Iuvenes et circoncellions : les derniers sacrifices humains de l Afrique antique - article ; n°1 ; vol.15, pg 261-271
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Iuvenes et circoncellions : les derniers sacrifices humains de l'Afrique antique - article ; n°1 ; vol.15, pg 261-271

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Description

Antiquités africaines - Année 1980 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 261-271
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié le 01 janvier 1980
Nombre de lectures 34
Langue Français
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Extrait

Claude Lepelley
Iuvenes et circoncellions : les derniers sacrifices humains de
l'Afrique antique
In: Antiquités africaines, 15,1980. pp. 261-271.
Citer ce document / Cite this document :
Lepelley Claude. Iuvenes et circoncellions : les derniers sacrifices humains de l'Afrique antique. In: Antiquités africaines,
15,1980. pp. 261-271.
doi : 10.3406/antaf.1980.1047
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antaf_0066-4871_1980_num_15_1_1047Antiquités africaines
1. 15. 1980, p. 261-271
IUVENES ET CIRCONCELUONS :
LES DERNIERS SACRIFICES HUMAINS
DE L'AFRIQUE ANTIQUE
par
Claude LEPELLEY
Sous le règne de l'empereur Constant, peu avant le milieu du IVe siècle, la Numidie fut le théâtre d'évé
nements étranges et violents, dont témoignent les sources relatives au donatisme. Les circoncellions, aile
extrémiste du parti donatiste, avaient répandu le trouble dans les campagnes en attaquant les fermes des
propriétaires fonciers et les détenteurs de créances ; ils s'étaient opposé par la force à l'application des
mesures prises par Constant contre l'église schismatique. Les comtes d'Afrique, Taurinus vers 340, Sil
vester vers 345-347, avaient envoyé la troupe contre eux et noyé dans le sang leur insurrection 1. Les vic
times de cette répression furent considérées comme des martyrs par leurs compagnons. Mais on vit alors
ces derniers adopter un comportement déconcertant : la recherche volontaire de la mort. L'église donatiste
exaltait le martyre ; elle s'affirmait l'héritière des héroïques confesseurs de la foi du temps de la persécut
ion, ecclesia martyrum, et elle ne voyait dans l'église catholique qu'une communauté de renégats, ecclesia
traditorum. Certains circoncellions, probablement traumatisés par le sanglant écrasement de leur mouve-
Abréviations utilisées pour les recueils de textes patristiques :
B.A. : Bibliothèque Augustinienne (œuvres de saint Augustin publiées par les Etudes Augustiniennes, Paris).
C.S.E.L. : Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum (publié par l'Académie de Vienne).
P.G. : J.-P. Migne, Patrologiae cursus completus, series graeco-latina.
P.L. : J.-P. Migne, cursus series latina.
1 Ces faits ont beaucoup retenu l'attention des historiens modernes et ont suscité un grand nombre d'hypothèses, sou
vent contradictoires. On trouvera un état de la question et une large bibliographie dans l'introduction d'Yves Congar à l'édi
tion des traités anti-donatistes de saint Augustin dans la Bibliothèque Augustinienne (tome 28, Traités anti-donatistes, vol. I,
Paris, 1963, p. 32-37 et 128-130). Voir aussi infra, p. 267, n. 2 et p. 270, n. 4. C. LEPELLEY 262
ment 1, estimèrent que la mort volontaire équivalait au martyre, interprétant en un sens très fruste l'e
nseignement de leur église 2. D'où ces scènes sauvages décrites par Optât de Milev et Augustin, heureux
de trouver dans l'évocation de cette conduite aberrante un argument de poids pour discréditer l'église
adverse.
Ces auteurs mentionnent ainsi les groupes de circoncellions qui se précipitaient collectivement du
haut de montagnes escarpées et s'écrasaient dans des précipices 3. Des séries d'épitaphes chrétiennes ont
été retrouvées au pied des djebels Nif-en-Nser et Anouda, dans la Numidie centrale. A. Berthier et L. Les-
chi ont pensé que ces soixante-cinq inscriptions signalaient les tombes de martyrs volontaires qui s'étaient
jetés du haut des montagnes qui surplombent leur sépulture 4. D'autres fanatiques préféraient se noyer
dans des lacs ou se brûler sur des bûchers qu'ils allumaient eux-mêmes 5. Certains, plus subtils, cherchaient
à donner davantage à leur suicide l'apparence du martyre. Ils s'attaquaient sans armes à des gouverneurs
de province en déplacement, circulant dans la campagne avec leur escorte, et ils se faisaient tuer par les sol
dats 6. Des gouverneurs spirituels les firent lier comme pour être mis à mort, puis les laissèrent aller, tout
