Fondements des politiques de la pauvreté : notes sur « The Report on the Poor » de John Locke - article ; n°6 ; vol.45, pg 1423-1442
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Fondements des politiques de la pauvreté : notes sur « The Report on the Poor » de John Locke - article ; n°6 ; vol.45, pg 1423-1442

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Revue économique - Année 1994 - Volume 45 - Numéro 6 - Pages 1423-1442
The foundations of poor-management policies : notes on John Locke's « report on the poor »
The question of a minimum income has always been under debate. Our intention here is to complement S. Milano's outline of the history of minimum guaranteed income [1990] by proposing some remarks on a central author in the history of liberalism : John Locke. It is often ignored that John Locke is also the author of a « Report on the Poor ». The ana­lysis of this report gives interesting results : on the one hand, authoritarian and hierarchical aspects in Locke's thought are stressed, and on the other hand, in our view, Locke's economic analysis of poverty are embedded in the puritan theology. Furthermore, « The Report on The Poor » raises questions of current importance.
Fondements des politiques de la pauvreté. Notes sur The Report on the Poor de John Locke
L'idée d'un revenu minimum a toujours fait l'objet d'un débat. Notre propos ici est de compléter l'histoire du revenu minimum garanti, esquissée par S. Milano [1990], en établissant un jalon supplémentaire. Nous nous focaliserons sur un auteur central dans l'histoire du libéralisme, John Locke. On ignore souvent que Locke est aussi l'auteur d'un rapport sur les pauvres. Pourtant, l'analyse de ce rapport présente un double intérêt : d'une part, elle révèle un aspect inattendu de la pensée de Locke, le versant autoritaire et hiérarchique. D'autre part, elle met en évidence que l'économie chez Locke ne peut être pensée de manière autonome par rapport à la théologie puritaine. Par ailleurs « The Report on the Poor » soulève des questions toujours d'actualité.
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1994
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Madame Ai-Thu Dang
Fondements des politiques de la pauvreté : notes sur « The
Report on the Poor » de John Locke
In: Revue économique. Volume 45, n°6, 1994. pp. 1423-1442.
Abstract
The foundations of poor-management policies : notes on John Locke's « report on the poor »
The question of a minimum income has always been under debate. Our intention here is to complement S. Milano's outline of the
history of minimum guaranteed income [1990] by proposing some remarks on a central author in the history of liberalism : John
Locke. It is often ignored that John Locke is also the author of a « Report on the Poor ». The ana-lysis of this report gives
interesting results : on the one hand, authoritarian and hierarchical aspects in Locke's thought are stressed, and on the other
hand, in our view, Locke's economic analysis of poverty are embedded in the puritan theology. Furthermore, « The Report on
The Poor » raises questions of current importance.
Résumé
Fondements des politiques de la pauvreté. Notes sur "The Report on the Poor" de John Locke
L'idée d'un revenu minimum a toujours fait l'objet d'un débat. Notre propos ici est de compléter l'histoire du revenu minimum
garanti, esquissée par S. Milano [1990], en établissant un jalon supplémentaire. Nous nous focaliserons sur un auteur central
dans l'histoire du libéralisme, John Locke. On ignore souvent que Locke est aussi l'auteur d'un rapport sur les pauvres. Pourtant,
l'analyse de ce rapport présente un double intérêt : d'une part, elle révèle un aspect inattendu de la pensée de Locke, le versant
autoritaire et hiérarchique. D'autre part, elle met en évidence que l'économie chez Locke ne peut être pensée de manière
autonome par rapport à la théologie puritaine. Par ailleurs « The Report on the Poor » soulève des questions toujours d'actualité.
Citer ce document / Cite this document :
Dang Ai-Thu. Fondements des politiques de la pauvreté : notes sur « The Report on the Poor » de John Locke. In: Revue
économique. Volume 45, n°6, 1994. pp. 1423-1442.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/reco_0035-2764_1994_num_45_6_409617Fondements des politiques
de la pauvreté
Notes sur "The Report on the Poor"
de John Locke
Ai-Thu Dang
L'idée d'un revenu minimum a toujours fait l'objet d'un débat. Notre propos ici
est de compléter l'histoire du revenu minimum garanti, esquissée par S. Milano
[1990], en établissant un jalon supplémentaire. Nous nous focaliserons sur un
auteur central dans l'histoire du libéralisme, John Locke. On ignore souvent que
Locke est aussi l'auteur d'un rapport sur les pauvres. Pourtant, l'analyse de ce
rapport présente un double intérêt : d'une part, elle révèle un aspect inattendu de
la pensée de Locke, le versant autoritaire et hiérarchique. D'autre part, elle met en
évidence que l'économie chez Locke ne peut être pensée de manière autonome
par rapport à la théologie puritaine. Par ailleurs « The Report on the Poor » sou
lève des questions toujours d'actualité.
