Introduction. Le retour des paysans: mythes et réalités - article ; n°128 ; vol.32, pg 725-740
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Description

Tiers-Monde - Année 1991 - Volume 32 - Numéro 128 - Pages 725-740
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 15
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Maxime Haubert
Introduction. Le retour des paysans: mythes et réalités
In: Tiers-Monde. 1991, tome 32 n°128. pp. 725-740.
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Haubert Maxime. Introduction. Le retour des paysans: mythes et réalités. In: Tiers-Monde. 1991, tome 32 n°128. pp. 725-740.
doi : 10.3406/tiers.1991.4623
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/tiers_0040-7356_1991_num_32_128_4623INTRODUCTION
LE RETOUR DES PAYSANS î
MYTHES ET RÉALITÉS
par Maxime Haubert*
II y a un peu plus d'une vingtaine d'années, les sociologues ont diag
nostiqué à la fois la « fin des paysans » dans les sociétés industrialisées
— où ils font place à un simple « secteur agricole » ne se différenciant guère
des autres secteurs du point de vue économique, sociopolitique et culturel —
et la montée d'une <c marée paysanne » dans le Tiers Monde, où les sociétés
villageoises et lignagères traditionnelles deviennent paysannes lorsque
l'inclusion dans des systèmes sociaux plus vastes leur fait perdre une partie
de leur autonomie1.
Depuis lors, cependant, il n'a pas manqué d'analystes pour diag
nostiquer également dans le Tiers Monde une autre <c fin des paysans »2 :
d'une part, en effet, les sociétés paysannes paraissaient inexorablement
désarticulées, déstructurées, décomposées par les assauts de l'économie
* Professeur de sociologie à l'Université de Paris I, responsable du Centre d'Etudes Compar
atives sur le Développement (cecod, iedes).
1. Henri Mendras, La fin des paysans, Paris, sEDEis/Futuribles, 1967; H. Mendras et
Yves Tavernier, Terres, paysans et politique, SEDEis/Futuribles, 1969. Dans la distinction
maintenant classique entre société « sauvage » ou « primitive », société « paysanne » et « secteur
agricole » des sociétés industrielles avancées, la société paysanne se définit par sa relative auto
nomie économique, sociopolitique et culturelle par rapport à une société globale qui pourtant
la domine et en particulier prélève sur elle hommes, produits et argent. Du point de vue des
formes d'exploitation, une des caractéristiques essentielles de l'agriculture paysanne (qui
l'oppose notamment aux interventions dans l'agriculture des entreprises capitalistes ou des
entreprises publiques) est la symbiose entre l'exploitation et l'unité domestique : les rapports
sociaux y sont donc fondés sur la parenté, et surtout la « rationalité » de l'exploitation est
guidée par l'objectif de reproduction de l'unité domestique et non par la maximisation du profit
privé ou du bien public. Nous reviendrons sur cette définition, inspirée des travaux
d'A. Chayanov ; dans les débats actuels sur l'avenir des paysans, un des premiers soucis devrait
être en effet de préciser de quels « paysans » il s'agit.
2. Jacques Lombard, Une autre « fin des paysans » : ceux d'Afrique noire, Revue Tiers
Monde, t. XXII, n° 85, janvier-mars 1981, p. 32-59. Cf. également mon article (en coll. avec
C. Frelin et W. Franssen) : Le paysan, le viilage et l'utopie, Revue^ Tiers Monde, t. XIX, n° 75,
juillet-septembre 1978, p. 573-599. La littérature sur ce point est trop connue et trop nombreuse
pour qu'il soit nécessaire et possible de la citer ici.
Revue Tiers Monde, t. ХХХП, n° 128, Octobre-Décembre 1991 726 Maxime Haubert
capitaliste; et, d'autre part, les politiques appliquées par les gouvernements
et les organisations internationales paraissaient contribuer à cette destruc
tion, en donnant la priorité à la réalisation de grands projets et à la
constitution de grandes exploitations modernisées (quel que soit leur
statut juridique : privé, public, mixte, coopératif...), ainsi qu'en encadrant
si étroitement la fraction demeurée « utile » des petits producteurs qu'on a
pu caractériser: leur situation comme celle de « salariés à domicile »3.