1 J'adopte, pour cette suite d'événements, la chronologie suggérée par Optât de Milev. Cet auteur écrivait vers 366-367,
et son œuvre constitue la source la plus proche dans le temps des faits relatés. Or Optât (III, 4, éd. Ziwsa. C.S.E.L., 26, p. 81-
83) évoque successivement :
— les troubles dans les campagnes suscités par les bandes d'Axido et Fasir, qui se réclamaient du donatisme mais parais
saient surtout les meneurs d'une sorte de jacquerie ; ces troubles furent réprimés par les troupes du comte d'Afrique Taurinus ;
(vers 340 ; cf Pallu, Fastes, II, p. 240-242 ; P.L.R.E., p. 878-879).
— l'opposition violente des circoncellions à l'action des envoyés de Constant, Paulus et Macarius, ce qui suscita une
sanglante répression de la part des troupes du comte Silvester (vers 345-347 ; cf Pallu, Fastes, II, p. 243-246 ; P.L.R.E.,
p. 842).
— l'épidémie de suicides rituels.
Dans son texte le plus précis sur cette question (lettre 185 ; cf infra, p. 3, n. 3), Augustin évoque les suicides entre le récit des
origines du schisme et celui des exactions à caractère social ; mais il suit l'ordre chronologique de manière beaucoup moins
rigoureuse qu'Optât. Il nous a semblé qu'un argument très fort militait en faveur de la chronologie d'Optat : le fait qu'une
nouvelle épidémie de suicides se déclencha lors de la liquidation du donatisme après 411 ; ce comportement paraît donc être
la conséquence d'une répression violente, d'une persécution. On connaît cette recrudescence de morts volontaires par le Contra
Gaudentium d'Augustin et par ses lettres 185 et 204. Cette dernière épidémie suicidaire fut, toutefois, beaucoup moins import
ante que celle qui sévit au temps de Constant (Contra Gaudentium, I, 29, 33 : Ex hoc igitur genere quis ignorât quant multi antea
per diuersas mortes ibant et peribant, et nunc in illorum comparatione quant pauci suis ignibus ardeant ?) . Les historiens modern
es ne se sont guère posé ce problème chronologique ; il est vrai qu'ils ont traité fort allusivement l'épisode des suicides (cf
infra, p. 271, n. 4).
2 Contrairement à ce qui a parfois été dit, les auteurs anciens affirment fort explicitement que la manie suicidaire n'était
répandue que chez les seuls circoncellions, et non chez tous les donatistes. Dans son Livre sur les diverses hérésies, Filastrius
de Brescia consacre une rubrique aux donatistes ( Diuersarum haereseon liber, LV (LXXXIII), éd. Marx, C.S.E.L., 38, p. 45)
et une autre aux circoncellions suicidaires, qu'il nomme circuitores ou biothanati (ibidem, LVII (LXXXV), loc. cit., p. 46).
De même, Augustin, De haeresibus, 69, P.L., 42, col. 43. Seul Théodoret de Cyr ( Haereticarum fabularum compendium, IV,
6, P.G., 83, col. 424) attribue la manie suicidaire aux donatistes en général, mais il s'agit d'un témoignage marginal (cf infra,
p. 266 et n. 2-3).
3 Optât, III, 4 ; Augustin, Contra epist. Parmeniani, III, 6, 29 (B.A., t. 28, p. 472-473) ; Contra litt. Petiliani, I, 24, 26
(B.A., t. 30, p. 178-179) ; ibid., II, 20, 46, (B.A., t. 30, p. 278-281) ; Contra Cresconium, III, 49, 54 (B.A., t. 31, p. 382-385) ;
Contra Gaudentium, I, 27, 31 ; I, 28, 32 (B.A., t. 32, p. 578-583) ; lettre 43. 8, 24 (C.S.E.L., t. 34, 2 p. 106) ; lettre 185, 3, 12
et 4, 15 (C.S.E.L., t. 57, p. 11 et 14).
4 Leschi (L.), A propos des épitaphes chétiennes du Djebel Nif-en-Nser. R. Af., t. 84, 1940, p. 30-36 ; Berthier (Α.),
Les vestiges du christianisme antique dans la Numidie centrale. Alger, 1942, p. 215. Le lieu de la découverte est proche d'Ain
Mlila, à 43 kilomètres au sud de Constantine.
5 Augustin, lettre 185, 3, 12 et 4, 15 ; Contra Gaudentium, I, 22, 25 (loc. cit., p. 562-563), 27, 30 (p. 578-579), 29, 33
(p. 582-583).
6 Augustin, lettre 185, 3, 12. ET CIRCONCELLIONS 263 IUVENES
dépités d'être restés en vie 1. Parfois, sur un grand chemin, ils s'en prenaient à un voyageur qui circulait
armé et ils le contraignaient à les tuer, sous peine d'être tué lui-même s'il refusait 2.
Je tenterai de rechercher la signification de ces faits déconcertants dans la suite de cette étude. Auparav
ant, je voudrais examiner deux passages de saint Augustin relatifs à un mode particulier de mort volont
aire ; ces textes présentent en effet un intérêt considérable, demeuré jusqu'à présent inaperçu, pour l'hi
storien de l'Afrique antique.
Le premier de ces documents date de 417. Il se trouve dans une lettre adressée par saint Augustin au
tribun militaire et futur comte

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