Enfantillages. Notes sur la poésie orale de l enfance - article ; n°1 ; vol.5, pg 31-44
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Enfantillages. Notes sur la poésie orale de l'enfance - article ; n°1 ; vol.5, pg 31-44

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Description

Langage et société - Année 1978 - Volume 5 - Numéro 1 - Pages 31-44
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1978
Nombre de lectures 6
Langue Français

Extrait

J. Martin
Enfantillages. Notes sur la poésie orale de l'enfance
In: Langage et société, n°5, 1978. Septembre 1978. pp. 31-44.
Citer ce document / Cite this document :
Martin J. Enfantillages. Notes sur la poésie orale de l'enfance. In: Langage et société, n°5, 1978. Septembre 1978. pp. 31-44.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/lsoc_0181-4095_1978_num_5_1_1079ENFANTILLAGES
Notes sur la Poésie Orale de l'Enfance
J. MARTIN
Université Montpellier III
"P-L-pe a song about a lamb"
W. BLAKE .Songs of Innocence. 1789
Cette étude s'écarte largement de mes habituels sentiers de
spécialité tout en restant en dedans du cercle de mes curio
sités. Il me sera donc beaucoup pardonné... D'autant que le sujet en
visagé semble frappé d'un lourd tabou, enfermé dans une conspiration
du silence qui le place, simultanément, à l'écart de la 'littérature
officielle' et des explorations systématiques. En effet, dans le mê
me temps où l'on voit se multiplier les recherches et les résultats
convergents dans les domaines de la psychologie de l'enfance, de la
psychologie génétique, dans l'étude des phénomènes d'apprentissage
et de socialisation de l'enfant, les discours poétiques adressés aux
jeunes enfants ou produits par eux ne trouvent que peu de place dans
ces études ou sont franchement oubliés. Cet oubli n'est pas dénué de - - 32
signification et mérite qu'on s'y arrête. Le mérite essentiel de
cette revue - du moins est-ce le profit que j'en tire - est de nous
inviter, sinon à l'éclectisme, du moins à faire sauter les barrières
traditionnelles de la recherche en sciences humaines, à contourner
les réserves imaginaires de spécialistes patentés pour regarder au-
delà, ailleurs , dans l'espace intermédiaire.
Entre autres "évidences oubliées", l 'ENFANCE. Il n'y a pas de
littérature pour / de / autour de l'enfance tant que cette notion
(fonction? sous-classe? nous y reviendrons ) n'a pas été reconnue
dans les sociétés occidentales.
L'enfance en tant que concept est une invention récente, par
ailleurs en voie de disparition. Avant le milieu du XVIIème siècle,
il n'y a pas, du point de vue des mentalités, des enfants mais des
'adultes en formation'. L'enfant demeure sans droit, sans position,
socialement 'transparent' tant qu'il n'a pas été admis - par des ri
tes ou coutumes plus ou moins explicites - dans la communauté des
adultes .
Ce n'est qu'avec l'avènement progressif d'une bourgeoisie de
marchands et de manufacturiers que la notion d'enfance va prendre
consistance. Elle est directement liée à la FAMILLE, cloisonnement
social où la Propriété se construit, se négocie et se transmet. L'en
fant devient le garant essentiel d'une transmissibilite des biens et
du pouvoir acquis. A ce titre, elle reçoit attention et considéra
tion dissimulées sous la fiction idéologiquement 'recevable' de
1 ' INNOCENCE qui connaîtra son plein épanouissement durant la période - - 33
Romantique .
Le XIXème siècle montre l'apogée de ce thème refondu dans le
mythe dominant du HEROS et de son apprentissage. Le début du XXème
introduit la dégradation progressive de ce même thème. La précocité
et l'émancipation de la jeunesse tendent à créer une rupture (savam
ment et artificiellement entretenue) entre les jeunes et les adultes.
Dans le même temps, la jeunesse accède précocement au statut de 'con
sommateur non producteur'. Cette mutation dans l'ordre établi suscite
chez les adultes un sentiment de suspicision mêlée de nostalgie se
traduisant par des conduites contradictoires : laxisme ou surcroît
d'exigences imposées à l'enfance. A cette heure, l'enfance disparait,
