Folie avec conscience - article ; n°1 ; vol.16, pg 123-163
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Description

L'année psychologique - Année 1909 - Volume 16 - Numéro 1 - Pages 123-163
41 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1909
Nombre de lectures 28
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Extrait

Alfred Binet
Th. Simon
Folie avec conscience
In: L'année psychologique. 1909 vol. 16. pp. 123-163.
Citer ce document / Cite this document :
Binet Alfred, Simon Th. Folie avec conscience. In: L'année psychologique. 1909 vol. 16. pp. 123-163.
doi : 10.3406/psy.1909.3790
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/psy_0003-5033_1909_num_16_1_3790VI
POLIE AVEC CONSCIENCE
I. — HISTORIQUE
Esquirol, Morel. — Si l'on remonte à la première classification
des maladies mentales, à celle qui fait réellement date — nous
voulons parler de la classification de Pinel — , on s'aperçoit que la
folie avec conscience n'y figure pas; elle n'y figure ni en nom, ni
même comme idée. Pinel, chargé d'un important service à l'hospice
de la Salpêtrière, avait senti le besoin pratique de répartir tous ses
malades en catégories distinctes; et c'est de là, de ce besoin d'orga
nisation hospitalière qu'est née sa classification. Elle se compose
de quatre groupes : manie, mélancolie, démence, idiotie1. Il n'est
pas douteux que les malades dont nous allons maintenant nous
occuper auraient dû être rangés dans la mélancolie, car c'est une
folie qui présente, selon la notion que Pinel s'en était formée, un
objet circonscrit, et cette de folie à objet circonscrit est
importante dans la folie avec conscience; mais en réalité, on ne
trouve dans le traité de Pinel aucune observation reconnaissable de
folie avec conscience. Cela s'explique un peu. Ce sont des malades
qui restent le plus souvent, et encore aujourd'hui, en dehors de
l'asile, et la classification de Pinel, relativement étroite, ne porte pas
sur tous les troubles mentaux possibles et réellement existants,
mais seulement sur la population dont il était chargé.
C'est à Esquirol 2 que l'on doit la première notion des folies avec
conscience. Il en a saisi, nous ne dirons pas le caractère véritable,
mais du moins un des caractères les plus apparents, à savoir que
ce sont des folies limitées quant à leur objet, et laissant subsister à
côté d'elles la presque intégrité de l'intelligence. Les folies partielles
occupent dans son œuvre une place à part, il a créé à leur
intention un nouveau groupe, celui des monomanies. Le terme de
monomanie est du reste bien expressif. Dans ce groupe, il a fait
entrer comme première subdivision la mélancolie ou lypémanie,
qu'il caractérise simplement par une teinte particulière de dépres-
1. Pinel. Traité médico-philosophique sur V aliénation mentale, 1809,
p. 128 à 192.
2. Esquirol. Des maladies mentales, Paris, Baillière, 1832, t. I, p. 22
et 404. 124 MÉMOIRES ORIGINAUX
sion; et à côté de ces mélancoliques, ou monomanes avec passion
triste et oppressive, il place les monomanes avec passion excitante.
C'est dans cette seconde subdivision, très vaste, que figurent les
aliénés avec conscience. Plusieurs chapitres leur sont même
réservés; tous n'y sont pas, il est vrai, on y trouve seulement ceux
qui sont sujets à des impulsions, et d'une manière toute spéciale,
ceux dont l'impulsion a un but homicide.
Peut-on conclure de tout ceci qu'Esquirol a vu et bien compris la
folie avec conscience? Oui et non. Il n'en a eu qu'un sentiment
incomplet, et c'est fort naturel; mais précisons la raison pour
laquelle ce sentiment était à la fois juste et incomplet. Le terme de
folie partielle, nous lé remarquons ici pour la première fois, reste
tout à fait banal, si on ne le précise pas; et dans son sens banal il
conviendrait à une foule d'aliénés bien différents; le terme de
monomanie s'expose aux mêmes critiques. On peut l'employer pour
signifier au moins deux contrastes différents : le contraste entre
une intelligence bien saine ou relativement saine et une volonté
débile ; ou bien le contraste entre une partie d'intelligence restée
saine et une autre partie d'intelligence qui est délirante. Le premier
de ces contrastes se réalise seulement dans la folie avec conscience,
