Du romantisme allemand au patriotisme russe : le parcours de Nicolas Gogol - article ; n°92 ; vol.26, pg 87-100
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Romantisme - Année 1996 - Volume 26 - Numéro 92 - Pages 87-100
Katia Dmitrieva évoque à propos de Nicolas Gogol le passage de la littérature romantique allemande à la littérature russe et un singulier parcours du romantisme allemand vers le patriotisme russe. Les Soirées du hameau près de Dikanka (1831), où certains ont pu voir une illustration quasi ethnographique de la culture populaire d'Ukraine, sont en fait traversées de motifs littéraires que Gogol emprunte aux romantiques allemands et métamorphose en littérature slave.
Regarding Nicolas Gogol, Katia Dmitrieva evokes his passage from Germon romantic lite-rature to Russian literature, and a remarkable journey from German romanticism to Russian patriotism. Evenings in a Hamlet near Dikanka (1831), in which some have been able to see a completely ethnographical illustration of popular Ukranian culture, is in fact full of literary motifs that Gogol tookfrom German romantists and metamorphosized in to Slavonic literature.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Mme Katia Dmitrieva
Du romantisme allemand au patriotisme russe : le parcours de
Nicolas Gogol
In: Romantisme, 1996, n°92. Romantisme vu de russie. pp. 87-100.
Résumé
Katia Dmitrieva évoque à propos de Nicolas Gogol le passage de la littérature romantique allemande à la littérature russe et un
singulier parcours du romantisme allemand vers le patriotisme russe. Les Soirées du hameau près de Dikanka (1831), où
certains ont pu voir une illustration quasi ethnographique de la culture populaire d'Ukraine, sont en fait traversées de motifs
littéraires que Gogol emprunte aux romantiques allemands et métamorphose en littérature slave.
Abstract
Regarding Nicolas Gogol, Katia Dmitrieva evokes his passage from Germon romantic lite-rature to Russian literature, and a
remarkable journey from German romanticism to Russian patriotism. Evenings in a Hamlet near Dikanka (1831), in which some
have been able to see a completely ethnographical illustration of popular Ukranian culture, is in fact full of literary motifs that
Gogol tookfrom German romantists and metamorphosized in to Slavonic literature.
Citer ce document / Cite this document :
Dmitrieva Katia. Du romantisme allemand au patriotisme russe : le parcours de Nicolas Gogol. In: Romantisme, 1996, n°92.
Romantisme vu de russie. pp. 87-100.
doi : 10.3406/roman.1996.4269
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/roman_0048-8593_1996_num_26_92_4269DMITRIEVA Katia
Du romantisme allemand au patriotisme russe
le parcours de Nicolas Gogol
Un livre parfaitement romantique
En 1831 parurent à Pétersbourg Les Soirées du hameau près de Dikanka, début li
ttéraire de Nicolas Gogol, considéré ultérieurement comme le fondateur de l'école réa
liste dans la littérature russe l. Le livre contenait quatre nouvelles (La Foire de
Sorotchintsy ; La Nuit de la Saint-Jean ; Une nuit de mai ou la noyée ; La Dépêche
disparue) dont l'action se déroulait dans l'Ukraine profonde. Elles étaient réunies par
le personnage du narrateur, naïf et candide (l'apiculteur Rudyj Pan 'ko - Panko le
Rouge). Le livre rencontra, au début, une critique particulièrement favorable, même
chez les juges les plus sévères. Ainsi Pouchkine, maître indéniable de la littérature
russe vers 1831, membre, avec Piotr Viazemski et Anton Delvig du groupe de
« l'aristocratie littéraire », réputé pour son goût dans le domaine littéraire, déclara
aussitôt dans une lettre adressée à Voïeikov :
Je viens de lire Les Soirées sur le hameau de Dikanka. Elles m'ont fort surpris, voilà
une vraie gaîté, sans contrainte, sans préciosité, sans pruderie. Et en même temps quelle
poésie ! Quelle sensualité ! Tout cela est tellement extraordinaire dans notre littérature
contemporaine, que je ne puis toujours pas m'en remettre. On m'a raconté que quand
l'éditeur était entré dans l' imprimerie où on préparait les Soirées les imprimeurs ont
commencé à ricaner [...]. Molière et Fielding auraient été heureux d'avoir fait rire leurs
imprimeurs. Je félicite le public pour ce livre parfaitement gai et je souhaite, de tout
mon cœur, d'autres succès à l'auteur. Au nom de Dieu, prenez sa défense, si les journal
istes l'attaquent, comme d'habitude, pour Vindécence de ses expressions, le mauvais
ton, etc. Il est grand temps de tourner en dérision les précieuses ridicules 2 de nos
lettres, les gens qui ne parlent que de « belles lectrices » que nous n'avons jamais eues,
de la haute société où ils ne sont pas admis... 3.