Notre propos dans ce dossier — forcément très fragmentaire — est
d'examiner si l'on n'assiste pas dans la période récente à un certain
retournement de tendance, qui se manifesterait à la fois :
— par un accroissement de la place qui est faite aux paysans dans les
politiques agraires élaborées et mises en œuvre par les acteurs
dominants;
— et par un accroissement de leur rôle en tant qu'acteurs dominés dans le
changement des sociétés rurales et plus généralement des sociétés
nationales.
Dans quelle mesure peut-on effectivement parler d'un « retour »
des paysans? Et quelles perspectives peut-on envisager à cet égard?
— DE NOUVELLES POLITIQUES AGRAIRES?
Le retournement de tendance en faveur de l'agriculture paysanne
que l'on peut observer à des degrés divers depuis une dizaine d'années
dans les politiques élaborées ou proclamées par les gouvernements et les
organisations internationales trouve son explication et/ou sa justification
dans l'échec de celles qui étaient axées selon les cas soit sur la marginalisation
et l'exclusion des producteurs paysans, soit sur leur subordination étroite
ou leur quasi-prolétarisation. Il y a une prise de conscience de plus en
plus générale que cet échec joue un rôle fondamental dans l'aggravation
considérable de la crise que connaissent un grand nombre de pays, que ce
soit dans le domaine économique ou dans le domaine sociopolitique.
Dans le économique, la crise a deux manifestations principales :
d'une part une crise alimentaire (diminution de la production vivrière per capita,
détérioration de la situation nutritionnelle de groupes importants de population,
accroissement démesuré des importations de produits alimentaires, etc.) ; et
d'autre part une crise des paiements extérieurs (stagnation ou régression des
rentrées de devises procurées par Fagro-exportation, envolée des dépenses relatives
3. Cf. par ex. mon ouvrage (en coll. avec C. Frelin, Nguyen Trong N. T. et divers auteurs) :
Politiques alimentaires et structures sociales en Afrique noire, Paris, puf (coll. « Tiers Monde »),
1985. Le retour des paysans 727
aux achats de produits alimentaires et de biens de production pour les grandes
entreprises et les grands projets, augmentation consécutive de la dette exté
rieure, etc.)- On remarquera que, si la crise des paiements extérieurs a d'autres
causes que les échecs de l'agriculture, elle est souvent directement à l'origine de
de la réorientation des politiques agraires, celle-ci étant une composante essent
ielle des programmes ď « ajustement structurel » mis en œuvre sous l'égide des
institutions financières internationales pour tenter d'y remédier.
Dans le domaine sociopolitique, l'échec se manifeste dans les graves tensions
provoquées par les consommateurs et/ou les producteurs. S'agissant des product
eurs paysans, leur résistance peut avoir un caractère relativement passif (« grève »
plus ou moins accusée de la production, exode rural, etc.), ce qui ne l'em
pêche d'ailleurs pas alors d'avoir d'importants effets déstabilisateurs. Mais
elle peut aussi se traduire dans des occupations de terres ou des manifesta
tions plus ou moins violentes et aller dans des cas extrêmes jusqu'à l'appui à des
mouvements armés, qu'ils soient « révolutionnaires » (comme au Guatemala ou
en Colombie) ou « contre-révolutionnaires » (comme au Nicaragua sous le régime
sandiniste). On remarquera que, quelle que soit leur nature, les conflits agraires
sont souvent aussi directement à l'origine de la réorientation des politiques.
C'est donc généralement sous la pression à laquelle ils sont soumis, à
l'intérieur et/ou à l'extérieur, que les gouvernements réorientent leurs
politiques agraires en faveur des petits producteurs, les préoccupations de
justice sociale ou même d'efficacité à long terme n'ayant pas toujours,
semble-t-il, pesé d'un très grand poids4.
Quelles que soient la pondération des facteurs intervenant dans la défi
nition des nouvelles politiques et leur influence plus ou moins directe,
celles-ci se caractérisent essentiellement par la <c primauté des petits
exploitants » et la <c réforme de la structure des incitations » qui leur sont
adressées5. Cela s'accompagne d'une importance beaucoup plus grande que
par l

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