il en est la caractéristique; nous le montrerons plus loin avec
détails et preuves à l'appui.
Esquirol a insisté sur ce caractère, il l'a vu et bien compris; il
avait proposé le nom de monomanie instinctive i pour désigner le
groupe des malades dans lequel on le rencontre ; et l'on peut être
étonné par suite qu'il ne l'ait pas distingué complètement des
autres formes de folie partielle, c'est-à-dire des cas où le contraste
a lieu entre deux parties d'intelligence; cependant il ne l'a pas fait;
on ne peut donc pas dire qu'il ait compris la folie avec conscience;
car comprendre une chose consiste non seulement à saisir les
attributs communs à sa classe, mais à saisir les attributs différents
qui séparent cette classe et les autres.
Avec Morel 2 la folie avec conscience s'isole davantage ; elle n'est
plus une subdivision, mais un groupe principal désigné sous le nom
de délire émotif. Et il croit que l'émotivité de ces malades est un
facteur si important qu'il a donné à son idée une forme très origi
nale, et conforme du reste aux opinions anatomiques de l'époque.
Comme on supposait alors que le système ganglionnaire viscéral est
la source des émotions, il fait de ce délire émotif une maladie du
système ganglionnaire. Inutile de discuter cette idée surannée.
Dégageons plutôt ce qui était juste dans la conception de Morel. Il
a eu raison de bien mettre en lumière le facteur émotion ; raison
aussi de considérer son délire émotif comme une maladie spéciale,
bien distincte des monomanies d'Esquirol; sur l'exactitude de cette
distinction, et sur l'originalité de la folie avec conscience, nous
1. Esquirol. Des maladies mentales, t. II, p. 12.
2. Morel. Études cliniques. Traité théorique et pratique des maladies
mentales, etc., 2 vol. Nancy, 1892. Traité des maladies mentales, 1860. A. BINET ET TH. SIMON. — FOLIE AVEC CONSCIENCE 125
insisterons un peu plus loin. C'est un progrès sur Esquirol; car en
rapprochant trop les fous avec conscience et les autres monoman
iaques, Esquirol avait commis une erreur que nous montrerons.
Seulement Morel a le tort d'inventer ce terme de délire émotif,
qui est trop vague, trop général surtout, car il n'y a pas que chez
ces aliénés qu'on peut rencontrer à la base du délire un état émo
tionnel important.
Après Morel, nous entrons dans une période où l'analyse des
symptômes conduit à de l'émiettement. La folie avec conscience perd
son unité; on n'en fait pas la synthèse, on l'étudié et on la conçoit
par morceaux. C'est, pourrait-on dire, un peu la faute de la maladie;
car elle se présente, suivant les individus, en des formes si origi
nales et si curieuses, que la tentation vient de traiter chacune de
ces formes en un chapitre distinct. C'est le règne des monographies,
et la terminologie devient extrêmement importante. On parle de
délire du toucher, de folie du doute, de phobies diverses ; et le nombre
de ces phobies qu'on distingue les unes des autres par un nom est
innombrable : nosophobie (peur des maladies), claustrophobie (peur
des espaces clos), agoraphobie (peur des endroits découverts), éry-
throphobie (peur de rougir), etc.; puis il y a encore toute la série
des manies, que l'on distingue aussi par leur objet : kleptomanie (ou
impulsions au vol), pyromanie (ou impulsions incendiaires), onoma-
tomanies (ou impulsions verbales), etc., et dernièrement encore,
on a ajouté une maladie nouvelle, la maladie des tics. — Mais au
milieu de tous ces détails, un point important reste saillant,
qu'auteurs français et anglais contribuent également à mettre en
lumière : la lucidité des malades. Ce sont des gens qui le plus
souvent n'ont pas de délire, et qui raisonnent sainement sur leur
état. Il y a là un caractère primordial, et pour le rappeler con
stamment, nous avons pris parmi tant de noms proposés celui de
folie avec conscience*, qui fut employé autrefois. Cette lucidité a été
l'occasion de bien des discussions, des erreurs, et des malentendus,
surtout entre médecins et magistrats. Ces derniers ne pouvaient pas
comprendre qu'un homme qui a son bon sens, qui raisonne, qui
réfléchit, puisse être considéré comm

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