Pouchkine, qui se dresse contre le goût pseudo-classique régnant jusqu'alors dans
la littérature russe, souligne plus particulièrement le caractère peu traditionnel du livre
de Gogol. Ainsi, sans prononcer le mot, il le classa, en l'occurrence, dans le camp
romantique. Car c'est encore l'ami de Pouchkine, Piotr Viazemski, qui, la préfa
ce au poème de Pouchkine La Fontaine de Bakhtchisaraï (1823), avait formulé la dis
tinction paradigmatique entre le romantisme et la littérature dite classique, se basant
1. Voir Nicolas Gogol, Les Soirées du hameau près de Dikanka. Récits publiés par l'apiculteur Panko
le Rouge. Préface et traduction de M. Aucouturier. Paris, Gallimard, 1989. En fait, le vrai début littéraire de
Gogol eut lieu un an avant, avec la publication anonyme de Ganz Kuchelgarten, poème imitant l'idylle de
J. Voss Louise, mais qui, en même temps, contenait bizarrement tous les thèmes centraux de l'œuvre ulté
rieure de Gogol. Le poème fut sévèrement désapprouvé par la critique, ce qui poussa Gogol à racheter les
exemplaires imprimés dans les librairies et à les brûler.
2. L'expression en italique était en français chez Pouchkine.
3. Alexandre Voëïkov, à l'époque rédacteur en chef du Supplément littéraire de L'Invalide russe, ne
tarda pas à publier la lettre de Pouchkine dans sa revue, Literaturnye pribavlenija k Russkomu Invalidu,
1831, n° 79, le 3 octobre.
ROMANTISME n°92 (1996-2) 88 Katia Dmitrieva
essentiellement sur les notions d'imitation et d' originalité. Cette approche fut entièr
ement partagée par Pouchkine, lui-même pensant, quatre ans plus tard, sa tragédie
Boris Godounov en termes de tragédie « véritablement romantique », ne fût-ce qu'à
cause de sa forme novatrice (à vrai dire, Boris Godounov, considéré ultérieurement
dans la critique russe comme « sommet » du drame réaliste, avait peu de choses en
commun avec les drames romantiques que connurent les littératures des pays de
l'Europe, tels que les de Byron, de Tieck ou d'Alfred Musset).
D'autres critiques des Soirées du hameau près de Dikanka furent, eux aussi,
presque unanimes dans leur perception de l'œuvre de Gogol comme allant au-devant
des nouvelles tendances romantiques, mais cela pour des raisons assez différentes.
Les uns ont vite remarqué des traces du romantisme européen. N. Nadejdin, rédacteur
en chef de la revue moscovite Télescope, trouva une coïncidence frappante, au niveau
de la fable, entre La Nuit de la Saint-Jean et la nouvelle de L. Tieck Amour et magie
(Liebeszauber), dont la traduction en russe avait été publiée dans la revue Galatéja un
an avant 4. Nikolai Polevoi, auteur de la seule critique négative sur le premier livre
des Soirées (en 1832 parut le deuxième, qui boucla le cycle) 5, signala plus particuli
èrement l'intention de Gogol d'imiter Walter Scott en tout ce qui concerne la narra
tion. Le personnage de Panko le Rouge lui parut par exemple une « reprise
maladroite » des narrateurs du grand romancier écossais 6.
Pour certains, par contre, Les Soirées se présentaient plutôt comme de la fiction
ethnographique, mais toujours conforme aux exigences de l'époque romantique. Car
les sujets des nouvelles, tirés de la littérature orale de l'Ukraine et dépeignant la vie
de tous les jours dans cette partie relativement mal connue de la Russie, s'inscrivaient
bien dans les discussions sur l'esprit national (narodnost ') et sur les rapports entre
différentes cultures nationales. Ces discussions, engendrées encore par les Lumières
allemandes, marquèrent surtout l'époque du romantisme en Russie, mais ne s'arrêtant
guère là, continuèrent à cerner les époques ultérieures du développement russe. On
peut ainsi citer le célèbre discours de Dostoïevski à l'occasion de l'inauguration du
monument de Pouchkine à Moscou, intitulé Un mot sur Pouchkine, 1880 et dont le
thème central était l'esprit national ; on peut encore évoquer la place occupée par
l'esprit national dans l'œuvre des philosophes russes de la fin du XIXe et du début du
XXe siècles, tels VI. Soloviev, N. Berdiaev 7. Le même thème fut ensuite bizarrement
repris par Lénine, entre autres, dans l'article En mémoire de Herzen, 1912, devenu
crucial pour l'idéologie soviétique.
Donc, ce fut une attitude générale vis-à-vis de « l'art populaire », susceptible de
servir de « source pure et authentique de l'écriture » (le terme est de Wilhelm
Kûchelbecker, théoricien de l'art romantique en Russie), qui suscita cet intérêt parti
culier pour le livre de Gogol et le situa parmi les œuvres de la nouvelle école, dite
romantique.
4. Nicolaï Nadejdin, « Vecera na hutore bliz' Dikan'ki N.V. Gogolja » dans Telescop, 1831, n° 20

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