Du modèle aux pratiques : ambivalence de la filiation et de l alliance chez les Rgaybat de l ouest-saharien - article ; n°133 ; vol.35, pg 33-50
19 pages
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Du modèle aux pratiques : ambivalence de la filiation et de l'alliance chez les Rgaybat de l'ouest-saharien - article ; n°133 ; vol.35, pg 33-50

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Description

L'Homme - Année 1995 - Volume 35 - Numéro 133 - Pages 33-50
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 18
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Sophie Caratini
Du modèle aux pratiques : ambivalence de la filiation et de
l'alliance chez les Rgaybat de l'ouest-saharien
In: L'Homme, 1995, tome 35 n°133. pp. 33-50.
Citer ce document / Cite this document :
Caratini Sophie. Du modèle aux pratiques : ambivalence de la filiation et de l'alliance chez les Rgaybat de l'ouest-saharien. In:
L'Homme, 1995, tome 35 n°133. pp. 33-50.
doi : 10.3406/hom.1995.369876
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1995_num_35_133_36987633
Sophie Caratini
Du modèle aux pratiques : ambivalence
de la filiation et de l'alliance
chez les Rgaybât de l'ouest- saharien1
chez Sophie les Caratini, Rgaybât de Du V modèle ouest-saharien. aux pratiques — Cet : ambivalence article s'inscrit de dans la filiation une réflexion et de l'alliance épisté-
mologique sur la construction des schémas de parenté. Il tend à montrer comment la
recherche peut se développer au delà de la modélisation par un nouvel examen des pra
tiques qui utilise le modèle comme une sorte de mesure-étalon. Ainsi sont présentées
quatre phases de l'histoire des Rgaybât au cours desquelles ont prévalu quatre stratégies
parentales différentes: la période mythique, l'époque de la conquête territoriale, la
colonisation et le processus contemporain de décolonisation. À la lumière des modèles
précédemment construits, cet examen permet d'approfondir la connaissance de la
société rgaybât et d'affiner en retour la compréhension du système de parenté, en ce
qu'il met au jour la relation dialectique qui unit l'ambivalence des pratiques et l'ambi
valence des discours.
Les Rgaybât sont probablement les plus grands nomades du Sahara :
jusqu'au milieu de ce siècle, certains d'entre eux parcouraient plus de
mille kilomètres par an pour mener paître leurs troupeaux sur les pâtu
rages verts de leur immense domaine. Une terre qu'ils ne sont pas seuls à par
courir, mais dont ils sont les maîtres jusqu'en 1934, date de la jonction des
troupes françaises des confins algéro-marocains et de la Mauritanie. Ils consti
tuent alors une qabïla (plur. qabä'il) — terme généralement traduit par
«tribu»2 — forte de 30 000 personnes environ et riche d'un territoire de
400 000 km2. Leurs terrains de parcours s'étendent du nord au sud, du wâd
Dar 'a à la lisière saharienne du Maroc méridional, jusqu'aux ergs qui bordent
1. La translittération des termes arabes applique les règles établies par l'Organisation internationale de
Normalisation (ISO/R. 233, 1961, F.).
2. « Tribu » a été utilisé par les premiers orientalistes qui croyaient retrouver, dans la qabïla bédouine,
les tribus de la Bible. Chargé de connotations évolutionnistes, puis fonctionnalistes, le mot avait été
supprimé du vocabulaire anthropologique concernant les sociétés arabes par le mouvement marxiste
des années 60-80. Il vient d'être remis à l'honneur par P. Bonté, E. Conte, C. Hamès et Abdel
Wedoud Ould Cheikh qui considèrent qu'il faut « rendre légitime l'usage d'un concept qui corres
pond à une réalité sociale et culturelle profondément ancrée dans le monde arabe » (Bonté, Conte,
Hamès, Ould Cheikh 1994 : 15).
L'Homme 133, janv.-mars 1995, pp. 33-50. 34 SOPHIE CARATINI
Le nord-ouest saharien (frontières actuelles)
Carte établie par J. Barathon. et alliance 35 Filiation
le massif de 1' Adrar mauritanien, et d'ouest en est de l'océan Atlantique aux
confins du monde touareg.
Après un rappel du modèle de filiation et d'alliance qu'il est possible de
construire d'après les représentations rgaybät, je m'efforcerai de montrer, par
des exemples concrets, qu'à l'ambivalence du discours sur l'alliance et la filia