Devant la recrudescence de la pauvreté dans le monde occidental au cours
des années quatre-vingt et la « crise de l'État providence », l'idée d'un revenu
minimum garanti est revenue au premier plan et fait l'objet de nombreux débats
(par exemple le collectif Charles Fourier [1985], la création du « Basic Income
European Network » (BIEN), le numéro spécial du Bulletin du Mauss [1987],
etc.). Toutefois, l'idée d'un droit à un minimum d'existence n'est pas nouvelle
et on la trouve suivant les époques sous des appellations très différentes,
« dividende social », « crédit social », « droit à l'aisance », « impôt négatif »,
« allocation universelle », etc. (Van Parijs [1985], [1987] ; Milano [1988], [1990]).
Notre propos ici est de compléter l'histoire du revenu minimum garanti,
esquissée par S. Milano [1990], en établissant un jalon supplémentaire. Nous
nous focaliserons sur un auteur central dans l'histoire intellectuelle du libéra
lisme, John Locke. On ignore souvent que Locke est aussi l'auteur d'un rapport
sur les pauvres. On trouve dans ce rapport des dispositifs, des mesures, visant à
assurer un minimum d'existence à des catégories particulières de personnes.
« The Report on the Poor » présente à notre avis un double intérêt : d'une part,
il révèle un aspect inattendu de la pensée de Locke, le versant autoritaire et hié
rarchique. D'autre part, il est très caractéristique d'une certaine problématique
* Université Paris I, SET-METIS (URA/CNRS 919), 90, rue de Tolbiac, 75634 Paris
Cedex 13.
Je remercie Françoise Dubœuf, Bernard Gazier et Bernard Guerrien, ainsi que deux
rapporteurs anonymes de la Revue, pour leurs observations critiques sur une première
version de ce texte. Il est bien évident que je reste seule responsable du contenu de cet
article.
1423
Revue économique — N° 6, novembre 1994. p. 1423-1441. Revue économique
libérale en matière de gestion des pauvres, en ce sens qu'il lie l'aide sociale au
problème de l'incitation ou de la désincitation au travail.
Ce texte va procéder en deux temps. Après avoir résumé les mesures préco
nisées par Locke et montré l'importance du thème de la pauvreté dans sa pensée
(section I), nous les replacerons dans le contexte de l'époque et nous mettrons
alors en évidence, d'une part, leur caractère centralisé et autoritaire, et, d'autre
part, l'instabilité des conceptions lockéennes de la pauvreté. Nous verrons éga
lement que derrière le débat sur la pauvreté se trouvent la question du revenu
minimum et une articulation problématique à la relation salariale (section II).
LE REGARD DE LOCKE SUR LES PAUVRES
En Angleterre, le nombre de pauvres ne cesse d'augmenter, de 1692 à 1699.
Gregory King, dressant un tableau sur la population britannique pour les années
1688, estime que les petits cultivateurs (cottagers) et les indigents (paupers)
représentent 24 % de la population du pays (1 360 000 sur 5 500 000 habitants,
dont 300 000 vagabonds), tandis que les ouvriers et artisans (labouring people)
et les domestiques (out-servants) forment 23 % de la population totale
(1 275 000). Ces deux groupes, qui représentent donc 47 % de la population
anglaise, dans les années 1690, n'arrivent pas à subvenir, avec leurs ressources,
à leurs besoins quotidiens1. Il existe un seuil à partir duquel la pauvreté consti
tue une menace constante.
La pauvreté devient, à la fin du XVIIe siècle, un problème crucial pour les
pouvoirs publics. L'urgence de la situation appelle des mesures. C'est dans ce
contexte précis qu'un rapport sur les pauvres est demandé au Board of Trade. Il
est décidé que chaque membre de la Commission élaborera un plan de réforme
sociale, destiné à éradiquer la pauvreté. J. Locke soumettra à la Commission, en
1697, c'est-à-dire pratiquement à la fin de sa vie, son « Report on the Poor ».
Après avoir présenté un résumé succinct des principales mesures préconis
ées, nous inscrirons « The Report on the Poor » dans l'ensemble des écrits
sociaux antérieurs de Locke, afin de mieux suivre son cheminement intellectuel
et de mettre davantage en perspective ses travaux dans le cadre de ses fonctions
au Board of Trade.
Panorama des mesures proposées
Le projet lockéen s'inscrit dans le cadre d'un ensemble de lois existantes sur
les pauvres : sous le règne d'Elisabeth 1"% des lois ont fait du vagabondage un
délit pénal et ont prescrit la construction de maisons de correction où sont
1. G. King, « Natural and Political Observations », cité par Laslett [1965], p. 36 et suiv.
Ces statistiques sociales sont les seules citées par les historiens qui travaillent sur la pau
vreté à cette époque. Cf. J.-P. Gutton [1974], C. Lis et H. Soly [1979], B. Geremek [1987],
etc. Des études locales menées à la même période les ont confirmées (C. Lis et H. Soly,
[1979]). De même, V.D. Glass a montré que les calculs de Gregory King étaient tout à fait
fondés (« Gregory King and the Population of England and Wales at the end of the Seven
teenth Century », Eugenics Review, 37, janvier 1946, et « Gregory King's Estimates

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