerme vers l'extrême fin du siècle parce qu'à Venise cela aurait
coûté trop cher. Les livres étrangers et les études faites par les jeunes Siciliens
dans les universités du continent contribuèrent certainement à atténuer cette
« sicilianité » encore perceptible au xve siècle, mais nous ne pouvons pas dater
avec précision cette mutation culturelle. Il s'agit du reste d'un phénomène
complexe, qui se répétera à la fin du xixe siècle et au xxe, et sur lequel nous
ne semblons pas posséder encore les données suffisantes pour une discussion.
Les toutes premières années du gouvernement de Charles Quint furent
marquées par trois faits : en 1516, la révolte contre le vice-roi Ugo Moncada ;
en 15 17, la révolte contre le vice-roi Monteleone, dirigée par Squarcialupo ;
en 1522-23, la découverte de la conjuration des frères Imperatore, qui tendait
à substituer la domination de la France à celle de l'Espagne. Le troisième de
226 С. TRASSELLI CRIMINALITÉ EN SICILE
ces faits se rattache à la rivalité entre Charles Quint et François Ier et aux
luttes entre cardinaux de la Curie romaine. Mais l'on n'a jamais précisé l'éven
tualité de parallélismes avec la révolte des Comuneros, ou de rapports avec
Jeanne la Folle et Ferdinand, frère de Charles Quint. Et l'on ne comprend
pas mieux la signification de la conquête de Tripoli, ni le but réel de cette
expédition qui, après le sanglant succès initial, se transforma en une charge
financière épuisante pour l'île, dénuée de tout résultat positif.
Ces faits, l'historiographie les a diversement interprétés. Commentant la
conjuration des frères Impératore, Sandoval, le biographe de Charles Quint,
la jugeait seulement inspirée par des raisons personnelles, et en indiquait au
moins une parfaitement valable, à savoir la rivalité entre deux familles du
patriciát urbain de Palerme. Au siècle dernier, au contraire, on voulut en faire
une conjuration anti-espagnole, précédée par les révoltes de 1516 et 1517,
présentées elles aussi comme des révolutions patriotiques, presque annonciat
rices du Risorgimento. Quant à l'expédition de Tripoli, elle ne fut pas replacée
dans le cadre d'entreprises analogues inspirées par le cardinal Cisneros, ni
considérée comme une simple expédition de piraterie ; mais on l'interpréta
comme une sorte de reprise de la politique africaine des rois normands de Sicile,
alors qu'on peut démontrer qu'elle ne fut jamais « vécue » par la population
sicilienne, et qu'elle provoqua des émeutes contre les troupes espagnoles, et
la première pénétration dans l'île des marchands d'armes de Lombardie.
Notons-le pour le lecteur non sicilien : à peine monté sur le trône de Sicile,
Ferdinand le Catholique avait entrepris un lent mais systématique démantèle
ment de l'autonomie sicilienne. Toutes les occasions lui avaient été bonnes
pour réduire l'autorité des feudataires et limiter le pouvoir de décision des
fonctionnaires locaux.
Dès son arrivée en Sicile en 1509, le vice-roi Ugo Moncada interdit toute
correspondance directe entre les maestri razionali (officiers chargés de la révision
des comptes) et la Couronne. Peu après, contrairement à toute la tradition
sicilienne présentant le rattachement à l'Espagne comme une simple « union
personnelle », il se proclame « gouverneur de province » et non le « remplaçant
du roi ».
Son prédécesseur, Remon Cardona, écoutant les plaintes des vassaux
contre les feudataires, avait traduit en justice de nombreux barons. Nommé
à Naples, il fut récompensé par la charge de maestro giustiziere. Normalement
réservée à un Sicilien, cette charge, qui faisait de son titulaire le substitut du
vice-roi en cas d'absence de celui-ci, passait ainsi entre les mains d'un Espagnol.
En même temps, celle de chancelier, mise en vente par Requesens, était refusée
à un candidat sicilien, Federico Impératore, pour être achetée par un autre
Espagnol.
C'est dans ce climat qu'à la mort de Ferdinand le Catholique, Palerme,
sous l'impulsion des feudataires, expulsa Moncada qui trouva refuge à Messine.
Pendant que les deux camps envoyaient leurs ambassadeurs à Charles Quint
la révolte s'étendit rapidement dans l'île. L'année suivante, après la nomination
d'un nouveau représentant du roi, le comte de Monteleone, une nouvelle émeute
palermitaine, guidée par Gian Luca Squarcialupo, membre d'une famille du
patriciát palermitain au bord de la ruine, provoquait l'assassinat de plusieurs
« officiers » fidèles à Moncada et le pillage des maisons de divers autres. La
révolte écrasée, pendant que le vice-roi faisait le tour de l'île pour y rétablir
l'ordre, un nouveau complot prenait corps, celui des frères Impératore, en
227 PRATIQUES ET CULTURES
faveur des Colonna, et, derrière ceux-ci, de la France. Deux grands officiers,
le trésorier et le maître-portulan, dont les abus avaient été mis en lumière par
la révision des comptes ordonnée par Moncada et poursuivie par son successeur,
appuyaient la conjuration, elle aussi vouée à l'échec.
Tous ces troubles échappent à l'analyse, faute d'une connaissance autre que
superficielle de la société insulaire : telle est la lacune que voudrait contribuer
à combler, pour les années 1490-1525, l'enquête sur les mœurs et la moralité
privée dont nous proposons ici les premiers résultats.
Parmi les légendes historiques siciliennes on trouve celle de la rigueur des
mœurs sexuelles, du sens de l'honneur, du respect pour la femme. En fait on
ne trouve rien de tel à la fin du xve et au début du xvie siècle. L'immoralité
— selon nos normes — est quotidienne, et, loin d'être condamnée au nom d'un
modèle général d'austérité, semble acceptée, admise par tous, en dehors de
quelques

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