comme au début du XVIIème siècle, mais pour des raisons inverses, par
une assimilation abusivement précoce au monde des adultes.
Cette disparition de l'enfance correspond, dans le domaine des
productions discursives d'un groupe donné, à la marginalisation du
FOLKLORE, c'est-à-dire la projection spéculaire, selon les modes d'ex
pression et les pratiques les plus diverses, des mythes et croyances
d'un groupe social déterminé. Ce type de production accomplit, de
façon particulièrement nette dans la société pré-industrielle, une
fonction fondamentale: il est facteur de cohésion sociale et idéolo
gique. Avec l'installation d'une société de 'classes', le folklore
se trouve progressivement 'refoulé', c'est-à-dire expurgé, normalisé,
récupéré par les nouveaux systèmes de représentations et finalement,
rejeté au ghetto de l'enfance. L'enfant devient le dépositaire offi
ciel du folklore qui constitue l'une des composantes, nécessaire mais
transitoire, dans son apprentissage. - - 34
Le processus s'accompagne d'une dévalorisation sociale (à la
fois répressive et nostalgique) de cette pratique discursive: le fol
klore s'éloigne des villes et persiste dans les campagnes, il n'accède
jamais au statut supérieur de l'Ecrit, il quitte le centre des famil
les bourgeoises pour ré-apparaître 'en marge', relayé par les adul
tes 'non-productifs' : enfants, vieillards, domestiques, ou 'dévalo
risés', comme les femmes; tous ces traits se trouvant regroupés dans
1 ' image, pieusement entretenue, de la vieille domestique racontant en
cachette, à la veillée, aux enfants de la maison ses contes à dormir
debout.... expression qui rend assez bien compte d'une ambiguité des
mentalités à leur sujet.
Folklore et Enfance, que l'on voit liés de nécessité dès l'ins
tant où l'un et l'autre de ces concepts acquièrent droit de cité,
n'accèdent pas simplement l'un à l'autre. La dénomination commune de
'littérature enfantine' qui tendrait à les réunir, cache, sous pas
mal d' ambiguité, une réelle complexité des phénomènes observables. En
fait, il s'agit moins de réviser ou d'affiner une terminologie indi
gente que d'envisager ces productions en termes de structures discur
sives caractérisées par un faisceau de traits psycho-sociologiques.
Cette perspective permet d'éviter d'envisager ces discours comme des
"oeuvres" (avec les notions corrélatives d'auteur, création, etc.)
mais comme des phases successives d'un processus de transmission/
transformation s 'exerçant sur un pré-formé culturel.
(1) II faut, bien sûr, considérer comme une 'servitude expérimentale'
ou comme une simulation, les transcriptions ou enregistrements sur
lesquels nous avons travaillé. - - 35
On distingue trois phases dans la littérature de l'enfance,
des dominantes le plus souvent et non des classes fixes et étanches:
1) La littérature orale destinée aux tout jeunes enfants (jus
qu'à 4 ans environ). Elle est transmise par les adultes et reçue pas
sivement par l'enfant.
2) La littérature orale transmise par les enfants, pour leur
propre compte: transmission d'un pré-formé culturel limité à une sous-
classe d'âge (de 4 à 7 ans environ), mise à l'écart du groupe domi
nant quoique directement soumise à ses pressions.
3) La littérature enfantine, proprement dite, écrite par les
adultes ou récupérée par les enfants dans la littérature des adultes,
à destination d'enfants en âge de lire couramment. On quitte le do
maine des productions marginales pour retrouver la vérité des rapports
de forces sous-jacentes , ne serait-ce que dans cette disparité entre
un discours 'adressé' et un discours 'récupéré', caractéristique des
cultures en conflit.
Ces rapports ne se réduisent pas à de simples pressions idéolo
giques mais se compliquent, en l'occurrence, de phénomènes parasites
de projection et d'idéalisation (cf. Alice in Wonderland de L. CARROLL)
Cette dernière catégorie, plus traditionnelle, nous préoccupera moins
que les deux premières.
Cette étude se propose de mettre en application les concepts
et les procédures élaborés dans notre article : Pour une Typologïe
des Configurat

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