tion répondent des pratiques contradictoires.
1. ALLIANCE ET FILIATION
On ne crée pas une qabîla en un jour et, dans ces régions arides, l'accès aux
richesses naturelles ne s'acquiert pas sans luttes. Le maître mot de ce double
processus est l'union, car l'union du plus grand nombre fait la force. C'est le
premier enjeu de l'alliance matrimoniale.
Parler d'alliance chez les Rgaybät, c'est déjà parler de filiation, puisque
tous les membres d'une qabîla se définissent en premier lieu comme les des
cendants directs, en ligne patrilinéaire, d'un ancêtre commun. Le discours sur
l'alliance matrimoniale lui-même s'appuie sur la relation de filiation : le
modèle arabe, ici recommandé, privilégie le mariage avec le fils du frère du
père, wuld al-'amm, qui désigne aussi bien le cousin parallèle patrilinéaire
direct que le descendant du frère de n'importe quel aïeul en ligne paternelle.
Wuld, traduit d'une manière restrictive par « fils » en français, se réfère en
arabe à tous les descendants d'un homme, quelle que soit la profondeur généa
logique. Le seul critère retenu, connoté par cette expression, est donc la patrili-
néarité. De même, gàdd peut être le grand-père paternel, l'ancêtre éponyme de
la fraction tout entière, ou même celui de la qabîla. Quant à 'amm, qu'on tra
duit par « oncle paternel », ou « frère du père », il englobe tous les hommes des
générations précédentes qui sont dans un rapport de patrilatéralité avec le
fiancé, tous les collatéraux masculins des hommes de sa lignée. En ce sens, le
mariage préférentiel ne donne aucune indication sur la distance généalogique
ou le degré de collatéralité qui doit être pris en compte. Le caractère strictement
endogamique de cette alliance n'apparaît que dans la traduction française limi
tative de wuld al-'amm par « fils du frère du père ». La seule forme d'endoga-
mie prescrite est la circulation des femmes à l'intérieur de la qabîla.
La première fonction du mariage, manifeste dans le discours, est de renfor
cer l'union entre les descendants du premier fondateur. A partir des représentat
ions, on peut donc construire plusieurs modèles de l'alliance matrimoniale
puisque toutes les cousines (parallèles et croisées, patrilatérales et matrilaté-
rales) sont épousables théoriquement. Toutes peuvent être nommées « filles
(descendantes) d'oncle paternel », car, toutes, elles se rattachent à des lignages
issus de l'ancêtre éponyme.3
3. Cf. Caratini 1989 a. 36 SOPHIE CARATINI
1.1. L'ambivalence de l'alliance
De fait, tout au long de son histoire et par l'échange des femmes, la qabïla
consolide les liens qui unissent ses membres. Toutefois, les pratiques dénotent
une forme de perversion de cette recommandation initiale, car s'il est dit que les
femmes doivent circuler, le sens de cette circulation n'est pas préétabli. En outre,
l'union du plus grand nombre ne saurait être réalisée par le simple accroissement
biologique des descendants de l'ancêtre éponyme. Ainsi la qabïla donne-t-elle
des femmes à l'extérieur, soit lorsqu'elle cherche à s'accroître en absorbant des
individus isolés ou des groupes affaiblis, soit pour sceller des alliances poli
tiques au plus haut niveau. Il est évident que le rang des femmes données dans
l'un et l'autre cas n'est pas le même. L'intégration d'étrangers peut concerner
soit l'ensemble de la qabïla (s'il s'agit d'une fraction entière, comme cela s'est
produit à l'époque de la genèse), soit un seul segment (lorsqu'un individu isolé
ou une famille nucléaire s'incorporent à un lignage). Quelle que soit la conjonct
ure, l'objectif est toujours d'agrandir le groupe et de fortifier la position des
Rgaybât dans le paysage politique des qabä'il de la région.
Ceux qui souhaitent devenir rgaybât commencent par se mettre sous la pro
tection, ou dans la mouvance, d'un notable de leur choix. Ils permettent en
retour à une faction rgaybât d'augmenter le nombre de ses partisans. Car les
étrangers incorporés (dhïla, de l'arabe dahala « entrer ») sont des gendres capt
és. Cette politique d'attraction intéresse autant l'ensemble du groupe que les
lignages dominants qui cherchent ainsi à conforter leur position dans la qabïla.

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